un Evangile paradoxal !

              Homélie du 13ème dimanche A : un Evangile paradoxal !

   Lectures : 2 R 4, 8-112.14-16, Ps 88 ; Rm 6, 3-4. 8-11 ; Mt 10, 37-42

Mes frères et mes sœurs dans le Christ Jésus, la logique de l’Evangile, en l’occurrence celle de ce dimanche, semble invraisemblable.  Elle exige de nous de changer de logiciel, c’est-à-dire de voir autrement les choses, d’adopter un autre style de vie. Sinon comment comprendre que pour trouver, gagner sa vie, il faut la perdre ; pour être élevé, grandir, il faut se rabaisser, servir, laver les pieds des faibles ; pour être le premier, il faut être le dernier ; pour vivre, il faut mourir à soi comme le grain de blé porté en terre ? Saint Augustin le dit en ces termes : « Ce qui se perd aux semailles se retrouve à la moisson » …

Certes, c’est une logique déroutante, et pourtant tellement efficace et féconde. Oui, risque, ose un jour être humble – l’humilité que Maurice Zundel appelle l’offrande agenouillée de l’amour -, et tu verras : tu désarmeras plus d’un !

Dans la même veine, le 1er verset de la page d’Evangile de ce dimanche paraît choquant : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ».  Dieu serait-il jaloux, s’opposerait-il à nos affections familiales, humaines ? L’amour que l’on a pour l’un peut-il être comparable à celui que l’on a pour un autre, dès lors que chaque amour a ses propres contours et sa propre légende ? Est-ce qu’une maman peut, dans l’absolu, dire qu’elle préfère tel enfant à un autre ?…  Pour moi, le cœur de l’homme est comme une mosaïque de points lumineux : j’entretiens avec chacun de ces points, dans la spécificité de son  contexte, un lien particulier, unique. L’amour que j’ai pour Dieu, pour ma mère, pour une amie, un ami … est tout autant incomparable, sans pareil.

En effet, quand Jésus nous dit de le préférer à tous, c’est pour élever la cote, l’étoffe et la qualité de l’amour que nous avons pour nos bien-aimés. Si nous l’aimons d’abord, si nous commençons par aller boire à la fontaine de son Amour ; si nous nous laissons brûlés par le Feu intérieur, l’Esprit Saint, qui purifie, notre amour sera transformé, sublimé. Nous aimerons alors les autres en vérité. Tel est mon enseignement de ce dimanche : par l’Esprit Saint, l’Amour du Christ renouvelle le nôtre en amour-don, qui donne, se donne et pardonne. Il soutient nos efforts de renoncement à nous-mêmes, car sans renoncement à soi-même, on n’est pas disciple du Crucifié. Il nous libère de nos pulsions narcissiques, de notre égocentrisme et axe notre vie sur Dieu et sur le prochain. « Celui qui ne prend pas sa croix » dit Jésus,  » n’est pas digne de moi« . Prendre sa croix, c’est apprendre à assumer sa vie, y compris dans ce qu’elle a de revêche; mais aussi à mourir à soi-même, à ne plus regarder son nombril mais bien celui des autres. Comme Jésus, je me sacrifie, je donne ma vie pour que l’autre vive. Je suis acteur et responsable de sa vie, mais dans le respect de sa liberté.

L’Amour gratifiant de Dieu rend ainsi nos stérilités fécondes (1ère lecture), il fait de nous de vrais témoins d’Evangile, qui accueillons quiconque nous demande un service, une attention, une prière, un sourire, un regard bienveillant, une écoute empathique … et même un simple verre d’eau.  « Qui donne au pauvre prête à Dieu » (Victor Hugo).

Ce qui motive l’accueil et d’hospitalité du disciple de Jésus-Christ, c’est de savoir qu’il a reçu gratuitement : « Vous avez reçu gratuitement, donnez aussi gratuitement » (Mt 10, 8). Et saint Paul de renchérir : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » (1 Co 4, 7) … 

Le disciple donne de plein gré, sans regret ni contrainte. Sa façon de donner vaut mieux que ce qu’il donne. La générosité s’accommode mal des comptes d’apothicaire : « Si tu as beaucoup, donne abondamment ; si tu as peu, donne peu mais volontiers » (Charles Gobinet).

Mon Dieu, comme je voudrais être un pain de vie rompu pour le bonheur des autres !

                                                                                     Vital Nlandu, votre curé-doyen

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