La foi de la cananéenne

                     Homélie du 20ème dimanche ord. A : La foi de la cananéenne

                         Lectures : Is 56, 1.6-7 ; Rm 11, 13-32 ; Mt 15, 21-28

Mes frères et mes sœurs, Dieu n’appartient à personne, le salut est sans frontière. Dans la page d’Evangile de ce week-end, Jésus est au Nord de la Palestine, spécialement dans la région de Tyr et de Sidon, villes côtières de l’actuel Sud-Liban. Il est en Terre étrangère. Ce qui augure l’universalité de la mission. Sa maison, comme le dit le prophète Isaïe dans la 1ère lecture, s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples » Et le psalmiste : « Ton chemin sera connu sur la terre, ton salut parmi toutes les nations« . Saint Paul abonde dans le même sens lorsqu’il écrit dans la 2ème lecture que loin de Dieu, les païens, c’est-à-dire les étrangers, ont obtenu miséricorde… Le trésor de la foi est ainsi proposé à tous, sans discrimination de race, de nation, de chemin de foi ou de religion.

Dans l’Evangile, une cananéenne supplie, mais Jésus est indifférent. Comme s’il ne se sentait pas concerné et touché par la requête de cette maman dont l’enfant souffre cruellement. Martin Luther King, le pasteur afro-américain, disait : « Ce qui m’effraie le plus, ce n’est pas l’oppression des méchants, mais l’indifférence des bons« . Nous le savons, « le silence de Dieu » est une épreuve terrible de la foi, au point de se demander parfois ce que signifie encore cette parole évangélique : « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira la porte » (Mt 7,7). Alors la femme implore de plus belle. Cela importune et insupporte les disciples qui demandent à Jésus de donner suite à sa demande pour qu’elle les laisse tranquilles. Sur ce, Jésus va indiquer à cette femme la limite territoriale de sa mission : elle est destinée aux fils d’Israël. Mais la femme ne se lasse pas, elle s’obstine à faire confiance!

Et pour couper net, Jésus va chercher à la démolir par ces paroles vexatoires : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants (d’Israël) et de le jeter aux petits chiens « . Entre nous soit dit, ces propos ne peuvent que scandaliser et outrer tant ils ont un parfum raciste. Selon Lévi-Strauss, le racisme c’est croire à la supériorité de sa race. Cette doctrine se nourrit de la haine, des préjugés et du rejet de l’étranger considéré comme une menace. Evidemment, lorsque l’on est en période de crise avec le chômage, la délinquance, l’insécurité…, l’étranger sert souvent de bouc émissaire. Delà l’intolérance et ses conséquences : xénophobie, marginalisation, exclusion. Ce qui choque dans la rebuffade de Jésus, c’est le sectarisme apparent de ses intentions et le caractère méprisant du mot chien. Aujourd’hui encore, dans les pays d’Orient, on traite facilement l’étranger de chien.

Remarquez, cependant, le sens de la réplique, la hauteur et toute l’intelligence émotionnelle de cette femme, qui ne se laisse pas démonter : « Oui, Seigneur, mais justement, les petits chiens ont besoin des miettes du pain des enfants« . Là-dessus, Jésus est totalement médusé !

En fait, il use ici d’une pédagogie renversante :  

*En parlant de chien, il parodie le langage raciste de son époque en le désapprouvant insidieusement.

*Il teste, met à l’épreuve la foi de la cananéenne pour que nous comprenions que la question de la foi ne dépend que de l’assurance intérieure de ce qu’on espère (Hb 11, 1) ; de la conviction de chacun de la puissance de l’œuvre de Dieu ; bref de notre abandon, malgré les écueils, à l’Amour de Dieu…

Alors même qu’il disait dimanche dernier à Pierre, un juif de souche et de surcroît son disciple, qu’il était un homme de peu de foi, qui doutait (Mt 14, 31), il est aujourd’hui en profonde admiration de la foi d’une étrangère : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »  Il s’agit d’une foi tenace, tellement humble et confiante.

Tel est le secret de la cananéenne : elle savait ! Elle savait en qui elle avait mis sa foi : en celui qu’elle appelait désormais « Seigneur » !  Et toi, que dis-tu de ta foi ? Ta prière est-elle insistante et confiante même dans les épreuves ?

                                                                               Vital Nlandu, votre curé-doyen

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