Prendre sa croix pour être disciple de Jésus-Christ !

Homélie du 22ème dimanche ord. A : Prendre sa croix pour être disciple de Jésus-Christ !

Lectures : Jr 20, 7-9 ; Ps 62 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27

Chers amis, la Parole de Dieu nous fait grandir spirituellement.

Dans la 1ère lecture, Jérémie confie de manière pathétique le déchirement intérieur qui le turlupine. Sa mission prophétique est exigeante et ingrate : il doit à tout moment dénoncer, jouer l’oiseau de mauvais augure, déranger les gens ! Aussi est-il l’objet de mépris, d’insulte, de moquerie … et il n’en peut plus ! Il a tenté plus d’une fois, pour avoir la paix, de faire taire la Parole de Dieu dont il est le messager.  Mais c’était plus fort que lui. A peine s’épuisait-t-il, sans jamais y parvenir, à maîtriser le feu dévorant de l’Amour de Dieu qui consumait son cœur… A la fin, il dira : « Seigneur, tu m’as séduit et je me suis laissé prendre, tu m’as terrassé, tu m’as vaincu, tu as été le plus fort ! « … Tel est le lot de celui qui entreprend le chemin de l’aventure avec Dieu : il doit prendre sa part de souffrance liée à l’annonce de l’Evangile (2 Tim 1, 8).

Quant à la page de l’Evangile, Jésus y annonce l’imminent programme qui l’attend : souffrir, mourir et ressusciter. Pierre, avec sa pseudo-représentation  du Messie – celle d’un Christ tout-puissant – veut faire obstacle à ce plan de salut en récusant l’idée de la croix, qui est au demeurant un scandale ! Jésus lui fait alors entendre  raison et en profite pour esquisser le profil de celui qui veut devenir son disciple : il doit être capable de renoncer à lui-même et de prendre sa croix.

Mes sœurs et mes frères, le renoncement est  sans conteste  un puissant levier spirituel. Pour le bouddhisme, le but du renoncement, c’est l’extinction de tous les désirs, qui permet d’atteindre l’état d’apesanteur, de sérénité totale, appelé le nirvana. Dans le coaching du développement personnel en vogue aujourd’hui, le renoncement est un bénéfice, psychologiquement parlant, pour la reconquête de la liberté intérieure. Il faut renoncer à tout contrôler, à sa toute-puissance, à avoir raison à tout prix, à son orgueil, à son égoïsme, renoncer à se cramponner à ses certitudes …

En fait, renoncer, c’est abandonner, se débarrasser. Cela fait peur : peur de manquer, peur de s’arracher à son confort, à sa sécurité. Notre culture de surconsommation nous pousse plutôt à amasser, à empiler, à entasser, une accumulation qui, à la longue, peut devenir compulsive et même addictive ! Combien de fois n’entend-on pas dire : il faut être bien assuré, se sécuriser, épargner, quitte à travailler plus pour gagner plus !

La conséquence, c’est la frénésie à la tâche, la boulimie d’avoir ; avec en point de mire, la maladie de notre civilisation : le burn-out !

« A quoi sert-il  » dit Jésus, « de gagner le monde si c’est au prix de sa vie » ; si c’est pour bousiller sa santé, galvauder la qualité de la vie de sa famille … ? On devrait peut-être y penser ! Cette obsession vorace d’avoir toujours plus pousse même à ne plus se contenter  de ce qu’on a. On devient alors un éternel insatisfait cafardeux … En sus, on accumule au point de ne plus savoir distinguer « l’être » de « l’avoir » : on pense que ce que l’on est dépend de ce que l’on a. On est quelqu’un parce qu’on a l’argent, le prestige, le pouvoir, la gloire, la beauté, de gros biens matériels. Autrement dit : on n’est plus personne, si l’on ne possède pas !

En tout cas, Jésus fait de la vertu du renoncement un préalable pour le suivre. Et le renoncement qu’il préconise va bien au-delà de toutes sortes de privations. Renoncer à soi-même ne signifie pas se couper du monde, s’auto-châtier, se dévaloriser, se négliger ou encore se laisser aller. Selon Jésus, renoncer à soi-même, c’est accepter le plan de Dieu dans  sa vie, décider de se passer de sa propre volonté pour accomplir celle de Dieu : « Que ta volonté soit faite » (le Pater). L’abandon et le dépouillement dont il fait preuve à son agonie est un exemple patent : « Abba, ô mon Père, tout t’est possible ; s’il te plaît, éloigne-moi de cette coupe de douleur. Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). Dès lors, la prière du disciple, n’est-ce pas celle de Paul sur le chemin de Damas : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ?  » (Ac 22, 10). C’est te lever et aimer en prenant ta croix. Ceux qui aiment en vérité le savent : il n’y a pas de vrai amour sans renoncement à soi !

                                                                                  Vital Nlandu, votre curé-doyen

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