Homélie du 23ème dimanche A :
Lectures : Ez 33, 7-9 ; Ps 94 ; Rm 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20
Mes sœurs et mes frères, dans sa première lettre aux convertis de Corinthe (1 Co 13), saint Paul développe le primat de l’amour. Il nous dira même, dans la 2ème lecture de ce dimanche, que l’unique dette, la seule obligation qui nous engage l’un vers l’autre, c’est de nous aimer…
« S’il suffisait qu’on s’aime ; s’il suffisait d’aimer, je ferais de ce monde un rêve, une éternité ! » chante Céline Dion… « Aime » renchérit saint Augustin, » et fais ce que tu veux« , car de la racine de l’amour vrai ne peut sortir que du bon, du beau !
Alors, concrètement parlant, c’est quoi aimer selon la liturgie de la Parole d’aujourd’hui ?
*C’est ne rien faire de mal au prochain (2ème lecture). C’est aussi simple et beau, mais … !
*Aimer, c’est être responsable de l’autre (1re lecture) : quand on aime l’autre, peut-on le laisser s’égarer ou filer un mauvais coton ? Dans le livre de la Genèse, après que Caïn ait commis par jalousie l’homicide sur son frère Abel, Yahvé lui demanda : « Caïn, où est ton frère Abel ? » Il répondit : « Je n’en sais rien. Suis-je donc le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 1-9). Bien sûr que oui, tu es responsable de la vie de ton frère ! Antoine de Saint-Exupéry y fait allusion en écrivant : « Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose« (In Le petit prince). Et pour reprendre l’expression du prophète Ezéchiel, la mission du responsable en amour, c’est d’être « un guetteur », celui qui est à l’affût des signes d’espérance, qui reconnaît ce qui est admirable en l’autre ; il le félicite, l’encourage et le valorise. Mais c’est aussi le clairvoyant qui prévient le mal et alerte pour éviter les dégâts.
*Aimer, c’est savoir gérer les conflits (Evangile). Que faire lorsque ton frère, ta sœur, ton ami (e), ton époux (se) pèche contre toi, te blesse, bref au moment où les relations interpersonnelles sont écorchées ? Jésus ne plane pas, sa vision du vivre ensemble n’est nullement utopiste. Il sait pertinemment que dans tout milieu de vie – familles, paroisses, cercles d’amis, équipes de travail -, étant donné qu’il y a télescopage des egos et des libertés, les malentendus et les frictions sont inévitables … Et pourquoi ? Parce que chacun a son parcours, son éducation, ses goûts, sa vision des choses, sa culture y compris scientifique, ses blessures et frustrations, ses ambitions, sa susceptibilité, son amour propre et aussi un patrimoine génétique qui lui est propre. Tous ces sédiments existentiels déteignent inévitablement sur notre comportement… Aussi est-il inapproprié de décréter par exemple que l’autre doive devenir coûte que coûte ce que toi tu voudrais qu’il soit. La tolérance naît de l’accueil des différences. En fait, pour moi, le problème ne réside pas dans les conflits au demeurant inéluctables, mais dans la manière de les désamorcer. Quand les conflits adviennent, faut-il absolument recourir à la violence, fût-elle verbale, morale, physique ? C’est ici que l’outil de désamorçage des conflits proposé par Jésus vient à point nommé. Son objectif, c’est gagner un frère, autrement dit promouvoir l’amour.
Il s’agit d’une correction fraternelle graduelle :
Si ton frère a péché contre toi, ne fais pas fermenter le poison de la haine dans ton cœur ; ne va pas le démolir et le dénigrer à tout bout de champ. Prends plutôt ton souffle et ton courage à deux mains et va le trouver. Initie, par la CNV (Communication Non Violente), un dialogue privé et constructif, nimbé de respect et d’indulgence. Chacun étant atteint de tout côté par la faiblesse, nous portons tous en nous une part cabossée ! Fais-lui prendre conscience de son offense et de ta blessure… Cependant, ça ne marche pas toujours parce que quand on est d’une exécrable outrecuidance, quand on veut à tout prix avoir raison, l’écoute bienveillante est impossible… A ce moment, fais appel à un ou à deux médiateurs. Un regard extérieur peut dépassionner et apaiser une dispute. Il est rare dans un conflit que toute la faute soit d’un seul côté. Et si cette étape capote aussi, fais recours à l’Eglise, la communauté synodale, lieu de la miséricorde et du pardon. Faute de quoi, prends acte de la résistance tenace de l’autre, respecte sa liberté en hissant le drapeau blanc ! Quoi qu’il fasse ou ait fait, n’est-ce pas qu’il demeure un frère en Jésus-Christ ?
Pour la paix et la réconciliation, Jésus soulignera l’importance et toute la puissance de la prière partagée, dite prière communautaire. Il agrée par là le choix que nous faisons d’aller à la messe ; il bénit et encourage notre démarche de prier la Parole (lectio divina), de prier le rosaire en groupe de prière, de faire l’adoration avec les autres. La prière partagée est un vrai sacrement : Jésus y est spirituellement présent et sa présence est totalement opérante, agissante.
Vital Nlandu, votre curé-doyen

