Lectures : Is 60, 1-6; Ps 71; Ep 3, 2-3a. 5-6; Mt 2, 1-12
Mes sœurs et mes frères, la fête de l’Epiphanie est une invitation à explorer davantage le mystère de l’Enfant de Bethléem : qui est-il, qui sont les bénéficiaires du salut qu’il apporte ?

Le mot « Epiphanie » signifie en grec « manifestation » : l’Enfant de Bethléem se manifeste à la face du monde, en l’occurrence aux étrangers, c’est-à-dire aux non-Juifs… Voilà pourquoi, selon la tradition, les 3 Mages de l’Evangile représentent les races de la terre : Gaspard serait un asiatique, Melchior un européen et Balthasar un africain.
A ce propos, saint Paul nous partage la révélation qu’il a eue concernant le projet de Dieu : le salut n’est pas l’apanage des seuls juifs, le peuple élu. Il est universel puisque dans le Christ, toutes les nations sont associées au même Héritage (la vie éternelle), au même Corps (je suis membre de l’Eglise), à la même Promesse (qui sous-tend mon espérance: je n’ai rien à craindre, Jésus est avec moi ; je suis aimé d’un amour éternel -Jr 31, 3).
Cette révélation inédite est illustrée tant dans la 1ère lecture que dans l’Evangile. Dans la 1ère lecture, l’ambiance est au découragement. Après l’exil, tout est à reconstruire, la splendeur de Jérusalem appartient au passé. Le peuple d’Israël se laisse abattre, il déprime. Alors le prophète Isaïe va le booster : « Debout Jérusalem, resplendis ! Ton Dieu a fait de toi l’espérance des peuples : regarde au loin, toutes les nations, toute l’humanité avec son cortège de gens brisés, s’avance vers ta lumière, le Christ : ‘Je suis la lumière du monde !’ ».
Notons que saint Mathieu est le seul évangéliste à raconter l’épisode des pèlerins païens venus d’Orient : le faire-part de la naissance de Jésus est parvenu à l’autre bout du monde. Ce sont 3 savants astronomes qui, du fond de leur nuit d’encre, scrutent le ciel étoilé, interrogent et s’interrogent. Passionnés de la vérité, ils nous donnent envie de la quête de sens ; ils nourrissent notre goût de la recherche de Dieu : « Fais-moi la grâce de te trouver, Seigneur, et, t’ayant trouvé, de continuer à te chercher encore » (Saint Augustin). L’Esprit Saint nous donne ainsi de discerner les épiphanies de Dieu, sa présence aimante au cœur de notre histoire personnelle et collective, grâce aux mille et une étoiles qui percent la grisaille de notre chemin. En effet, Dieu se révèle aujourd’hui encore par la voix de notre conscience, la voix des autres, dans l’émerveillement, le silence, les événements et rencontres de notre vie, la méditation de sa Parole et la prière ; dans les sacrements, les actions gratuites et généreuses pour les faibles … En fait, tout est signal de Dieu qui vient à notre rencontre.
La portée symbolique des cadeaux de ces pèlerins nous aide à comprendre à tout le moins le destin de l’Enfant Jésus. Selon les Pères de l’Eglise, l’or représente la royauté. L’Enfant de Bethléem est Roi. Par l’encens, on rend honneur à Dieu. Cet Enfant est Vrai Dieu. Quant à la myrrhe, c’est un parfum aromatisé qui servait à embaumer, à ensevelir les cadavres (Jn 19, 39). La myrrhe présage ainsi la mort de Jésus, manigancée déjà par Hérode, le roi paranoïaque (Mt 2, 13). Cet Enfant-Dieu est aussi Vrai Homme promis à mourir pour ressusciter.
Chers amis, cette fête vient à point nommé : les mages se mettent en route, guidés par une étoile à l’éclat unique… Et nous, à l’aube de cette nouvelle année, quelle étoile éblouissante donnera l’impulsion de notre mise en route ? C’est sans doute l’heure de répondre à cette question de sens : Quo vadis, où vas-tu ? Autrement dit : quelle est ta mission, ta raison d’être sur la terre, bref ta destination ? Courir sans destination, c’est ramer vers l’infini. Et c’est absurde mathématiquement parlant, car on n’y arrive jamais… Voyez le funambule qui marche sur une corde raide : son secret, c’est se concentrer et fixer un point de mire, un but !…
Le départ d’une année nouvelle est une occasion favorable de définir ses objectifs majeurs, ses priorités. Dans sa chanson « La quête », Jacques Brel dit : « Partir où personne ne part… Tenter d’atteindre l’inaccessible étoile … Telle est ma quête, suivre l’étoile ». Moi je crois à ma bonne étoile, à mon destin. Guidé par l’étoile de la foi, que mon cœur et mes yeux ne quitteront plus, je sais que j’y parviendrai !
Et c’est tellement beau le dernier verset de la page d’Evangile d’aujourd’hui (v. 12) : après avoir adoré l’Enfant de Bethléem, après lui avoir avoué combien il était important pour eux, les Mages prirent un autre chemin pour rentrer dans leur pays. La rencontre avec Dieu n’est pas le point d’arrivée, mais de départ d’une nouvelle aventure humaine et spirituelle. En effet, les mages ne sont plus les mêmes, leur regard a radicalement changé. Car quand on a accueilli en vérité la grâce de Noël, on n’en sort pas indemne : par le feu de l’amour qui brûle en nous, on devient lumière du monde, sel de la terre, témoins de la gloire de Dieu
Vital Nlandu, votre curé-doyen

