Homélie du 4ème dim ord B : Autorité de la Parole de Jésus
Lectures : Dt 18, 15-20; Ps 94; 1Co 7, 32-35; Mc 1, 21-28
« On se tait ! « , dit Jésus à l’esprit impur : silence ! C’est le fameux secret messianique de l’Evangile de saint Marc. Par dix fois, Jésus enjoint aux démons, aux malades qu’il guérit, à ses disciples, à la foule de se taire au sujet de sa véritable identité. Toute la narration de cet Evangile écrit dans les années 67 à 70, est traversée par la question de l’identité de Jésus. Au chap 8, 27, il fait lui-même une étude qualitative, un sondage d’opinion en demandant expressément à ses disciples : « Pour les gens …, pour vous, qui suis-je ?«
En effet, au regard du contexte historique de l’époque, les juifs attendent un messie temporel, qui les délivrerait du joug romain. Puisqu’il n’est pas le messie politique tant espéré, Jésus refuse d’alimenter leurs attentes nationalistes. Il refuse surtout que les gens se méprennent au sujet de sa mission. S’il guérit quelques personnes en profondeur, s’il les libère des forces du mal et de la mort qui les écrasent et les aliènent, c’est pour donner un flash, signaler que par sa présence agissante, le Règne de Dieu est présent ! La pédagogie de l’évangéliste Marc est limpide : c’est progressivement qu’il dévoilera l’identité de Jésus au travers de ses faits et gestes et surtout du mystère de sa passion-mort- résurrection. Sur la croix, tout devient on ne peut plus clair. Je renvoie ici à la forte profession de foi du capitaine romain. C’est l’apothéose, le point d’orgue de l’Evangile de Marc : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15, 39). Et, ironie du sort, c’est un païen, un étranger qui apporte la réponse à la question qui a parcouru tout l’Evangile !
Voici donc l’enjeu du message de ce dimanche : puisque Jésus est bel et bien Fils de Dieu, puisqu’il est le prophète annoncé par Moïse (1ère lecture), « Ne fermons plus notre cœur, mais écoutons sa voix » (Ps 94). L’enseignement de Jésus est tout autre que celui des scribes et de leurs héritiers : ce n’est pas du baratin, du bavardage ou de la pure récitation de la théologie biblique apprise, sa Parole est donnée avec autorité. Elle performe et brille dans la mesure où elle fait mouche, convainc, interpelle de l’intérieur. Jésus ne se contente pas de parler, il incarne son enseignement par le témoignage de son style de vie. Il croit à la Parole qui l’habite. « Je n’ai pas honte de l’Evangile » dira saint Paul, « c’est la force dont Dieu se sert pour sauver les croyants » (Rm 1, 16). Etymologiquement, le terme « autorité » vient du latin « augere« , qui signifie grandir. L’autorité de l’Evangile, c’est quand il nous fait grandir et nous aide à devenir ce que nous sommes réellement : enfants de Dieu et responsables de notre histoire. L’Evangile nous permet de reconquérir notre liberté intérieure, que rien ni personne ne pourra prendre en otage.
Alors, ai-je vraiment conscience de la sacralité, de la puissance sacramentelle, exorciste, résurrectionnelle de la Parole de Dieu ? Oriente-t-elle ma journée, ma semaine, ma vie ? …
Saint Marc écrit : « Jésus entre à Capharnaüm« , la ville de Pierre, près de la mer de Galilée. Le terme « capharnaüm » signifie en français lieu qui renferme des objets hétéroclites entassés en désordre. Oui, on connaît des greniers, des caves, des livings bric-à-brac … Aujourd’hui, c’est dans nos capharnaüms intérieurs que Jésus veut pénétrer pour nous assainir spirituellement. Et si au jour de notre baptême, il nous a exorcisés comme il le fait dans l’Evangile pour l’homme « tourmenté », il le fait encore aujourd’hui dans cette eucharistie, où il nous parle et « nous sauve, nous guérit ».
Justement, en vous présentant et en vous offrant – c’est gratuit – Jésus Eucharistie au cours de cette messe, je dirai : « Voici l’Agneau de Dieu par qui nos péchés sont d’ores et déjà pardonnés ! » Chacun répondra : « Seigneur, dis juste une parole incarnée et je serai guéri, sauvé ! »
Vital Nlandu, votre curé-doyen

