Homélie du 10ème dimanche ord B : Le drame du jardin d’Eden… , Jésus le fou !
Lectures : Gn 3, 9-15; Ps 129; 2 Co 4, 13-5, 1; Mc 3, 20-35
Mes sœurs est mes frères, selon le mythe de la chute de nos premiers parents du livre de la Genèse, la rupture de la relation avec Dieu fait de grands dégâts comme la gelée dans les vignobles. Elle rend l’homme vulnérable et paranoïaque.
« Qui t’a dit que tu étais tout nu, vulnérable, sans défense ni protection ? » demande Yahvé à Adam. En effet, pour se protéger contre les dangers, la tortue utilise sa carapace, l’escargot sa coquille, le hérisson se roule en boule en dardant ses piquants et le porc-épic ses aiguillons; pour se blinder, se protéger spirituellement contre les forces du mal et de la mort, le chrétien n’a-t-il pas besoin du bouclier de sa foi ? … La suite du récit fait état d’accusations en cascade : c’est la femme que toi, tu m’as donnée, qui m’a manipulé; c’est le serpent qui m’a trompé. On se victimise, on se justifie, on rejette la responsabilité sur l’autre au lieu de se remettre en question, de demander pardon et d’avancer…
Et moi, dans mes relations interpersonnelles, lorsqu’adviennent des incompréhensions, des litiges, des désaccords voire des conflits, suis-je prompt, pour le besoin de la paix, de la vérité, de ma liberté intérieure et de mon bien-être personnel, à reconnaître et à assumer ma part de responsabilité ?
Loin de Dieu, on se cache derrière son petit doigt, on est éclaboussé par la honte et on culpabilise au risque de perdre l’estime de soi et de douter même de la Miséricorde de Dieu. Le Seigneur Dieu appela Adam : « Où es-tu donc ? » Réponse : « Je me suis caché« .
Dans la page d’Evangile, en voyant travailler d’arrache-pied sans manger, se conduisant en prophète et en thaumaturge, sa famille biologique a cru qu’il devenait fou, un dé-rangé. C’est-à-dire les gens de sa parenté le déclarent hors de leur rang, de leur ordre, de leurs usages conventionnels. A leurs yeux, la nouvelle approche de Jésus, sa manière de vivre, de penser, de parler (d)étonne ! Ils se rendent compte que Jésus n’a plus les mêmes normes, les mêmes codes de langage, de conduite, de croyance que ses contemporains. N’est-ce pas là, chers amis, notre vocation originelle comme chrétiens : être dans le monde sans être du monde (Jn 17, 15-16) ? Ne sommes-nous pas appelés, comme la truite du printemps, à remonter le courant, à naviguer contre ce que le pape François aime appeler « la mondanité », c’est-à-dire les valeurs et les pratiques de ce monde ?
Dans le même Evangile, les scribes, qui veillent à l’orthodoxie des enseignements religieux, envoyés pour enquêter sur l’activité de Jésus, l’accusent d’être un allié de Béelzéboul, autrement dit d’opérer par la puissance de Satan. C’est grave d’attribuer ce qui vient de Dieu à Satan. Si Jésus est l’ennemi juré de Satan, comment peut-il encore être son serviteur ? Oser dire que l’Esprit qui guide Jésus est satanique, impur, que c’est un esprit du mal et de la mort, c’est cracher sur l’œuvre de l’Esprit Saint qui nous transforme de l’intérieur, nous transmet la vie divine, répand en nos cœurs l’amour de Dieu (Rm 5, 5). Aussi, par ricochet, c’est insulter et maudire cet amour. Ce blasphème est irrémissible parce qu’en reniant consciemment l’amour, en refusant délibérément la Miséricorde de Dieu, l’on se coupe ipso facto de la grâce du pardon de Dieu, qui sauve et guérit… Celui qui dit que la source d’eau vive est empoisonnée, ne se condamne-t-il pas à mourir de soif ?…
Mes sœurs et mes frères, comme animal social, l’homme se construit à partir du réseau de ses relations (Aristote). Par appréhension de les perdre, il est parfois épris de jalousie, gagné par l’angoisse d’abandon, de rejet, le sentiment négatif d’être lâché, délaissé… Et toi, crois-tu vraiment à la fidélité de Dieu, à son amour inconditionnel pour toi ?
Sache-le : tu appartiens à la nouvelle famille spirituelle de Jésus chaque fois que tu discernes la volonté de Dieu et essaies de t’y ajuster.
Vital Nlandu, votre curé-doyen

