Homélie du 28ème dimanche Ordinaire C
Lectures : 2 R 5, 14-17 ; Ps 97 ; 2 Tm 2, 8-13 ; Lc 1, 11-19
Mes sœurs et mes frères, la gratitude n’est pas une simple politesse d’usage, c’est un signe de foi vivante. La Parole de Dieu qui nous est donnée à méditer ce dimanche nous parle de la lèpre. C’est une horrible maladie infectieuse qui affecte la peau, les nerfs, les muqueuses et même les viscères: la rate, le foie … Le visage devient tuméfié, les mains et les pieds putréfiés. Avec les plaies ouvertes et les odeurs nauséabondes qu’elles dégagent, cette maladie déclenche une répulsion naturelle. Aujourd’hui, +/- 11 millions de personnes en souffrent sur la planète dont la moitié n’ont pas accès aux soins. La lèpre sévit dans les zones intertropicales: Asie, Afrique, Océanie, Amérique latine. En Europe, elle a été éradiquée depuis le 15ème siècle.
A l’époque de Jésus, cette maladie n’est pas seulement physique (affection de la peau), elle est aussi sociale: le lépreux est exclu, sans contact ni avenir. Saint Luc, l’évangéliste qui écrit ce récit, est médecin. Il évoque la prévention primaire avec ce détail: les 10 lépreux se tiennent à distance en parlant à Jésus… pour ne pas le contaminer. En effet, par sa proximité avec les lépreux, notre compatriote le Père Damien, missionnaire dans l’île Molokai dans l’Archipel d’Hawaï, a attrapé lui-même la lèpre. A noter que cette maladie n’est pas seulement physique, sociale, elle est également psychologique: le lépreux est assassiné par le regard des personnes qui le croisent dans la rue. Comme au temps du Covid, si vous toussez dans une réunion, un transport en commun ou une grande surface…, les gens se méfient, ils vous regardent indiscrètement. Mais dans la culture Jésus, la lèpre était aussi considérée comme une maladie spirituelle: un châtiment, une punition de Dieu.
Et donc, les 10 lépreux s’avancent vers Jésus en criant: « Kyrie eleison – Jésus, guéris-nous, non pas à cause de nos mérites, mais parce que nous faisons pitié!« . Tenez, ils sont 10: la prière communautaire est tellement efficace! Jésus n’est pas indifférent envers les personnes en souffrance et en difficulté. Il leur redonne dignité et espérance. Il invite ainsi les lépreux à aller se monter aux prêtres. La foi est une mise en route confiante. Pourquoi aller se monter aux prêtres? Parce qu’étant une maladie spirituelle, selon la loi juive de l’époque, c’est à eux qu’il revenait d’attester une guérison éventuelle et de donner le visa de réintégration dans la vie sociale.
Voici la pointe de l’enseignement de l’Evangile de ce dimanche: rien qu’un seul des 10 est revenu sur ses pas dire merci et… ironie du sort, c’est un étranger!
Chers amis, la reconnaissance des bienfaits reçus, c’est ce que paie le pauvre de cœur… Souvent nous vivons comme si tout semble normal, comme si tout est acquis, comme si tout est dû! Non, tout en toi et pour toi (vie, santé, foi, talents) est plutôt un don, une grâce: « Qu’as-tu« , dira saint Paul, « que tu n’aies reçu? » (1 Co 4, 7). Et Jésus de préciser: « Vous avez reçu gratuitement! » (Mt 10, 8). Sans la gratitude, notre foi risque d’être utilitaire, un fonds de commerce qui sert à nos intérêts, une recherche d’avantages et de solutions. Le cœur reconnaissant est humble, joyeux, sensible aux merveilles de Dieu et surtout capable de témoigner comme le général syrien Naaman: « Désormais je le sais: il n’y a pas d’autre Dieu sur toute la terre, que Celui d’Israël« . (1ère lecture).
« Relève-toi« , dit Jésus au lépreux reconnaissant, « ta foi t’a sauvé« . Des 10 guéris qui ont retrouvé la peau neuve, lui seul est déclaré « sauvé », c’est-à-dire a retrouvé le cœur neuf, est guéri spirituellement, transformé de l’intérieur… Que me dit donc la Parole de Dieu de ce dimanche? Que je peux avoir une santé physique florissante et être spirituellement malade. C’est le retour(nement) vers Jésus (= conversion) qui est la voie de ma guérison intérieure.
Vital Nlandu, votre curé-doyen

