Homélie du 3ème dimanche de Carême : La folie de la Croix !
Lectures : Ex 20, 1-17; Ps 18 B , 1 Co 1, 22-25; Jn 2, 13-25
Mes sœurs et mes frères, dans ce récit de la purification du temple (Evangile), Jésus dénonce la confusion entre religion et commerce. Il ne veut pas que l’on fasse de la maison de son Père une galerie marchande. En effet, le Temple de Jérusalem est le sanctuaire emblématique de la religion juive. C’est la demeure de Dieu parmi son peuple, le Très Haut réside dans la pièce sacrée du Temple, le débir (en hébreu), le saint des saints où est le coffre de l’Arche d’alliance (les Tables de la Loi-les 10 commandements). Seul le grand prêtre d’Israël y avait accès une seule fois par an, à l’occasion de la fête de Yom Kippour (Jour du grand pardon). Les gens vont donc au Temple pour rencontrer Dieu, l’adorer. Mais c’est aussi le lieu où l’on fait des sacrifices de bêtes pour implorer les faveurs de Dieu. C’est quelque part une boucherie des bêtes. Et donc, on y trouve des vendeurs d’animaux (bœufs, brebis, colombes), des changeurs de monnaie, des flâneurs. C’est tellement achalandé que l’on comprend pourquoi Jésus fait le ménage de ce lieu sacré devenu un instrument de profit mercantile !
Le geste provocant qu’il pose est hautement symbolique et prophétique : il purifie un lieu dévoyé à ses yeux, dont l’utilité originelle a carrément été détournée. Ce faisant, il ouvre une nouvelle compréhension de la religion, qui ne repose plus sur l’accomplissement des rites, qui pis est tarifiés, mais sur une démarche intérieure, libre et authentique : la conversion du cœur. A quoi sert-il de manipuler la Parole de Dieu par un ritualisme hypocrite ou de se mentir à soi-même ? Je renvoie à certaines pratiques traditionnelles de l’Eglise inconcevables aujourd’hui, comme par exemple la doctrine des indulgences ! L’important ne serait-ce pas d’être vrai devant Dieu et sa conscience ? Et quand Jésus dit : »Détruisez ce Temple« – ironie de l’histoire : il a été détruit en 70 par les romains -, il met fin au culte de l’ancienne alliance (appartenance ethnique au peuple juif, circoncision, pratiques rituelles). Désormais, ce n’est plus vers Jérusalem qu’il faut voyager pour aller adorer Dieu (Jn 4, 23). Le nouveau Temple purifié, restauré spirituellement qu’évoque Jésus, c’est le vrai, l’universel et c’est lui-même ! Son Corps ressuscité est tout transparent à la présence de Dieu, qui y habite en plénitude. Dorénavant, le seul sacrifice qui plaît à Dieu, l’unique qu’il agrée, c’est le Sang de l’Agneau de la Pâque Nouvelle (Héb 10, 1-17) … Et justement, c’est dans ce Corps ressuscité du Christ que nous sommes incorporés par le baptême. D’où le rappel de saint Paul : « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu ? » (1 Co 3, 16). Tu le sais maintenant, tu es une valeur infinie, ton histoire est sacrée : le Temple de Dieu, c’est ta maison intérieure. Maurice Zundel le souligne en ces termes : « Les temples de pierre peuvent s’écrouler. Les hommes, désormais, sont appelés à découvrir en eux-mêmes le sanctuaire du Dieu vivant » Telle est la folie de l’amour de Dieu pour l’homme, le plus fou des mystères : sa présence en toi !
Sans craindre la police du Temple, Jésus manifeste et son geste est spectaculaire. Son culot ne peut que nous interpeller avec nos convictions parfois trop timides, tièdes, faites « de correctement politique », de tolérance mielleuse quand nous devons témoigner de notre foi dans certaines circonstances épineuses. A se demander parfois où est la mission prophétique de notre baptême ! Peut-on rester timoré quand on se dit être « un zélé et un indigné » comme Jésus ?
Bénissons Dieu pour ce que Jésus a fait et a dit en ce jour où il chassa les marchands du Temple de Jérusalem !Il nous invite pour ainsi dire à nous mettre en mouvement, à entrer dans la dynamique du renouveau spirituel qu’il nous a apporté. En effet, c’est de son Corps remis debout le 3ème jour, dont il parlait. C’est sa résurrection qu’il annonçait. Nous nous y préparons non pas pour célébrer un événement du passé, parce qu’elle est le gage de notre propre résurrection et la force de nos élans de vie et de rebondissement.
Bonne route vers Pâques.
Vital Nlandu, votre curé-doyen

