La Transfiguration !

Homélie du 2ème dimanche de Carême B                                                                                                            Lectures : Gn 22, 1-2.9-13.15-18 ; Ps115 ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9, 2-10

Mes sœurs et mes frères, je vous parlerai aujourd’hui de la gloire à venir et de la spiritualité de la transfiguration…

En effet, la mort est de ces mystères épais qui nous taraudent. Jésus savait pertinemment que le mystère de sa passion et de sa mort allait dérouter, déstabiliser ses proches  à l’instar des disciples d’Emmaüs tout à fait désarçonnés : « Nous, on croyait que c’était lui le messie, hélas ! » (Lc 24, 21). Alors, pour les apaiser, il choisit Pierre, Jacques et Jean, le trio qui l’avait accompagné pour relever la fille de Jaïre (Lc 8, 51) et qui, après, sera témoin de son combat spirituel au jardin de Gethsémani (Mc 14, 33). Jésus emmène donc les trois pour partager avec eux un moment sans précédent sur le mont Thabor. La montagne est un lieu privilégié pour la contemplation;  et là, sur cette haute montagne, il leur fait voir un flash de la gloire qui l’attend, qui nous attend, la gloire qui vient…, question de nous faire saliver, de cultiver en nous le creux, le manque, l’envie de la savourer. La Transfiguration est une préfiguration, un avant-goût de sa résurrection et de la nôtre !

Je voudrais ce matin livrer un petit témoignage : personnellement, je crois fort à la communion des saints, cette chaîne de solidarité qui relie les amis de Jésus d’hier, d’aujourd’hui et de demain.  Mes trois frères sont décédés en l’espace de six ans ; nous étions tellement attachés, tellement amis et complices que je pense pratiquement tous les jours à eux. Un proverbe africain dit : « Là où une dent a été arrachée, la langue revient sans cesse ! » Ils me manquent… Cependant, je ne crois vraiment pas – c’est une certitude ! – qu’ils soient anéantis, disparus pour toujours. Ce qui me rassure, c’est justement ma folle espérance de la gloire à venir. Par le flash de la gloire éblouissante de la transfiguration, je sais dorénavant que la mort est un passage : au bout du corridor, du tunnel, il y a une plénitude de lumière, de vie et d’amour. En fait, la gloire dont il s’agit, c’est celle dont témoigne saint Jean : « Nous avons vu sa gloire » (Jn 1, 14b) ; celle que Jésus lui-même évoque : « Père, donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi… Je veux que mes amis contemplent ma gloire » (Jn17, 5. 24). Saint Paul y fait allusion en ces termes : « J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont nullement à comparer à la gloire qui va se révéler !» (Rm 8, 18). Cette gloire, elle  fonde mon espérance ; la vivre, m’en imprégner un jour …, c’est mon aspiration profonde, mon projet de rêve !

Oui, les évangélistes Mathieu, Marc et Luc s’accordent pour dire que sur le mont Thabor, Jésus s’est couvert d’une lumière resplendissante, l’habit de Dieu. Son apparence corporelle devint éblouissante, radieuse, totalement transparente à la présence de Dieu.

Savez-vous que la grandeur de l’homme, c’est de se poser des questions de sens auxquelles d’ailleurs, il n’a pas toujours de réponse ?  Il y a deux semaines, un ami me demandait quel était mon avis sur cette assertion de Jean-Jacques Rousseau : « L’homme est naturellement bon, c’est la société qui le déprave« . Ma réponse : l’homme est une composante qui résulte de plusieurs paramètres : son patrimoine génétique, son héritage culturel, son éducation, ses blessures, ses frustrations, ses rencontres, son parcours. Comme un kaléidoscope d’étincelles, de particules de toutes couleurs dont les combinaisons varient à l’infini, l’être humain est une énigme, qui ne sait pas lui-même en quoi il est notamment capable de bien ! Tel l’oignon formé de plusieurs écailles, il présente différentes facettes que sans doute on ne finira jamais de découvrir. Cependant, ainsi que le soutient A. Camus, « Il y a, en chaque homme, plus de choses à admirer qu’à mépriser« . Autrement dit : il brille dans le cœur de chaque être humain une étincelle, une petite flamme du Christ, l’étoile brillante du matin qui ne connaît point de couchant (Apoc 22, 16 ; 2 Pi 1, 19)… Telle est la vraie spiritualité de la transfiguration : acquérir un a priori positif qui te permet d’avoir, pour chaque personne, un regard bienveillant,  qui perce sa  beauté  intérieure,   qui reconnaît la lumière divine  qui  brille en lui.

Ceci dit, à la séquence de la transfiguration, épris d’un sentiment océanique (fusion à quelque chose qui te dépasse), le cœur bondissant de joie spirituelle, Pierre s’extasie !  Il propose de construire trois tentes dans ce jardin de délices, pour qu’ils y demeurent à jamais. Sauf que sa demande ne sera pas exaucée pour cette fois-ci ! Pourquoi ? Parce que, comme pour Pierre, ta vie continue et à ras de terre, il faut boire la coupe jusqu’à la lie. Il faut redescendre dans la vallée où bat le pouls de l’histoire. C’est là, dans ton biotope, par le bonheur que tu donnes, l’énergie que tu diffuses et transmets ; c’est là que tu seras le petit grain de lumière qui balise l’océan du monde. C’est là que ton visage sombre se laissera transfigurer par la lumière pascale, celle qui métamorphose le cœur résolu à se convertir.

                                                                            Vital Nlandu, votre curé-doyen

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