Le père miséricordieux de Rembrandt

Les 5 et 6 mars (proclamation de la « parabole de l’Enfant prodigue »), j’ai apporté un complément à la présentation faite du tableau de Rembrandt par le Père Norbert Maréchal lors de l’ouverture de la Chapelle de la Miséricorde. Voici le texte de mon complément, qui préparait également bien à la proclamation de l’évangile de « La femme adultère », de ces 12 et 13 mars. Ce complément reprend une Lettre pastorale de Mgr François Garnier, adressée aux jeunes du diocèse de Luçon, à Pâques 1995, et intitulée : « Dieu ne veut que ton bonheur ».

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L’un des plus beaux tableaux qui existe représentant Dieu le Père a été peint par Rembrandt (1606 – 1669). C’est le père de cet enfant prodigue qui a gâché sa vie et son argent dans la « débauche avec des femmes » (Lc 15, 11-24)

Rembrandt peint le père au moment où son enfant revient. Son gosse est en guenilles, il a la nuque rasée comme un bagnard. Il a les pieds nus. Il est à genoux, il appuie sa tête contre le ventre de son père. Le père est là debout. Ses yeux sont épuisés d’avoir pleuré. Il pose ses deux mains sur les épaules de son fils. Sa main droite est une main de femme, sa main gauche une main d’homme. La main de femme est longue, effilée et douce. La main d’homme est forte, carrée et trapue. Rembrandt nous dessine un Dieu qui est à la fois père et mère, un Dieu qui est même un peu plus mère que père.

En effet, quand Rembrandt peint ce tableau, il habite dans un quartier juif en Hollande. Et lui qui est chrétien connaît bien les coutumes juives. Il sait qu’un bon juif, le matin lave d’abord sa main droite et ensuite, seulement sa main gauche. Car la main droite est celle de la miséricorde et la gauche celle de l’exigence. Il faut toujours faire passer la miséricorde avant l’exigence. J’aime qu’on représente notre Dieu comme cela… miséricordieux comme une mère et exigeant comme un père. Car il reste exigeant ; il espère toujours pour nous une plus grande qualité d’amour, plus grande même que celle dont nous pensons être capables.

C’est vrai, nous sommes fragiles ; mais Dieu est miséricordieux. Il pardonne. Il nous accueille avec nos défaillances, nos détours, nos maladresses, nos péchés et nos retours. Mais il nous espère encore, il veut nous rendre forts, il attend que nous aimions mieux, que nous aimions plus vrai, que nous n’ayons pas peur d’aimer… avec sainteté.

Je voudrais vous dire un seul exemple pourquoi j’aime le Christ :

Un jour, il dit : « Un homme qui regarde une femme avec envie est déjà adultère en son cœur ». Et un autre jour, il est le seul à défendre la femme surprise en état d’adultère, que tous ceux qui sont là veulent condamner et lapider (Lc 5, 28 et Jn 8, 3-11)

Eh bien, ce Christ mérite d’être contemplé. Il est bien le Fils de son Père. En Lui nous voyons tout l’amour de Dieu son Père. Lui aussi a la main douce et féminine qui refuse de saisir la pierre qui fera mal à cette femme pécheresse. Mais il a aussi la main ferme et masculine qui la relève… avec une parole exigeante : « Va et ne pèche plus ». Le Christ ne craint pas de dire les paroles les plus exigeantes qui soient : « Un homme qui regarde une femme avec envie est déjà adultère en son cœur ». Voilà qu’en Jésus, comme en son Père, nous contemplons la miséricorde majuscule, mais aussi l’exigence majuscule. En lui, jamais l’exigence ne se dégrade en dureté et jamais la miséricorde ne se dégrade en lâcheté. Il accomplit l’exigence en demeurant dans la miséricorde et inversement.

Eh bien moi, j’aime ce Christ qui déteste le péché, qui déniche partout où il se cache et le combat, mais qui est le seul à aimer encore et toujours les pécheurs, à aimer encore et toujours le dernier des derniers des pécheurs. Il est le seul à nous croire capable de nous relever et de ne plus pécher.

Oh ! rappelez-vous cela le jour où vous aurez abîmé quelque chose de votre cœur, quelque chose de votre vie, le jour où vous aurez abîmé quelque chose de l’amour, quelque chose de la relation avec l’autre ; ce jour-là, rappelez-vous, vous pourrez toujours revenir vers le Seigneur et lui dire : « Je sais que pour Toi, le dernier des derniers peut être le premier de tous ». Au plus bas de nos fragilités, le Christ n’a qu’un désir : nous relever vraiment. Ce Christ mérite d’être aimé. C’est par lui que nous apprenons… à aimer !

 Votre curé Henri Bastin

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