Ne pas juger…

Et aime ceux qui te font ces choses, Et ne veuille rien d’autre que ce que le Seigneur te donnera…

Pendant quelques semaines, nous avons médité sur ces lignes écrites par saint François au frère responsable qui se plaint du comportement d’un membre de la communauté dont il a la charge.

Nous avons relevé quatre démarches spirituelles qu’est appelée à vivre la personne confrontée à un « ennemi », dès lors qu’en cette situation elle veut s’inscrire dans l’esprit de l’évangile.

1)   Prier pour celui qui nous fait du mal… et pour nous-même !

2)   Dans la prière, nous soumettre humblement et avec confiance au temps de Dieu et à sa manière de faire avec l’autre : ne pas programmer Dieu quant à la durée et à la façon…

3)   Ne pas désespérer de l’autre…

4)   Lui vouloir (bienveillance) et lui faire (bienfaisance par les actes et paroles) du bien…

Nous avons pris tout notre temps pour bien situer le sens de chacune de ces démarches, voyant aussi, par des exemples concrets, comment nous pouvions nous les approprier dans le concret de notre vie… N’est-il pas bon de toujours revenir à l’appel de cette « Année de la Miséricorde » : Miséricordieux comme le Père ?

Mais voilà que s’impose encore à moi, par-delà ces quatre démarches, une dimension qui m’apparaît comme fondamentale : NE PAS JUGER !

Jésus nous le dit avec force : Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés (Lc 6, 37)…

Ne pas juger… Sans doute trouvons-nous ici la disposition la plus difficile à vivre !

En effet, nous pouvons prier pour l’autre, ne pas programmer Dieu quant à l’autre, ne pas désespérer de l’autre, vouloir le bien de l’autre, faire du bien à l’autre… vivre toutes ces dimensions de manière excellente… et cependant ne pas nous empêcher de juger l’autre !

Il va de soi que nous avons à porter des jugements sur des comportements : évaluations nécessaires pour aider au progrès des personnes et de la société.

Mais jamais, au grand jamais, nous ne pouvons-nous laisser aller à juger les personnes : c’est-à-dire à porter une appréciation sur ce qu’elles sont en profondeur !

Car Dieu seul connaît les cœurs. À lui seul s’applique la parole du psaume, et de manière absolue : Seigneur, tu me sondes et me connais ; que je me lève ou m’assoie, tu le sais, tu perces de loin mes pensées (Ps. 139, 1-2)… Lorsque dans le ministère qui m’est confié, il m’arrive de recevoir des coups et de me sentir jugé injustement, me revient instantanément, et de manière tellement consolante, ce passage du chant déjà ancien que j’aime citer : Je suis solitaire, toi seul es l’ami qui connais mon pas (G116)…

Si je prends la liberté de me livrer ici quelque peu en cette confidence dont je fais part, c’est bien parce que j’en trouve comme une autorisation chez saint Paul qui, pour sa part aux prises avec des attaques virulentes lui venant de membres de la communauté de Corinthe, leur écrira ces quelques mots qui, eux aussi, me sont tellement aidants dans les moments plus éprouvants de mon ministère : Pour moi, il m’importe fort peu d’être jugé par vous ou par un tribunal humain. Bien plus, je ne me juge pas moi-même. Ma conscience, il est vrai, ne me reproche rien, mais je n’en suis pas justifié pour autant ; mon juge, c’est le Seigneur (1 Co, 4, 3-4).

Peut-être ces quelques confidences nous ont-elles un peu éloignés de notre propos. Je les livre cependant en comptant qu’elles peuvent nous protéger des considérations théoriques en amenant à mon sujet un peu de « chair et de sang »…

Ne pas juger !… Revenons-y directement… Nous savons les chemins variés, mais aussi parfois les sentiers tellement tortueux et ténébreux, que peuvent prendre les jugements portés sur les autres… Je ne m’y arrête pas, sinon à d’abord relever une réflexion qu’il n’est pas rare d’entendre lorsque des actes monstrueux ont été commis. Qu’un acte monstrueux soit qualifié comme tel, cela peut se justifier et même s’imposer. Mais dois-je le répéter : jamais, au grand jamais, on ne pourra dire d’une personne humaine, qu’elle est un monstre, aussi dépravée soit-elle à nos yeux !

Pour nous chrétiens, une personne humaine ne gardera-t-elle pas toujours au plus profond d’elle-même sa dignité d’enfant de Dieu ? De la part de Dieu, s’applique assurément plus que de tout autre cette réflexion de parents qui lorsque l’un de leurs enfants a « mal tourné », n’en disent pas moins, et peut-être plus fortement que jamais : « Il restera toujours notre enfant. »…

Non, ne jamais dire de quelqu’un qu’il est un monstre !… Et d’ailleurs, qui ou quelle famille, dès lors que nous sommes tous faits de la même chair et du même sang d’humanité… qui ou quelle famille pourrait affirmer sans présomption qu’un jour il – ou elle – ne pourrait poser un tel acte ?…

Puisse dès lors l’Esprit Saint toujours nous garder dans l’humilité pour nous protéger de toute présomption et de tout jugement sur le frère. Et nous garder tous !… Même et surtout les plus « purs » !

Ne médisez pas les uns des autres, frères. Celui qui médit d’un frère ou qui juge son frère, médit de la Loi et juge la Loi. Or si tu juges la Loi, tu n’es pas l’observateur de la Loi, mais son juge. Il n’y a qu’un seul législateur et juge, celui qui peut sauver ou perdre. Et toi, qui es-tu pour juger le prochain ? (Jc 4, 11-12)…

Votre curé Henri Bastin

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