Ah ! Tombons entre les mains du Seigneur car sa miséricorde est grande, mais que je ne tombe pas aux mains des hommes ! (2 S 24, 14)…
Et aime ceux qui te font ces choses,
Et ne veuille rien d’autre que ce que le Seigneur te donnera…
J’aimerais aujourd’hui encore, à partir de la Lettre de François au frère-ministre, m’étendre sur cette dimension tellement fondamentale de notre vie chrétienne : Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés (Lc 6, 37)…
La semaine dernière, nous avons vu qu’au-delà de ce qui apparaît des comportements d’une personne, Dieu est le seul à pouvoir juger de ce qu’elle est au plus profond d’elle-même. Car lui seul connaît ce qu’il y a dans l’homme (Cf. Jn 2, 25).
A l’instant-même où nous commençons à juger notre frère, nous prenons la place de Dieu. Ne retrouvons-nous pas ici la tentation des origines, et qui habitera l’homme de tous les temps et de tous les lieux : se faire Dieu !… Se laisser séduire par le serpent qui nous souffle à l’oreille : Vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal (Gn 3, 5)…
Oui, qui es-tu pour juger le prochain ? (Jc 4, 11-12)…
A la petite échelle de nos vies quotidiennes comme à la grande échelle de nos sociétés, combien de jugements – et des jugements sans appel ! – qui vont du ragot « domestique » au lynchage médiatique ! Et cela bien souvent au nom de la transparence…
Ce mot de « transparence » revient aujourd’hui sur tous les tons. Mais peut-on encore parler de transparence dès lors que ceux qui s’en réclament pour « faire la vérité » sont animés par un esprit de voyeurisme, d’inquisition, de règlement de compte ? Ceux-là qui, pour prôner la transparence, réclament que tout soit vu et connu comme à travers une « cage en verre » vivent-ils cette transparence dans leurs mobiles profonds ?… Oui, tout est-il donc tellement clair, transparent… à l’intérieur d’eux-mêmes ? N‘est-il d’ailleurs pas frappant de constater que plus notre société devient laxiste, plus sa prétendue « transparence » la rend impitoyable pour ceux qui chutent ?… Quelle étrange « mixture » de soi-disant lumière et de comportements ténébreux !
Sans doute, comme je l’ai dit, importe-t-il qu’en nos relations nous gardions toujours le souci de vérité comme un idéal à poursuivre : Heureux les cœurs purs (Mt 5, 8)…
Mais tout en même temps – je tiens à le redire – il faut maintenir fermement que la transparence n’appartient qu’à Dieu : qu’à Dieu seul ! Et si nous pouvons nous réclamer de quelque transparence, sachons que nous ne le pouvons que si nous la recevons d’En-Haut !
A la différence de nos « transparences » trop humaines, la transparence de Dieu lorsqu’elle vient nommer le mal chez nos « ennemis » ne le fait jamais que pour libérer et faire émerger la semence divine qui habite leur cœur comme une promesse… Une promesse, qu’à la différence des hommes, Dieu ne reprend jamais !
Et là, dans ce lieu du cœur, ce lieu de la semence, ce lieu de la promesse, Dieu seul peut accéder… Et je dirais même qu’il a tant de respect pour l’homme qu’il n’accèdera jamais en ce lieu qu’en marchant « sur la pointe des pieds »… et, qui sait, peut-être même à tâtons ?…
Souvenons-nous qu’au Buisson ardent, Moïse est invité à retirer les sandales de ses pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte (cf. Ex 3, 5)… Ne pouvons-nous pas penser que Dieu lui-même, le premier, retire ses sandales, dès lors qu’il approche de l’homme – de chaque homme – reconnu par lui comme la terre sainte entre toutes, puisque faite à son image et à sa ressemblance (cf Gn, 1,26) ?…
Sachons en tout cas que lorsque la transparence de Dieu, tendrement ou par des chemins d’épreuve (cf. Ps. 85, 11), laisse s’exercer son jugement sur la terre sainte d’un homme, c’est toujours dans l’attente d’une moisson… La gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit (Jn 15, 8)…
Transparence divine qui promeut l’homme et pousse à le faire émerger dans la semence qu’il porte en lui… à la différence de tant de « transparences » trop humaines qui le condamnent et s’acharnent à le faire « s’enfoncer » !
…. On comprend que David mis devant le choix entre la justice exercée par Dieu et celle exercée par l’homme se soit écrié : « Ah ! Tombons entre les mains du Seigneur car sa miséricorde est grande, mais que je ne tombe pas entre les mains des hommes ! » (2 S 24, 14)…
Hélas, ils sont bien nombreux ceux qui aujourd’hui, en bien des lieux de notre terre, pourraient reprendre ce cri de David à leur compte… N‘y sommes-nous pas tous pour quelque chose, car à qui n’arrive-t-il pas, un jour ou l’autre, d’être le bourreau de ses frères ?
Ne médisez pas les uns des autres, frères. Celui qui médit d’un frère ou qui juge son frère, médit de la Loi et juge la Loi. Or si tu juges la Loi, tu n’es pas l’observateur de la Loi, mais son juge. Il n’y a qu’un seul législateur et juge, celui qui peut sauver ou perdre. Et toi, qui es-tu pour juger le prochain ? (Jc 4, 11-12)…
Votre Curé Henri Bastin
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