Homélie de la messe du 200ème anniversaire de la chapelle de Chôdes
Les évènements sont nos maîtres, disait Pascal. L’évènement de la célébration vécue ce dimanche à Chôdes, à l’occasion du deuxième centenaire de la chapelle, m’amène à remettre à plus tard la publication de la deuxième partie du texte de l’homélie à Ligneuville, le 9 octobre.
Frères et sœurs,
Jésus passe à Jéricho… C’est un grand évènement !… En aucun cas, Zachée ne veut rater la chose…
Il est petit… mais ne se laisse pas abattre. Il avise un sycomore, un arbre bien à sa mesure… Et il grimpe, branche après branche… Et le voilà « pépèrement » installé… Personne ne pourra l’en déloger…
Mais arrive ce à quoi il ne s’attendait pas du tout… Jésus lève les yeux vers lui et le fait sortir de ce lieu où il était si bien planqué… : « Zachée, descends vite ; aujourd‘hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. ».
Et voici notre petit Zachée tout surpris que Jésus lui porte une telle attention… à lui, le rejeté de tous, le ripou, le profiteur, le voleur, l’infâme collaborateur de l’occupant romain…
Il était monté sur son arbre en simple curieux sans que cela l’engage à grand-chose… Après avoir vu, il serait rentré chez lui, et le train-train quotidien d’entourloupettes et de magouilles aurait repris son cours…
Mais voilà, oui, que tout se bouscule !… Mais voilà notre Zachée tout « chambardé », tout retourné… : Quoi !… : il vient demeurer chez moi, partager le repas avec moi ?… Qu’est-ce qui me vaut une telle considération, à moi, le tout petit Zachée ?…
« Zachée, descends vite aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »…
Et vite Zachée descend !… Comme aimanté, comme attiré, irrésistiblement, vers le bas…
C’est là, en-bas, tout en-bas, que Jésus l’attend pour s’asseoir avec lui… pour l’asseoir auprès de lui, Jésus…
Vers le bas, vers le plus bas de lui-même, plus bas que toutes ses magouilles, plus bas que toutes ses compromissions, plus bas que tout son passé ténébreux, Jésus le fait descendre et descend avec lui… … comme à tâtons, marche après marche… : « Zachée, descends, descends vite, descends avec moi, descends sans crainte … Zachée, descends… Et surtout, et d’abord, jette derrière toi tout le dégoût que tu provoques… et tous les ragots : tout ce dégoût, tous ces ragots qui pèsent si lourdement sur tes épaules… Oui, surtout et d’abord, jette tout cela par-dessus bord… Descends !…
Car au plus bas, au très bas de toi-même, je vais te montrer que tu vaux plus, beaucoup plus, infiniment plus, que tout cela…
Au plus bas, au très bas de toi-même, je vais te conduire à une table qui est dressée … pour toi !
Une table qui t’attend depuis si longtemps, qui t’attend depuis toujours : pour le repas du cœur à cœur entre toi et moi… moi tout contre toi… toi tout contre moi (Cf. Ap. 3, 20)…
De me voir là, dans le cœur à cœur… et non plus en voyeur, depuis ton sycomore… De me voir là, mes yeux dans tes yeux, mon cœur battant dans ton cœur… De cela, jamais tu ne pourras te « ravoir »… Et désormais ce sera là tout ton « avoir »… L’ « avoir » qui te suffira par-dessus tout… L’ « avoir » qui t’enrichira de la joie imprenable (CF. L. BASSET)… pour toujours !…
« Zachée, descends vite : aujourd’hui il me faut demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie…
Frères et sœurs de Chôdes, cette joie de Zachée, elle est pour vous aujourd’hui… Elle est pour votre communauté aujourd’hui…
Sans doute, comme Zachée, êtes-vous montés aujourd’hui sur le sycomore en ce grand évènement que vous vivez… Et c’est la joie des retrouvailles !… Et c’est la joie des souvenirs !… Et c’est la joie de la musique et du chant !… Et c’est la joie des cuivres qu’on a fait blinquer !… Et ce sera tout à l’heure la joie du repas pris ensemble !… Tant de joies, tant de fleurs, pour la fête villageoise de ce jubilé…
Mais, frères et sœurs, cher amis, par-delà, ou plutôt en-deçà, de toutes les joies, de tous ces bons et beaux moments qui font tant de bien à l’heure où nous sommes… ne dois-je pas vous rappeler aujourd’hui et sans cesse qu’il y a cette joie que Jésus n’attend que de vous donner, comme à Zachée… : cette joie plus profonde et plus exaltante que tout, qui, quand on l’a reçue change une vie du tout au tout ?… Et rien jamais ne sera plus après comme avant !… Oui, la joie imprenable…
« Descends, descends, dit Jésus à chacun d’entre nous… Descends… La table est dressée au plus bas de toi-même… au plus bas et en-deçà de tout ce que tu as pu vivre de lumières et de ténèbres, et aussi de secrets…. Descends, j’ai un mot d’amour et d’espérance à te dire, un mot unique, pour toi seul, dans le cœur à cœur, un mot que personne jamais n’a pu te dire jusqu’à ce jour …
Mais je te le dis et te le redis, descends de ton sycomore, de tous tes sycomores, parfois aux nombreuses cachettes, tes sycomores sur lesquels tu as grimpé au long des années… Descends, et vraiment, je t’amènerai à connaître cette joie sans borne que personne jamais ne pourra te ravir (Cf. Os. 2, 16 et Jn 16, 22).
Frères et sœurs, chers amis de Chôdes, ce n’est pas seulement à chacun d’entre nous personnellement que Jésus aujourd’hui adresse son message …
C’est aussi à votre communauté de Chôdes prise dans son ensemble, comme aussi à toutes les communautés de notre Unité pastorale Saint-François-au-pied-des-Fagnes qui sont de la fête avec vous, que Jésus dit aujourd’hui: « Descends, descends »…
Ecoutons-le nous dire : « Communautés de Chôdes et du Grand Malmedy, descendez, descendez au plus bas et au plus loin de vous-mêmes, par-delà les moments heureux et douloureux qui ont fait votre histoire jusqu’à ce jour… Descendez surtout de ces sycomores sur lesquels ont pu parfois, les dernières années, grandir des branches de regrets, de blessures et d’amertume… Descendez de ces branches et laissez-moi vous guérir et vous raffermir, vous reconstruire et vous rafraîchir, pour vous rendre comme aux temps de votre jeunesse (Cf. Os. 2, 16)…
Communautés de Chôdes et du Grand Malmedy, osez, comme Zachée, vous laisser descendre, vous laisser couler, vous laisser perdre pied, sans regret, dans les profondeurs de ma tendresse… Et, comme Zachée, vous vous retrouverez avec émerveillement remises debout pour un avenir nouveau… pour un avenir inattendu… pour un avenir inédit !…
Puissiez-vous, communautés de Chôdes et du Grand Malmedy, vous laissant tomber de vos sycomores, découvrir comme Zachée, que immergés dans l’amour avec moi, non vraiment, rien jamais ne sera plus après comme avant… mais surtout que le meilleur est devant !… Descendez, descendez… Pour une fois, ce n’est pas vous qui m’implorez : c’est moi qui vous prie ! »
Votre curé Henri Bastin