Message pour le 11 novembre 2016

(Mt 18, 1-6, 10)

En ce jour de la commémoration de l’Armistice qui mit fin à la première guerre mondiale, je voudrais vous dire quelques mots sur le prix inestimable qu’il importe d’attacher à toute vie humaine… Dans ces temps d’une violence qui prend sans cesse de nouveaux visages n’importe-t-il pas d’y revenir plus que jamais ?

Tant dans l’Eglise que dans la société, des efforts considérables sont faits aujourd’hui pour valoriser le patrimoine sous ses multiples aspects… Assez naturellement, on dira que tel monument, que telle tradition, que tel symbole, est sacré et que l’on ne peut y toucher…

Mais, chers amis, avons-nous assez conscience que le premier patrimoine auquel on ne peut toucher, c’est l’humanité elle-même… et très directement chaque personne humaine en son individualité, et particulièrement la plus démunie ?…

Là est pour moi la priorité ! Le risque n’est assurément pas illusoire que même dans tout ce que nous entreprenons de plus louable nous fassions passer les institutions et les initiatives qui lui sont liées avant les personnes… Et surtout si ces entreprises font vitrine…

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus rappelle cette valeur inaliénable de chaque personne humaine… qui doit passer avant tout !… Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits : car je vous le dis, leurs anges aux cieux voient constamment la face de mon Père qui est aux cieux.

Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits… C’est la fragilité de chaque être humain, c’est sa vulnérabilité, c’est l’enfant qu’il porte en lui, que Jésus pointe, que Jésus « cible »…

Dans les dernières années, des événements tragiques et douloureux nous ont rappelé à tous que l’enfant est sacré… « Ne touchez surtout pas aux enfants », dit-on aujourd’hui plus que jamais…

Mais, chers amis, ce que Jésus nous dit, et qui peut être entendu par tous, c’est que chaque être humain porte en lui un enfant, quel que soit son âge, quelle que soient ses responsabilités, quel que soit son parcours, aussi dévoyé puisse parfois être ce parcours…

En tout homme que nouphoto-enfantss rencontrons, en tout projet que nous entreprenons, ne laissons jamais l’enfant qui est en chaque personne être recouvert par les conflits, par les antagonismes, par les chiffres, par les programmes… Plus profond que les institutions, que les traditions, que les bâtiments, que les programmes les plus nobles… chaque personne humaine, sans exception, demeure l’enfant sacré infiniment précieux : en son visage unique, en son cœur palpitant, en son nom qui n’attend que d’être prononcé avec respect… A l’oublier dans la fièvre de nos grandes et petites entreprises, sans doute pourrons-nous être efficaces pour un temps… Mais non pas féconds car il y manquera l’âme, sans laquelle, tôt ou tard, tout se réduit en poussière… après avoir bien souvent viré à la violence…

Je cite volontiers ce passage du roman Les frères Karamazov, de F. DOSTOIEVSKI, dès lors qu’il illustre avec bonheur mon propos : J’aime l’humanité, mais je m’étonne de moi-même ; plus j’aime l’humanité en général, moins j’aime les gens en particulier, c’est-à-dire séparément, en tant qu’individus. Dans mes rêves, je suis souvent allé jusqu’à songer passionnément à servir l’humanité, et peut-être me serais-je vraiment laissé crucifier pour les hommes si, pour une raison quelconque, cela était soudain nécessaire. Pourtant je suis incapable de partager, ne serait-ce que deux jours, une chambre avec un être humain, je le sais par expérience. A peine est-il près de moi, que déjà sa personnalité opprime mon amour-propre et entrave ma liberté. En vingt-quatre heures, je suis capable de haïr jusqu’au meilleur des hommes : l’un parce qu’il mange lentement à table, un autre parce qu’il est enrhumé et qu’il se mouche sans cesse. Je deviens, l’ennemi des hommes, à peine m’effleurent-ils. En revanche, il arrivait toujours que plus je haïssais les gens en particulier, plus mon amour de l’humanité en général devenait ardent.

Votre Curé Henri Bastin

Cet article a été publié dans Actualité, Homélies, Le mot du curé. Ajoutez ce permalien à vos favoris.