Discours d’installation de Vital NLANDU BALENDA comme doyen
Malmedy, le 7 octobre 2018
Monseigneur l’Evêque, Monsieur le bourgmestre, chers frères et sœurs,
La présence significative de prêtres venus d’autres cultures est devenue indéniable en Europe occidentale en général et en Belgique francophone en particulier.
Monseigneur, je suis de ceux qui considèrent que confier la charge pastorale de doyen à un prêtre venu d’ailleurs est un signe irrécusable de confiance et d’ouverture. Bien entendu une ouverture à notre société en pleine mutation, une société de mondialisation qui est devenue un maillage interculturel. Mais aussi une ouverture à l’Eglise arc-en-ciel, l’Eglise missionnaire qui doit sa beauté aux tons variés de ses couleurs. Je vous transmets ainsi ma reconnaissance. Monseigneur, j’ai le cœur à l’ouvrage ! Lors d’une précédente visite pastorale à Malmedy, vous avez évoqué la devise de Monseigneur Martin-Hubert Rutten, Evêque de Liège et le premier et seul Evêque de l’éphémère diocèse d’Eupen-Malmedy (1920-1925). Comme Monseigneur Rutten, moi aussi je peux dire « Non recuso laborem » dit en wallon : « Dji n’ tchîe nîn so l’ovrèdje« Avec élégance, je traduirais : « Je ne rechigne pas à l’ouvrage ! «
Mes frères et mes sœurs, je suis originaire du diocèse de Boma en RDC. Nous avons accueilli là-bas les pères scheutistes, ces braves missionnaires belges qui nous ont évangélisés. Il y en a que je connais personnellement qui proviennent de cette région : Alphonse Maréchal de Waimes et Albert Lejoly de Robertville. Qui aurait seulement imaginé que les missionnaires africains renverraient un jour l’ascenseur aux européens !
En effet, la mission universelle relève de la vocation originelle de l’Eglise de Jésus-Christ. Cette vocation est incontestablement une chance, mais aussi un défi à relever : comment réussir l’insertion du prêtre venu d’une autre culture dans son diocèse d’accueil étant donné que le référentiel de sa vision des choses est tout autre ? Comprenez-moi bien : il ne s’agit pas seulement d’obtenir la fécondité pastorale de sa présence, mais aussi son épanouissement personnel en tant qu’être humain d’abord, et puis comme prêtre. Je l’ai dit à mon équipe pastorale et au conseil d’unité pastorale (CUP), cela passe forcément par le respect de chacun dans son identité étant donné qu’une identité humiliée est une identité blessée et révoltée. Cela passe également par la bienveillance réciproque et la communion fraternelle.
Mes frères et mes sœurs, la politesse d’usage obligeant, sitôt arrivé à Malmedy, je suis allé saluer notre bourgmestre Jean-Paul Bastin qui, d’entrée de jeu et avec beaucoup d’humour, me parlant du doyen que je remplace, encore un Bastin, m’a lancé ex abrupto : »Avez-vous déjà réussi, Monsieur le doyen, à « débastiner » les choses ? Je lui ai répondu que ce n’était pas mon objectif. Pour ma part, je m’inscris dans un continuum. Je suis respectueux et très admiratif de ce qui se fait ici. J’en profite d’ailleurs pour dire félicitations et bravo à Monsieur le doyen Henri Bastin et à toutes les équipes pour la belle brochette d’initiatives pastorales. Je cite par exemple l’organisation du secrétariat, le soin de la liturgie, les tables de la Parole, la lectio divina. Il n’empêche qu’une unité pastorale n’est pas ce qu’elle est, elle est ce qu’elle devient. En pastorale, il n’y a pas de vérité absolue dans la mesure où ce qui paraît évident aujourd’hui ne le serait sans doute pas demain.
Dire cela, c’est poser qu’il viendra tout naturellement un temps où, en fonction des contextes, des contingences, des vagues de l’histoire, bref de la réalité changeante du terrain, il faudra inventer, avec les équipes, de nouveaux horizons. Pour l’instant, je ne vais pas me précipiter, à peine arrivé, à tout changer. Ce serait jouer à la roulette russe ou à l’apprenti sorcier. Sans tomber dans la technique du disque rayé, je laisse d’abord les choses telles qu’elles sont, le temps que j’observe, que j’apprenne et que je découvre. En clair, c’est cela ma réponse à ceux qui me demandent, et je les comprends, ce qu’il en est des perspectives d’avenir. Chez nous en Afrique, on dit qu’on ne mesure pas l’abîme de l’océan avec son doigt. Il faut absolument des instruments de mesure appropriés qui sont, pour moi, la maîtrise des enjeux et le flair du parfum pastoro-culturel du terroir.
Je voudrais à présent vous partager mes 3 premières impressions depuis que je vis à Malmedy :
- La 1ère : Malmedy est une ville fleurie. Cela a captivé et a réjoui mon regard. Les suspensions florales que l’on voit partout embellissent les rues et agrémentent les places; elles rehaussent l’éclat de la ville dans toute sa splendeur.
- La 2ème impression, A Mâm’dî, on z’inme bin du fé lu fiesse (A Malmedy, on aime faire la fête) ! Alors, vive lu cwarmé ! Vive lu sâvadje Cayet ! Les fêtes dans nos villages et nos cités sont des espaces de retrouvailles intergénérationnelles et de convivialité. Une fois l’atmosphère détendue, les liens se nouent et le bonheur est partagé. En fait, le bonheur est par essence « jumeau », car il n’y a de vrai bonheur que partagé. C’est une illusion de croire que l’on peut être heureux tout seul, emmuré dans son bunker. Saint Irénée, l’évêque de Lyon, ne disait-il pas que la joie de Dieu, c’est le bonheur des hommes ?
- La 3ème impression, c’est le poids de l’histoire. Un peuple sans histoire est un peuple sans mémoire. « Homo homini lupus » (l’homme est un loup — féroce et impitoyable — pour l’homme). Les ardennais se souviennent des atrocités de la guerre. Comme une balle de ping-pong, Malmedy a basculé tantôt d’un côté et tantôt de l’autre de la frontière. C’est un traumatisme collectif qui hante encore les esprits. J’entends, je remarque que le terme « résistance » revient dans les conversations. Je me souviens de la devise du bataillon des « Chasseurs ardennais » : « Résiste et mords » ! Pour moi, c’est un background pertinent pour appréhender un tant soit peu le profil du malmédien en particulier et de l’ardennais en général. Ceci expliquant cela, je peux comprendre ce que l’on me dit du malmédien : qu’il est tièstou (têtu) ! Mais j’essayerai de l’attendrir avec un peu de douceur et de bonne humeur africaine !
Pour le reste, je dis un vibrant merci à tous mes confrères prêtres et diacres qui m’ont fait l’honneur et le plaisir de venir concélébrer. Merci à mes amis venus nombreux de mes 2 UP antérieures — Melen et Soumagne-Olne –, mes amis du pays de Herve et d’ailleurs. Avec chacun de vous j’entretiens une relation personnelle, unique et exceptionnelle. Et si vous êtes là, c’est que quelque part, il y a un sillon, une trace, un parfum d’amitié qui ne se volatilise pas
Sachez-le, chers amis, que de manière générale, l’homme ne se voit pas nécessairement tel qu’il est, mais tel qu’il a été regardé. C’est pour vous dire combien votre regard aimant me rassure. On s’est connu et reconnu, vous êtes mes alliés ! Des fous rires, de l’attention soutenue et une prise en charge spirituelle mutuelle, n’est-ce pas là notre contrat d’amitié ?
« Caritas Christi urget nos » (2 Co 5, 14 : L’amour du Christ nous presse)! Pour les prêtres, les diacres, les acteurs pastoraux du doyenné, je voudrais être un frère attentionné, empathique et stimulant. Et vous tous fidèles du doyenné de l’Ardenne (Theux, Spa, Jalhay, Stoumont, Lierneux, Stavelot-Trois Ponts, Waimes et Malmedy), sachez que le sacerdoce commun des baptisés nous fait participer à l’œuvre du Christ, celle d’engendrer à la vie de Dieu par le témoignage de son amour. Tenons bon : ensemble, nous pouvons diligenter le Royaume de Dieu en Terre ardennaise.
Liebe Freunde, Heute ist ein wichtiger Tag. Ich wünsche ihnen ein schönes Fest.
Que Jésus-Christ habite nos vies, que l’Esprit Saint continue de nous révéler l’amour du Père pour qu’à jamais nous soyons attachés profondément et affectueusement au Dieu trinitaire. Je vous remercie.
Abbé Vital