Homélie du 5ème dimanche de carême A
Lectures : Ez 37, 12-14; Rm 1, 8-11; Jn 11, 1-45 :
Renaître à la vie !
Chers sœurs et frères, personne ne pouvait imaginer que l’on arriverait à la fête du mystère pascal qui fonde notre foi, au travers d’un tel désert personnel et collectif. Pour ce qui me concerne, le confinement salutaire imposé que nous vivons, me plonge de temps en temps dans une introspection profonde, un silence intérieur qui me met en présence de moi-même et de Dieu. Je me réapproprie, à bien des égards, les questions de sens et les priorités de mon existence…
En effet, en ce moment où les gens meurent en cascade dans le monde, la Parole de Dieu de ce week-end nous remet dans l’espérance : notre avenir est en Dieu auprès de qui nous sommes vivants dès aujourd’hui. Ecoutons : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter… Je mettrai en vous mon Esprit et vous vivrez » (1ère lecture). Dans l’Evangile, Jésus est en route vers Jérusalem où il doit mourir. En ressuscitant Lazare, il signifie à ses disciples que sa (la) résurrection est possible. A ses yeux, la mort est un sommeil, et le tombeau le lieu où l’on se repose en attendant le réveil.
Quant à elles, Marthe et Marie réagissent différemment dans le deuil, et Jésus s’adapte au caractère et à la personnalité de chacune. Avec Marie abattue, il se fait le consolateur dont elle a besoin. Il frémit d’émotion pour exprimer son indignation devant la mort, mais aussi son soutien au combat contre la maladie et ses conséquences. Par ses larmes, il est solidaire de l’homme face à l’épreuve de la souffrance et de la mort… A Marthe, il révèle son pouvoir de faire vivre. Mais apparemment, ils n’ont pas la même notion du cours du temps : alors que Marthe renvoie à la résurrection de la « fin des temps » (v.24), Jésus parle du présent : « Je suis la résurrection et la vie » (v.25). Autrement dit, c’est aujourd’hui déjà, hic et nunc, qu’il faut ressusciter des forces mortifères.
Il donne alors cette consigne : « Déliez-le et laissez-le aller« (v.44) ! C’est dans l’amour que la vie prend sa source. Nous sommes responsables de la résurrection des autres chaque fois que nous refusons de les confiner dans des étiquettes, les aidons à rebondir, à sourire, à retrouver leur dignité et leur liberté intérieure. Nous sommes nous-mêmes appelés à sortir des tombeaux de notre indifférence, de la toute-puissance de notre ego, de notre manque de confiance en nous-mêmes, des charges de notre culpabilité, bref de toutes ces entraves et blessures enfouies qui nous volent la vie, en nous empêchant de vivre pleinement. Oui, celui qui n’est pas occupé à vivre est occupé à mourir ! Rendre la vie à l’autre et à soi-même, n’est-ce pas un signe que L’Esprit du Dieu vivant qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en nous ?
La Parole de Dieu nous interpelle à plus d’un sens
* »Celui que tu aimes est malade » (V.3) : c’est ma prière préférée quand on me recommande de prier pour un(e) malade. Par délicatesse, Marthe et Marie ne disent pas à Jésus ce qu’il doit faire. C’est comme la Vierge-Marie à Cana : » Ils n’ont plus de vin » (Jn 2, 3). On expose la situation … et on fait confiance !
*Jésus prie en rendant grâce (V.41), non pas pour que le miracle se produise, mais parce qu’il savait que ce prodige allait motiver les gens à croire. Comme les témoins du signe de Cana, ceux de Béthanie crurent aussi en lui (Jn 2, 11 et 11, 45).
Et toi, es-tu reconnaissant(e) dans ta prière ?
*Je m’émerveille devant la progression de foi de Marthe : du « Je SAIS qu’il ressuscitera » (V. 25), elle a fait un saut vers « Je CROIS que tu es le Christ, le Fils de Dieu » (v. 27). C’est le passage de la foi livresque, intellectualiste, cérébrale, doctrinale … à la foi intérieure, profonde, ressentie, « mystique ». De la suffisance du savoir au lâcher-prise, à l’abandon total : Jésus, tu feras bien ce que tu feras, j’ai confiance en ton Amour! « Ma foi présente » dit saint Paul, « je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui m’a sauvé » (Ga 2, 20).
Et toi, de ce que tu vis avec Jésus, que dis-tu de ta foi ?
Vital Nlandu, doyen de l’Ardenne