Homélie de la messe de Pâques 2020
Col 3, 1-4; Mt 28, 1-10 : être ferment de la résurrection de Jésus-Christ
Chers amis, la résurrection de Jésus-Christ constitue le cœur de la foi chrétienne. Sans elle, notre foi est vaine et nous chrétiens, rattrapés par le ridicule (1 Cor 15,17). Elle serait bien vaine parce que notre foi n’est pas d’abord une morale, une doctrine, un fatras de dogmes. On n’est pas non plus dans le domaine de l’imaginaire, mais elle est avant tout une rencontre personnelle et intime avec Jésus-Christ, un attachement (res)senti à sa personne. Et tout le reste en découle.
En effet, c’est en plein confinement, alors que certains sont rudement éprouvés par le Covid-19, que certaines familles toutes muselées voient leur proche, victime du satané virus, entrer à l’hôpital peut-être pour ne plus jamais le revoir comme ceux emmenés dans les camps de concentration… C’est en plein ras-le-bol avec nos gants et masques, fuyant l’ombre de la mort qui rôde, que retentit la voix de l’ange, messager de Dieu: « Soyez sans crainte !… Jésus le crucifié est ressuscité ! » Cela signifie que l’absence de nos défunts devient attente et la désolation espérance ! Partant, on peut chanter et danser les alléluias de la vie sur les tombeaux du monde. La vie devient une semence, une graine close qui contient des possibilités cumulées de vie, en ce compris la promesse de la vie éternelle. Elle ne va donc pas à sa perte, car elle est plus forte que la mort !
« Il vous précède en Galilée; là, il se montrera » Et comment, par qui, par quoi ? Le rendez-vous de la démonstration de la victoire de la vie et de l’amour, de la manifestation de la puissance de la résurrection de Jésus-Christ est dorénavant fixé en Galilée, où bat le pouls de l’histoire, au cœur de nos lieux de vie, de lutte, de recherche de tendresse et de vérité, nos lieux de loisir, de labeur.
En effet, c’est Pâques quand j’entends le témoignage bouleversant d’un rescapé du coronavirus, le célèbre arbitre Marcel Javaux, de retour de l’hôpital, dire avec des larmes aux yeux : « Quand tu passes par-là, de tout près, tu te rends compte qu’il y a d’autres valeurs bien plus importantes dans la vie !« … C’est Pâques quand on change de regard, notre regard parfois sans pitié, souvent voyeur, condescendant et même malsain, qui piétine l’autre et qui, du coup, s’éduque à la douceur et à la bienveillance. Pâques chaque fois que les membres d’une famille dénouent les nœuds qui entravaient l’harmonie familiale. Pâques chaque fois que des cœurs tombés en lambeaux, des vies tortueuses, des visages figés submergés par le désespoir rebondissent. En effet, même brisé, le papillon ne cherche qu’à s’envoler ! Pâques chaque fois que loin du linceul de l’indifférence, des dérobades, on devient un cyrénéen sur les pas de Simon de Cyrène (Lc 23, 26). Bien entendu, la force de l’Amour se déploie, elles sont là les traces du Ressuscité pour qui sait les reconnaître : l’inhumain humanisé, ces millions de coups de main qui se donnent dans le monde. L’engouement de la solidarité suscité par le coronavirus en est un exemple éloquent. Bref, c’est Pâques chaque fois que, branchés sur le « Res-suscité », nous suscitons de nouveau en rallumant le feu de la vie par des actes et des paroles qui font lever le jour, déclencher une nouvelle ère. En ce moment, comme dit le pape François, on reflète le visage du ressuscité et on devient original, … tout autre !
La Parole de Dieu nous interpelle à plus d’un sens
* « Venez voir l’endroit où il reposait … » Il n’y a rien à voir, c’est la béance du tombeau, le vide ! C’est donc à partir du vide que Marie Madeleine et l’autre Marie vont reconstruire leur espérance … D’une motte de glaise, on façonne la jarre, mais ce qui lui donne l’usage, l’utilité, c’est le vide en elle. Murs, portes et fenêtres forment une maison, mais c’est le vide du living, de la chambre qui permet d’y habiter.
T’arrive-t-il , en gardant silence, les yeux fermés, de revenir à toi, de faire le vide en toi pour apprivoiser ta vacuité intérieure et laisser l’Esprit Saint y remplir l’amour de Dieu (Rm 5,5) ? Tu auras une sensation de plénitude, secret de la guérison intérieure !
*Jésus meurt plus ou moins à 33 ans! Je pose parfois cette question aux jeunes/adultes : faut-il ajouter des années à la vie ou de la vie aux années ? C’est la question de la quantité et de la qualité de la vie. Pour moi, la valeur d’une vie ne s’évalue pas au prorata de sa durée ni des richesses matérielles, mais à son taux d’utilité. En quoi, là où je suis parvenu, puis-je être utile aux autres ? La vie est faite pour être donnée, offerte. Elle est essentiellement un don… Par-donner, se donner, donner selon ses ressources et moyens. Le grain de pollen, aussi dérisoire, futile soit-il, peut faire naître des fruits gorgés de semences de vie. Alors, sur l’exigeante route du bonheur, de la liberté et du don de soi, rappelle-toi à tout jamais que Jésus, le Christ, t’a sauvé par amour et pour l’amour !
Que la lumière de Pâques nous guide sur nos chemins de choix nouveaux, de conversion et de vie nouvelle offerte.
Bonne fête de Pâques.
Vital Nlandu, doyen de l’Ardenne