Homélie du 16ème dimanche, Année A
Lectures : Sg 12, 13. 16-19; Rm 8, 26-27; Mt 13, 24-46 : La parabole de l’ivraie, la patience de Dieu
Mes frères et mes sœurs, la liturgie de la Parole de ce jour aborde la grave question du mal qui est, de manière tenace, à l’œuvre dans le monde, dans l’Eglise, et qui fait des ravages humainement insoutenables. Mis à part ce qui ne dépend pas nécessairement de l’homme comme certaines calamités naturelles, certaines maladies …, qui de nous ignore la capacité de nuire de l’homme ? Homo homini lupus : l’homme peut être un loup, un animal féroce, impitoyable pour son semblable. En effet, nous savons comment notre monde est en proie aux blessures d’amour, aux trahisons, aux guerres, aux violences, aux souffrances des innocents, aux fractures sociales, aux injustices, aux peurs dues à la bêtise humaine… D’où cette question séculaire : pourquoi et d’où vient le mal en général ? Où est Dieu dans tout ça ? S’il existe, pourquoi son inaction, son silence; pourquoi laisse-t-il le mal foisonner dans le monde qu’il a créé ? Ne lit-on pas dans le livre de la Genèse que Dieu vit que tout ce qu’il a créé était beau ? Sur ce, je vous avoue que je peux comprendre celles et ceux qui accusent Dieu et même qui, par révolte, font défection de leur foi.
Chers amis, l’intelligence des Ecritures de ce jour est éclairante et inspirante. En fait, quelle est l’énigme, le sens caché de ces 3 paraboles (l’ivraie, le grain de moutarde et le levain) ? La Parole de Dieu m’exhorte à convertir mon regard :
*Sur Dieu : ce n’est pas lui qui a créé le mal, il a initialement planté une merveilleuse semence. Hélas, il y a eu une imposture : le diabolos qui sème le désastre, qui divise, est venu insidieusement semer de l’ivraie (= en grec zizania : toutes sortes de mauvaises herbes : ronces, épines …). La grande révélation de ce dimanche, c’est la miséricorde de Dieu. La force de Dieu, c’est sa bonté infinie pour l’homme, sa patience, sa clémence pour le pécheur (1ère lecture). Comme un cultivateur aguerri, Dieu attend le jour de la moisson. Certes, ce n’est pas parce qu’il ne fait pas la chasse aux sorcières qu’il cautionne nos turpitudes. Par sa foi en l’homme, il nous donne en partage son Esprit qui vient au secours de notre faiblesse (2ème lecture). Voilà pourquoi Jésus refuse d’enfermer la femme adultère dans son passé, bien au contraire, il lui offre une nouvelle chance pour changer de conduite.
*Sur moi-même : comme tout homme, je porte aussi en moi une part de bon grain et d’ivraie. Les racines du bien et du mal sont nouées en mon cœur; je suis atteint de tout côté par la faiblesse qui me pousse à pécher. Cf. Saint Paul : « Le bien que je veux faire, je ne le fais pas; le mal que je hais, voilà ce que je fais. Qui me délivrera de mon impuissance d’aimer en vérité ? » Ce retournement de cœur ne peut que m’inciter à être humble, et surtout à me garder de juger les autres. Il vaut mieux enlever d’abord la poutre de mon œil pour mieux voir la paille dans l’œil de l’autre. D’autre part, je ne dois pas m’accommoder ni me complaire dans ma faiblesse. C’est constamment, grâce à l’Esprit Saint, qu’il me faut veiller, tenir dans la prière, bref aller au combat spirituel pour ne pas entrer en tentation. Car, c’est de nuit, quand je sommeille, quand je néglige la prière, me déconnecte de Dieu, quand je suis spirituellement vulnérable que le malin inocule son poison d’ivraie dans mon cœur. Cependant, je dois bien l’admettre qu’il y a du bon grain, un reflet de la lumière divine en moi. En somme, je suis une légende ! A l’instar du levain de l’Evangile, je recèle en moi un immense potentiel de croissance et de fécondité qui peut m’aider à être davantage utile aux autres.
*Sur les autres : chaque être humain est une parabole, un chemin spirituel où, grâce au regard positif, l’on retrouve les traces du Ressuscité, tant de semences d’espérance : « En tout homme, il y a plus de choses à admirer qu’à mépriser » (Albert Camus).
*Sur le monde : c’est le champ ensemencé par Jésus. Il se construit avec ses ambiguïtés, la cohabitation du bien et du mal, de la grâce et du péché. Mais comme le grain de moutarde, une dérisoire graine de bienveillance cultivée, arrosée et soignée, peut fleurir en un monde plus juste, pacifique et beau. Le dynamisme du Royaume enfoui au cœur de l’humanité peut ainsi transformer le monde. C’est pour dire que le mal n’est pas en soi une fatalité, one day, un jour, l’Amour aura raison de tout. Et d’ailleurs, il y a par-ci par-là, des signes du Royaume à décoder absolument : les Droits de l’homme, les élans et initiatives d’entraide et de solidarité, le bénévolat …
Que les grâces de Dieu nous devancent : accrochons-nous en ayant de l’assurance en sa présence.
Vital Nlandu, votre curé-doyen