La foi de la cananéenne

Homélie du 20 ème dim. ord.  A :  La foi de la cananéenne

Lectures : Is 56, 1.6-7; Rm 11, 13-32; Mt 15, 21-28

 

Mes frères et mes sœurs, hier on a bien ri avec des amis. Figurez-vous, ils m’ont apporté un cadeau : du thé « blanchisseur ». J’ai pris ce thé toute la soirée, et je n’ai pas blanchi ! …

l’Evangile d’aujourd’hui, parle des étrangers, une thématique en vogue  avec l’immigration massive actuelle, un phénomène sociétal, sociologique dû entre autres à la mondialisation. Le monde est devenu un grand village aux frontières béantes.  Observez la  population de certaines institutions comme l’école, l’hôpital, le foot, les assemblées dominicales principalement urbaines … On y trouve un brassage de cultures et de races. Et les mots-clés pour négocier le vivre ensemble, c’est l’accueil des différences, la tolérance, le respect mutuel. Ce sont des valeurs républicaines et éducatives qui aident à  bâtir la paix bienveillante. Ces 2 dernières années, notre Evêque avec son Conseil presbytéral (le sénat du diocèse)  a abordé la question des prêtres étrangers, appelés prêtres venus d’ailleurs. Aujourd’hui, ils sont devenus incontournables dans l’échiquier pastoral de notre diocèse. Dès lors, que faire pour favoriser et faciliter  leur intégration ?

 

Dans l’Evangile, Jésus est au Nord de la Palestine, dans la région de Tyr et de Sidon. Il est en Terre étrangère. Ce qui augure l’universalité de la mission. Sa maison, comme le dit le prophète Isaïe dans la 1ère lecture, s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples » … Voici le décor de la page d’Evangile de ce jour, une belle école de la foi proposée à tous. 

 

Le cananéenne supplie,  mais Jésus est indifférent. Comme s’il ne se sentait pas concerné et  touché par la requête  de cette maman dont l’enfant souffre cruellement. Martin Luther King, le pasteur afro-américain,  disait : « Ce qui m’effraie le plus, ce n’est pas l’oppression des méchants, mais l’indifférence des bons« . Nous le savons, le silence de Dieu est une épreuve tragique de la foi, au point qu’on se demande parfois ce que signifie encore cette parole évangélique : « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez,  frappez et l’on vous ouvrira la porte » (Mt 7,7). Alors la femme implore de plus belle. Cela importune et insupporte les disciples qui demandent à Jésus de donner suite à sa demande pour qu’elle  les laisse tranquilles. Sur ce,  Jésus va indiquer à cette femme la limite territoriale de sa mission : elle est destinée aux fils d’Israël. Mais la femme n’en a que faire, elle insiste.

Et pour couper net, Jésus va chercher à la démolir par  ces paroles vexatoires : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants (d’Israël) et de le jeter aux petits chiens  » Entre nous soit dit, ces propos ne peuvent qu’indigner, ils ont  un parfum de racisme.  Selon Lévi-Strauss, le racisme c’est croire à la supériorité de sa race. Cette doctrine se nourrit de la haine, des préjugés et du rejet de l’étranger considéré comme une menace. Evidemment, lorsque l’on est en période  de crise avec le chômage, la délinquance, l’insécurité…,  l’étranger sert souvent de bouc émissaire. Delà l’intolérance et ses conséquences : xénophobie,  marginalisation, exclusion. Ce qui choque dans la rebuffade de Jésus, c’est le sectarisme apparent de ses intentions et le caractère méprisant du mot chien. Dans la culture juive de l’époque, les chiens et les porcs étaient considérés comme animaux impurs.

 

Remarquez, cependant,  le sens de la réplique, la maîtrise et toute l’intelligence émotionnelle de cette femme qui ne se laisse pas démonter : « Oui, Seigneur, mais justement, les petits chiens ont besoin des miettes du pain des enfants« .

Là-dessus, Jésus est totalement  médusé !

 

En fait, il use d’une pédagogie renversante.

 

*En parlant de chiens, il parodie et désapprouve insidieusement le langage discriminatoire des juifs de son époque, qui traitaient les étrangers de chiens.

 

*Il égratigne la dignité de cette femme pour  éprouver sa foi. Il montre par ailleurs que la question de la foi ne dépend pas de l’appartenance à une race, à un rang social, mais de l’assurance intérieure de chacun, ses convictions sur la puissance de  l’œuvre de Dieu. Alors même qu’il disait dimanche dernier à Pierre, un juif de souche, qu’il était un homme de peu de foi, qui doutait (Mt 14, 31), il est aujourd’hui en profonde admiration; il est même séduit par la foi d’une étrangère : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux !« 

Oui, le salut apporté par Jésus-Christ n’est pas l’apanage du peuple élu ou d’une élite,  tous les hommes de la terre sont promis  à en  être  bénéficiaires. Moyennant la foi, tous deviennent des enfants de Dieu et ont accès à la table eucharistique où l’on sert le pain de vie. Il s’agit d’une foi tenace, humble et confiante en l’Amour de Dieu. Tel est le secret de la cananéenne : elle savait ! Elle savait ce qu’elle voulait et en qui elle mettait sa confiance.

 

Et toi, que dis-tu de  ta foi ?

 

                                                                        Vital Nlandu, votre curé-doyen

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