Homélie du 25ème dimanche A : la bonté du Seigneur est pour tous !
Lectures : Is 55, 6-9; Ps 144; Ph 1, 20c-24.27 a; Mt 20, 1-16
Mes sœurs et mes frères, saint Mathieu écrit aux chrétiens d’origine juive pour leur signifier que Jésus est bel et bien le messie annoncé par les prophètes. Certes, les juifs sont le peuple élu, ouvriers de la 1ère heure, mais quiconque répond à l’invitation de Dieu d’entrer en alliance avec lui, boit gratuitement l’eau vive. Il a accès à sa grâce. La vigne du Royaume est ouverte à tous les peuples de la terre : qui choisit de (re)venir vers Dieu bénéficie de sa Miséricorde (1ère lecture).
Pour reprendre l’expression du pape François : Dieu est en « sortie » ! C’est lui, en fait, qui prend l’initiative de chercher et d’appeler l’homme, le rejoignant là où bat le pouls de son histoire, sur la place publique. C’est donc Dieu qui nous a aimés le premier (1 Jn 4, 19). La foi, c’est le pressentiment, la révélation intérieure de son amour. Ayant connu et reconnu cet amour, saint Paul écrit : « Ma vie présente, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui m’a sauvé » (Gal 2, 20). Paul est tellement terrassé par le feu de l’amour de Dieu qu’il n’hésite pas à témoigner de ce qui fait dorénavant sa raison de vivre : « En effet, pour moi, vivre c’est le Christ » (2ème lecture).
Dans la page de l’Evangile, le maître embauche à toutes les heures, sans discrimination et sans condition. Le moins à dire, c’est que sa logique est absolument insolite : il ne respecte pas les lois du marché, l’échelle des salaires selon le travail réel accompli. Ce n’est pas normal qu’une marchandise de travail de 12h et en plus sous un soleil infernal, ait le même prix que celle réalisée en une heure et dans la fraîcheur du soir.
Chers amis, Jésus nous partage cette merveilleuse parabole pour nous aider à appréhender un tant soit peu le mystère de l’amour de Dieu. Les chemins et les pensées de Dieu sont bien loin des nôtres ! Au lieu de rétribuer selon les performances, le rendement et les mérites de chacun, Dieu donne son amour gracieusement et gratuitement. Les traînards passent devant, les croyants-de-travers, les hors-de-l’Eglise sont les premiers et les mieux servis. Du dernier au premier, c’est le même amour qui est donné et il est entier ! Nous l’appelons « le Bon Dieu » et il l’atteste lui-même : « Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » A la place de la rémunération de l’effort fourni, Lui, parle de la grâce et du don. Cet amour divin qui, non seulement nous enveloppe, mais est en nous, s’appelle en grec « agapê « . Nullement méritoire, il est prodigué gratis : « C’est par la grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2, 8). C’est comme un cadeau à recevoir et à accueillir simplement : Dieu t’a repéré, il a fixé son regard bienveillant sur toi. L’important, ce ne sont pas d’abord les efforts à fournir, une perfection à atteindre à tout prix, une culpabilité à mordre perpétuellement, mais que tu plonges avec confiance et l’innocence d’un enfant dans la source jaillissante d’amour de Dieu, que tu t’y abandonnes, t’y perdes. « Ma grâce » te rassure-t-il, « te suffit » (2 Co 12, 9)
Bien que le maître du domaine de la parabole ait respecté le contrat que les ouvriers râleurs ont accepté, daté et signé en bonne et due forme, je peux comprendre, en me glissant dans leur peau, leur revendication. Ce qui les déforce, à mes yeux, c’est qu’au lieu de s’inscrire dans la reconnaissance et la bénédiction, ils se sont laissé plutôt envahir par l’esprit de la comparaison : « Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur ! « .
En effet, se comparer aux autres, c’est du poison qui tue ce qu’il y a de meilleur en soi, il anéantit l’émerveillement, la gratitude, l’estime et la confiance en soi. C’est un venin qui dévalorise et rabaisse en alimentant beaucoup de maux qui nous rongent : sentiments d’infériorité, besoin de l’approbation des autres, insatisfaction chronique, morsure de culpabilité, peur de l’avenir, jalousie … Loin de découvrir sa valeur personnelle qui est au demeurant exceptionnelle, on passe son temps à se comparer à ceux que l’on croit être plus intelligents, plus talentueux, plus riches, plus beaux, plus épanouis, mieux payés … Et qui pis est, on se compare sans au préalable avoir défini le sens et l’idéal que l’on donne à sa propre vie. C’est d’abord son propre objectif que l’on doit chercher à atteindre et non celui du voisin. A se comparer aux autres, on passe à côté de l’essentiel de sa vie. Puisque nous sommes tous uniques avec nos différences légitimes et nos spécificités intrinsèques, il revient à chacun de créer et d’apprécier sa propre légende.
Vital Nlandu, votre curé-doyen