(Lc 1, 39-45)
Frères et sœurs,
Au moment où s’est ouverte la porte de la Cathédrale, nous avons entendu cette parole du Seigneur: Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi (Ap. 3, 20)…
Voici que je me tiens à la porte et je frappe… Cette parole, frères et sœurs, elle est pour chacun… Oui, c’est chacun d’entre nous que le Seigneur veut visiter… Et d’abord ceux qui, dans un domaine ou l’autre de leur existence, portent une souffrance ou vivent une dérive, car en cette année sainte c’est avant tout comme Seigneur de miséricorde qu’il vient à nous.
Ce qui me frappe dans l’évangile que nous venons d‘entendre, c’est que le Seigneur se présente en petit enfant, et même en tout petit enfant : y a-t-il en effet enfant plus petit que celui qui est encore dans le sein de sa mère ?… A qui pourrait-il donc faire peur, cet enfant qui n’est pas encore né, et qui n’a même pas encore de visage, de « visage à faire valoir » ?…
Et celui qui est visité, Jean-Baptiste, est lui aussi un enfant, lui aussi un tout petit enfant dans le sein de sa mère, qui lui non plus n’a pas encore de visage, de « visage à faire valoir »…
Pas de visage à faire valoir… Et pas davantage de voix et de parole à faire valoir … Nous sommes dans un tout autre monde que celui des ambitions, des calculs, des mérites, des bilans, toutes choses qui sont affaires de « grandes personnes »… Oui, nous voilà introduits comme en un jardin d’enfants où titres et réussites, échecs et faillites, n’entrent pas encore en ligne de compte.
En ligne de compte… En ligne… Dans le monde des « grandes personnes », on trouve beaucoup de « lignes » : des lignes au-dessus de la page, des lignes sur les côtés… et surtout une ligne en-dessous, celle qui met le point final, qui scelle le bilan… Et tout se retrouve codifié, cadré, clôturé, fermé… Porte fermée… Pour longtemps ou pour toujours…
Dans le jardin de la visitation joyeuse entre les deux enfants : pas d’allée qui soit trop bien tracée, pas de ligne qui soit trop bien tirée au bas de la page… qui fermerait la porte au bondissement joyeux de la miséricorde qui presse et qui frappe… Lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a bondi d’allégresse au-dedans de moi…
Frères et sœurs, si comme Jean-Baptiste nous ne redevenons des petits enfants, des tout-petits enfants n’ayant plus rien à faire valoir… Si comme Jean-Baptiste nous ne retournons pas à ce lieu si bas, au plus bas de nous-mêmes… Si nous ne nous retrouvons pas en ce lieu le plus bas de notre présent ou de notre passé, le seul où l’Enfant-Dieu nous attend pour nous faire grâce de toutes les manières… Si nous ne retournons pas en ce lieu, nous ne serons pas visités !…
La visite bondissante de grâce et de miséricorde « nous passera par-dessous », bien loin « par-dessous »… Elle nous échappera, à la manière d’une cascade souterraine … Et descendra vers d’autres lieux qui seront là pour la recevoir…
Frères et sœurs, quel est donc le lieu, le lieu très bas de nos vies… quelle est donc la porte, la toute petite porte, que l’Enfant-Dieu attend que nous lui ouvrions ?… Cette petite porte qu’il connaît d’ailleurs bien mieux que nous-mêmes… La miséricorde pourra-t-elle jamais passer par un autre lieu qu’une petite porte ?… Si vous ne retournez à l’état des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux (Mt 18, 3)…
Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi (Ap. 3, 20)…
Votre curé, Henri Bastin