En ces temps de célébrations liées aux fêtes et à des événements d’Eglise plus particuliers (La visite pastorale de notre évêque, l’Année de la Miséricorde) je reprends comme « Mot du curé » l’homélie de ces célébrations.
Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire… Quel contraste, frères et sœurs, entre cet enfant menu et fragile et les puissants dont les titres prestigieux ont été martelés à l’ouverture du récit!… En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant le recensement de toute la terre – et ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie -…
L‘empereur Auguste, qui domine toute la terre… L’enfant Jésus couché à même la terre…
Et pourtant il nous est proclamé aujourd’hui que c’est sur cet enfant que la terre doit compter… doit compter pour « s’en sortir », comme on dit… : sur cet enfant, et sur personne d‘autre:… Aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur… Vous trouverez un nouveau-né couché dans une mangeoire…
« S’en sortir »… C’est bien de cela, frères et sœurs, qu’il s’agit : échapper à ce qui nous enferme…
Ce qui nous enferme… Qu’ils sont nombreux, les enfermements !… L’empereur Auguste est assurément le symbole éloquent de tous ces enfermements d’hier et d’aujourd’hui.
Qu’est en effet son recensement, sinon un enfermement !… Enfermement de ses sujets dans des listes, dans des comptes, dans des grilles de calculs… « à ne pas en sortir » !
Ce n’est pas sans raison que revient tout au long de l’histoire, et peut-être plus que jamais aujourd’hui, le cri jeté vers le ciel : « Ouvre-moi une porte, ouvre-moi un passage… »
L’humble naissance de l’Enfant-Dieu nous rappelle que les portes qu’ouvre le ciel sont le plus souvent des « petites portes » : petites portes discrètes, modestes, parfois depuis longtemps oubliées… qui tout doucement, sans bruit, sans grincement, viennent un jour à s’ouvrir sur un lieu de paix et d’intimité, de douce lumière… moment de grâce qui annonce que le malheur et les enfermements n’auront pas le dernier mot…
Frères et sœurs, dans quelque petit ou grand malheur que nous vivions, dans quelque enfermement que nous éprouvions, demandons à l’Enfant-Dieu de pouvoir reconnaître la petite porte qu’il n’attend que d’ouvrir pour nous et avec nous…
– La petite porte, ce sera peut-être, dans un long conflit « à ne pas en sortir », un tout petit geste que nous poserons, un premier tout petit geste après longtemps : une carte de vœux, un menu service rendu possible par une circonstance… ou plus secrètement une prière pour l’autre…
– La petite porte, ce sera peut-être, dans une faute que nous ne nous pardonnons pas, qui nous poursuit « à ne pas en sortir », une simple démarche d’abandon devant la crèche : « Jésus, en ce jour de Noël, je veux remettre dans tes petites mains ce ‘point noir’ de ma vie, une fois pour toutes… Accueille mon cœur, mets-le en paix… »
– La petite porte, ce sera peut-être, dans une faiblesse qui nous emprisonne depuis si longtemps « à ne pas en sortir », un appel du fond du cœur que nous oserons laisser sortir en un cri : « Ah, Seigneur, prends donc pitié de moi ! Ne vois-tu pas en quoi je me débats ?… »
– La petite porte, ce sera peut-être, si nous avons été humiliés dans nos jeunes années « à ne pas en sortir », aller en ces jours de Noël sur la tombe de celui ou de celle qui nous a abîmés, parler à cette personne, lui dire tout, tout lui raconter, peut-être pour la première fois… et poser nos deux mains à même la terre ou la pierre du tombeau, et demander : « Seigneur , avec celui-là, avec celle-là, qui m’a fait si mal (Il faut dire le nom…), donne-moi, donne-nous de remettre tout à plat. »…
– La petite porte, ce sera peut-être, si nous vivons la douleur lancinante d’un échec lié à notre couple, à nos enfants, à nos projets, « à ne pas en sortir », demander au Seigneur d’inventer un nouveau chemin… Notre Dieu n’a-t-il pas cette faculté toute divine de tirer du bien à partir des situations les plus perdues ?
Dois-je continuer, frères et sœurs ?… Prenons le temps de regarder l’Enfant dans la crèche… Restons-y le temps qu’il nous montre de sa petite main l’une ou l’autre petite porte dérobée que seuls ses yeux peuvent voir… L‘une ou l’autre petite porte pour notre vie à chacun, mais aussi pour la société, pour l’Eglise, pour notre jeunesse, pour tous les lieux d’humanité…
Et surtout, osons croire que le miracle de Noël peut venir sur nous aujourd’hui, comme il en fut pour bien des frères et sœurs qui avant nous en ont fait une lumineuse expérience : Thérèse de Lisieux, Paul Claudel… et, qui sait, peut-être déjà l’un ou l’autre parmi nous ?
Conduis-moi, douce Lumière
A travers les ténèbres qui m’encerclent.
Conduis-moi, Toi, toujours plus avant ! (…)
Garde mes pas : je ne demande pas à voir déjà
Ce qu’on doit voir là-bas : un seul pas à la fois
C’est bien assez pour moi (…)
Conduis-moi, douce Lumière
Conduis-moi, Toi, toujours plus avant !
(J-H. Newman)
Votre curé, Henri BASTIN