Espérance – Communion et solidarité :
l’homélie de notre doyen, l’abbé Henri Bastin,
lors de sa messe d’au revoir, le 2 septembre à Malmedy
Frères et sœurs,
Eh bien oui, c’est aujourd’hui la dernière fois que je célèbre en notre Cathédrale comme curé de l’unité pastorale de Malmedy et doyen du doyenné de l’Ardenne !
Avant de partir, j’aimerais vous dire ce qui me tient à cœur, vous livrer en quelque sorte un message.
Avant tout, c’est un mot : espérance ! Mon parcours de vie a fait que, très jeune, ce mot m’a déjà habité. Mais aujourd’hui plus que jamais ce mot me revient. Vous le savez comme moi : nous vivons des temps difficiles dans le monde et dans l’Église. Rien ne dit que cela va aller mieux dans les années qui viennent. Oui, à bien des égards, nous sommes pris dans la tourmente. Et particulièrement, quand je vois nos jeunes et nos petits -ainsi les acolytes, ici, dans la Cathédrale- je me dis qu’il importe que nous leur transmettions l’espérance pour qu’ils « traversent ».
Bien sûr l’espérance se cultive par une attention aux signes, aux petits germes qui sont là comme des promesses. Et j’en ai vus beaucoup ici à Malmedy et dans la région, au long de ces années. Et j’en vois beaucoup dans le monde. Il n’y a pas bien longtemps, nous avons pris le temps de les repérer, lors d’une soirée de Carême : cela n’arrêtait plus ! Cela montre bien qu’il n’en manque pas, des signes !
Mais il peut arriver qu’on ait comme l’impression que le ciel s’obscurcit totalement… Et on dira : Je suis dans le noir. Et on dira, face au monde et à la situation de l’Église : Tout se déglingue !
C’est là, frères et sœurs, lorsque nous avons le sentiment que la nuit est d’encre et que les flots du torrent nous submergent (Cf. le cardinal Newman), c’est là, frères et sœurs, qu’il importe que nous nous ouvrions à l’espérance, et que nous la transmettions à nos petits…
Mais, frères et sœurs, pour nous chrétiens, l’espérance n’est pas d’abord un ressenti, ou un climat, ou une heureuse disposition de tempérament. L’espérance, c’est Quelqu’un, c’est Jésus ! L’espérance, c’est Jésus lui-même ! Jésus lui-même que nous venons d’entendre et qui nous dit : Hors de moi vous ne pouvez rien faire.
Frères et sœurs, je crois pouvoir vous confier, avec fierté et autant que possible avec humilité, que c’est ce message-là que j’ai voulu transmettre et vous aider à vivre, comme curé et comme doyen tout au long des années. Oui, être amené à une expérience du Christ vivant en qui nous reconnaissons celui qui ne nous laissera jamais tomber, qui ne laissera jamais tomber le monde, Jésus pour qui rien ni personne n’est jamais perdu. Être amené à cette expérience du Christ vivant, et tout à la fois, maintenir fermement que toutes nos initiatives en communauté chrétienne, toutes nos liturgies, toutes nos catéchèses, toutes nos animations, et tout le reste du vécu en Église, ne doivent viser qu’à cela : à cette rencontre avec Jésus, à la foi en ce Christ, seul lieu de notre assurance, seul lieu de notre espérance. Nous souvenir que sans cela, tout n’est que du vent, aussi brillant et « vitrine » que cela puisse paraître… Jésus-Christ, ou rien ! aime à dire le Père Bro… Et Jésus, lui d’abord, ne dit-il pas plus que jamais, comme il y a deux mille ans : Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (Lc 18, 8) Je commenterais : trouvera-t-il la foi dans nos communautés de Malmedy et du doyenné de l’Ardenne ?
Oui, frères et sœurs, je tiens à vous remettre aujourd’hui devant cette espérance et cette foi qui me tiennent à cœur.
Mais aussi -et c’est là le deuxième accent de mon message- me tient à cœur la dimension de communion et de solidarité, au sein de nos communautés et entre elles. Urgence pour les temps d’aujourd’hui, s’il en est ! Bannir l’individualisme, et particulièrement le pernicieux esprit de clocher, expression que je reprends à l’un de nos évêques ! Urgence de communion et de solidarité pour relever ensemble les défis auxquels nous sommes confrontés, défis qui ne manquent pas dans notre doyenné comme partout, défis souvent inédits qui réclament plus que jamais audace et courage. S’attacher à relever les défis ensemble, tous ensemble ! Un chrétien ou une communauté qui veut mener son chemin isolément se condamne à mourir spirituellement… Sans cette unité et le soutien mutuel qui font l’ADN de notre vie chrétienne, de quel Seigneur pourrions-nous encore être les témoins dans un monde si tragiquement divisé, si douloureusement assoiffé d’unité ?
Comme nous l’avons entendu dans la deuxième lecture, à l’Église de Corinthe, les vanités, les comparaisons, les « hit-parades », les rivalités, se noyautaient autour de l’apôtre Paul, autour du brillant prédicateur Apollos, autour d’autres grands formats de la communauté, chacun tirant la couverture de son côté… Vieux démons toujours prêts à resurgir dans les Églises à toute époque : Moi, je suis pour un tel… Moi je suis pour un autre… Moi je suis pour un autre encore… Moi je suis pour tel lieu de culte… Moi je suis pour tel autre lieu de culte… Moi je suis pour tel autre lieu de culte encore…
Frères et sœurs, si richesses et dons multiples il y a sans aucun doute dans nos communautés et dans le doyenné, rappelons-nous toujours que richesses et dons nous sont offerts pour le bien de tous en vue de l’avènement du Royaume du Christ ! Pour le bien de tous et pour le Christ, seul fondement ! Jamais pour le succès mondain dont nous avons sans cesse à nous protéger… Vous dirai-je, un peu crûment sans doute, que cela me « donne toujours des boutons », lorsque j’entends parler de paroisse-pilote, de curé-pilote, d’initiative-pilote ? Ne mettons jamais quelqu’un ou une communauté sur un piédestal ! Ce serait faire le nid de l’orgueil et de la jalousie !
Ne faisons jamais d’une personne ou d’une communauté une star ou une idole, mais attachons-nous à détecter, si je puis dire, et à accueillir avec joie et reconnaissance la grâce et les richesses dont chacun, en tout lieu, est porteur : assurément grâce et richesse que toujours le Seigneur répartit sagement sans que personne soit ne laissé pour compte. Plus que jamais, bannissant tout esprit de parti, cherchons à nous encourager sans relâche entre communautés du doyenné. Surtout, réconfortons-nous aux heures de faiblesse. Qui et quelle communauté ne passe un jour par la faiblesse ? Celui qui est fort un jour, aura besoin d’aide le lendemain, et réciproquement.
Communion et solidarité : telle est, après l’espérance, la deuxième dimension de ce que je veux vous dire quant à ce qui me tient à cœur. Communion et solidarité : mon vécu à Malmedy et dans le doyenné m’amène à y voir un appel pressant du Seigneur pour aujourd’hui ! Devrais-je me taire ?
Devrais-je me taire ? Et ici, frères et sœurs, je renvoie la question à l’ensemble de mon ministère, long de 45 ans depuis mon ordination -et celle du père Norbert Maréchal- à Waimes, le 26 août 1973. Devrais-je me taire ? Frères et sœurs, je ne peux pas vous le cacher : il m’a souvent coûté de parler, aussi surprenant que cela puisse paraître à plus d’un. Il m’a souvent coûté de parler. Il m’a souvent coûté de parler et de mener le combat que j’ai dû mener, particulièrement en ces dernières années marquées par des tournants qui nous obligent à anticiper l’avenir. Je ne pouvais faire autrement, sans me renier. Toujours cependant, j’ai gardé l’assurance d’une présence à mes côtés, de la Présence stimulante du Seigneur à mes côtés, dans mon travail de labour…
… Travail de labour, oui, car, enfant de la terre, m’est revenue si souvent l’image de la charrue. Mener le soc de charrue en gardant fermement le cap. Travail de labour sans aucun doute parfois douloureux pour la terre retournée et déchirée de nos communautés. Et l’occasion est enfin venue pour moi de demander pardon à ceux-là, connus ou inconnus, que j’ai sûrement parfois blessés et qui aujourd’hui, croyez- moi, ne quittent plus ma prière.
Mais, frères et sœurs, puis-je aussi vous demander, autant pour mes confrères que pour moi-même, de ne pas ignorer que dans son travail de labour le laboureur se retrouve plus d’une fois avoir lui-même le cœur labouré ? Dès lors, autant que pour moi, priez pour mes confrères à qui le Seigneur a confié cette charge.
Cette charge, je la dépose aujourd’hui. Vous avez écouté la première lecture. Je me retrouve un peu comme Moïse, à qui cependant je me garde bien de me comparer.
Moïse, pendant quarante ans, a conduit le peuple vers la terre de la Promesse, mais il ne peut accéder à cette terre. Il la contemple à distance, du sommet du Mont Nébo. Mais ne sommes-nous pas autorisés à croire que dans sa frustration, la joie est la plus forte, cette joie de savoir que le peuple parviendra à cette terre ? Et Josué va prendre le relais. De Moïse, on ne retrouvera même pas le tombeau…
Permettez- moi de reprendre ici mot pour mot ce que j’ai écrit dans mon dernier « mot du curé » adressé à la communauté de Malmedy. Vital Nlandu, comme Josué, va prendre le relais et va devoir continuer le travail à partir de la grâce propre dont il est porteur, grâce qu’il importe de reconnaître et d’accueillir pour qu’elle puisse porter du fruit. Le curé d’Ars n’allait-il pas jusqu’à dire : On a les prêtres qu’on mérite ? Vital lui-même ne se retrouvera-t-il pas, lui aussi, un jour sur son mont Nebo ? Et tous ceux qui, à l’heure de Dieu, devront à leur tour assumer la charge pastorale à sa suite et à la mienne ?
Jusqu’à ce qu’enfin apparaisse le Seigneur de gloire : seule visée de toute œuvre pastorale qu’il ne faut jamais perdre de vue ! Viens, ô viens, Seigneur Jésus ! (Cf Ap. 22, 21) Le reste, aussi brillant soit-il-je tiens à vous le redire- n’est que du vent !
Amen !
Abbé Henri Bastin,
Doyen de l’Ardenne jusqu’au 1er septembre 2018
A reblogué ceci sur Unité pastorale de Theux (Liège, BE)et a ajouté:
Les premières photos et le texte de l’homélie de celui qui est désormais notre doyen émérite ! Merci, cher Monsieur l’abbé !
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