Homélie du 30ème dimanche A : l’amour est premier !
Lectures : Ex 22, 20-26; Ps 17; 1 Thés 1, 5c-10; Mt 22, 34-40
Mes frères et mes sœurs dans le Christ Jésus, en ce temps de regain du covid 19, temps d’incertitude et d’inquiétude, la Parole de Dieu nous fait entrer en espérance. Un éveil qui nous fait prendre conscience de notre spiritualité, sans doute dormante : pour quoi, pour qui je vis, qui suis-je profondément ?… En effet, nous sommes faits pour être aimés et aimer. C’est un besoin existentiel inhérent à l’homme. L’enfer, n’est-ce pas l’enfer-mement, le sentiment du vide d’amour; et la maladie psycho-spirituelle la plus atroce, être carencé de ce même amour ! Voilà pourquoi Dieu garantit d’ores et déjà sa flamme aux mendiants de l’amour : « Vois, je t’ai gravé sur les paumes de mes mains … Comme le Père m’a aimé, moi aussi je t’ai aimé … Je t’ai aimé d’un amour éternel, aussi t’ai-je gardé ma faveur, sois sans crainte » (Is 49, 16; Jn 14, 23; Jér 31, 3).
La question posée à Jésus dans la page d’Evangile est, à bien des égards, judicieuse : l’excès nuit ! On en a sa dose avec cette ribambelle de préceptes qui régissent la vie religieuse et sociale, dénombrés à 613 dans la Torah. En dernier ressort, quelle est la loi focale, capitale d’où découleraient toutes les autres ? Et Jésus de répondre : « Tu aimeras! » Effectivement, l’amour est premier, sans lui, on a raté sa vie et même sa mort, mort entendue comme passage ultime vers l’autre vie. Vivre sans ami, c’est mourir sans témoin ! L’amour est le principe même de l’agir chrétien : « Aime et fais ce que tu veux » (saint Augustin). C’est par lui que nous sommes reconnus comme disciples de Jésus-Christ (Jn 13, 35). Et c’est sur l’amour que nous serons jugés (saint Jean de la croix; Mt 25, 31-41).
Tu aimeras Dieu (et te laisseras aimer par lui). Si Jésus cite Dieu en premier, c’est parce que c’est lui la source qui irrigue nos cœurs d’amour (Rm 5, 5). Pour mieux comprendre cela, imaginons un grand cercle tracé sur le sol et Dieu au centre. Au bord de ce cercle, il y a des hommes. On ne peut que constater ceci : plus ils s’approchent de Dieu, plus ils se resserrent, leurs liens se consolidant; mais plus ils s’éloignent de Dieu, en mouvement inverse, plus ils se distancient entre eux… En aimant Dieu le premier et de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, c’est-à-dire saisi de tout ton être (ta dimension psychologique, spirituelle et somatique); avec ta personnalité, ton affectivité, tes pensées, tes actions et projets, Dieu t’imprègne de son amour et décuple ta faculté d’aimer.
Oui, c’est une exigence spirituelle que d’entretenir avec « son » Dieu, une relation intime, mystique, à l’instar de cette déclaration d’amour du psalmiste : « Je t’aime, Seigneur, ma force » (Ps 17). Toute l’histoire du salut est une aventure d’amour entre le Dieu de l’alliance et son peuple, une alliance souvent brisée par les péchés de ce dernier, mais que Jésus le Christ a rétablie une fois pour toutes par le sang de sa croix.
Cependant, « si quelqu’un dit : ‘J’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20). La prière et la fraternité (cf. l’encyclique « Fratelli tutti » du pape François), la contemplation et le service sont intrinsèquement liés. Les témoins comme l’abbé Pierre, sœur Emmanuelle et tant d’autre nous ont assez enseignés que tout ce qui n’est pas donné est perdu; que c’est en se donnant que l’amour devient une vocation, car celui qui se donne est serviteur. Joindre pieusement les mains pour prier est merveilleux, mais c’est encore mieux de les ouvrir pour donner… La croix de Jésus articule admirablement les deux axes d’amour : de ses deux poutres, l’une est verticale, tendue vers le ciel, et l’autre est horizontale, embrassant l’humanité. L’amour pour Dieu et pour l’homme partent, certes, en deux directions, mais c’est un unique amour. Evidemment, je parle en croyant : aimer l’homme sans Dieu vide l’amour de toute espérance, et aimer Dieu en détestant l’homme est une tartuferie notoire.
Pour Jésus, il faut aimer le prochain « comme soi-même » en termes de communion et des soins à lui prodiguer. C’est en être un sacrement de la vie, l’aimer gratuitement pour que l’amour ne devienne pas un pot-de-vin; et loin de l’asphyxier, lui permettre de respirer (respect de sa liberté), lui révéler sa beauté intérieure et le faire grandir : « Il faut qu’il croisse et que moi je diminue » (Jn 3, 30).
Chers amis, Jésus est mort le cœur « ouvert » (Jn 19, 31-37) : qu’il nous soit ainsi donné de vivre avec notre cœur ouvert à Dieu et aux autres. C’est à cette foi en actes que nous exhortent le prophète Isaïe dans la 1ère lecture et le témoignage des Thessaloniciens dans la deuxième lecture.
Vital Nlandu, votre curé-doyen