Homélie du 32ème dimanche ordinaire A : Approvisionner sa réserve d’huile
Lectures : Sg 6, 12-16; Ps 62; 1 Th 4, 13-18; Mt 25, 1-13
Mes soeurs et mes frères, la liturgie de la Parole de ce week-end vient à point nommé. En ce moment du re-confinement, le risque du coup de mou, de la déprime, y compris spirituelle, est plausible. Rien n’y fait, ce satané coronavirus plombe notre élan vital, nous déstabilise. Il tente de nous tenir blafards et surtout de voler notre espérance. Alors la page d’Evangile que l’Eglise propose à notre méditation nous booste : a-t-on déjà vu en temps de pandémie le médecin rendre les armes et ne plus soigner? Nous autres aussi nous ne devons pas nous laisser nous engourdir, tomber dans le laisser-aller ou encore avancer le nez dans le guidon sans être proactifs, inventifs de recettes qui raffermissent notre foi, soutiennent nos élans de charité et ravivent notre espérance. N’insultons pas l’avenir : demain, meilleur il fera tant que notre horizon est Jésus-Christ et notre avenir en Dieu (2ème lecture).
Par-dessus tout, n’éteignons pas le feu, l’ardeur dévorante de notre attachement au Dieu trinitaire ainsi le témoigne cette « sensualité » spirituelle du psalmiste : « Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu. Je te cherche dès l’aube. Toute ma vie je vais te bénir. Je reste des heures à te parler » (Ps 62). C’est le même érotisme qui se dégage dans la quête passionnée de la bien-aimée du Cantique des cantiques : « –Au long des nuits, des jours, dans les insomnies, le noctambulisme-, je cherchais celui que j’aime, sans le trouver. Et voilà…, je l’ai rencontré celui que je cherchais, celui que mon cœur désirait, jamais plus je ne le lâcherai … » (Ct 3, 1-4). Et saint Augustin : « Je t’ai aimé bien tard, beauté ancienne et toujours nouvelle, je t’ai aimé bien tard ! Tu étais au-dedans de moi-même, et moi j’étais au-dehors de moi-même. C’est en ce dehors que je te cherchais… – Je suis allé chercher après toi au Nord, à Midi, à l’Ouest et à l’Est, et pourtant au-dedans de moi, tu étais! » (Confessions, livre X, XXVII, 38)…
La parabole de l’Evangile nous parle de 10 demoiselles bien élégantesqui piaffent d’impatience en attendant le prince charmant, Jésus-Christ, pour la fête des noces mystiques. Ces 10 jeunes femmes symbolisent l’Eglise, c’est toi, c’est moi, c’est nous. Ce qui est reproché aux cinq qui n’ont pas eu de discernement éclairé (2ème lecture), ce n’est pas qu’elles fussent gagnées par le sommeil. Notre rythme nycthéméral nous pousse naturellement à nous assoupir aux heures tardives de la nuit. Les travailleurs de la nuit (emploi Horeca, routiers, infirmières de garde…) savent qu’il peut arriver un moment dans la nuit qu’on somnole. La maladresse des filles imprévoyantes, c’est plutôt leur manque de sens de responsabilité, leur insouciance de l’essentiel, c’est-à-dire avoir négligé l’approvisionnement de la ration d’huile de leurs lampes.
Chers amis, une parabole n’est pas un traité théologique, c’est un récit de bon sens qui transmet un message : il faut prendre soin de sa réserve d’huile. Dans la tradition biblique, l’huile-Onction symbolise l’Esprit Saint, le combustible de notre lampe intérieure :« L’huile de l’Onction demeure en vous » (1 Jn 2, 27) ; « Celui qui nous a donné l’Onction, c’est Dieu » (2 Cor 1, 21)… Par la chrismation baptismale, le baptisé reçoit l’Esprit Saint, il est qualifié de « fils » de Dieu : « Aujourd’hui tu es mon fils bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour » (Lc 3, 22).
En effet, l’huile pénètre, imprègne, s’imbibe dans la matière spongieuse. Ce n’est qu’un cœur-éponge, accueillant, qui lâche prise et fait confiance (enfance spirituelle), qui est favorable à l’accueil et à l’action de l’Esprit Saint. Les huiles essentielles ont une vertu thérapeutique : L’Esprit Saint guérit ce qui, au plus profond de nous, est blessé. L’huile sert au massage des athlètes (pour leur souplesse) : l’Esprit-Saint assouplit nos caractères aigus. Les huiles essentielles sont utilisées en parfumerie et nous le savons, le véritable parfum est une flagrance, sa senteur ne laisse pas indifférent : « Nous sommes la bonne odeur du Christ » (2 Cor 2, 15). Aussi avons-nous besoin d’être imbibés d’Onction en permanence pour tenir la route et pour témoigner de l’Amour qui nous habite.
Oui, il y a des signes qui ne trompent pas. Le fruit suprême que l’Esprit Saint produit en nous, c’est ce guichet ouvert d’un amour qui se manifeste par la joie, la paix, la douceur, la bonté, la bienveillance; qui se nourrit de la foi et se cultive par l’humilité, la patience et la maîtrise de soi (Ga 5, 22).
Vital Nlandu, votre curé-doyen