Homélie du 33ème dimanche A : A la reconquête de l’optimisme
Lectures: Pr 31, 10 s; Ps 127; 1 Th 5, 1-6; Mt 25, 14-30
Mes frères et mes sœurs, la parabole des talents rejoint l’actualité : la quasi faillite des systèmes bancaires. C’est à se demander pourquoi placer encore aujourd’hui son argent à la banque vu les intérêts qui sont moins que rien. Mais cette banqueroute ne concerne pas que les opérations financières!
Dieu qui nous connaît de part en part, a fait son placement en chacun, selon ses capacités et ses aptitudes particulières. En effet, personne n’est dispensé de la mission. Dieu ne veut pas que le don de son Amour répandu dans nos cœurs (Rm 5, 5), que le répertoire de nos possibilités, les ressources insoupçonnées, les bénédictions et les grâces dont il nous a comblés, soient galvaudés ou sous-exploités. C’est pour cette raison que saint Paul engage Timothée à raviver le don que Dieu lui a accordé pour mener sa mission jusqu’au bout (2 Tim 1, 6).
En clair, par son Esprit, Dieu a donné à l’un le don de la patience, à l’autre la bonté, la beauté intérieure; à un autre encore le discernement ou l’humilité … Et tous ces talents sont prodigués pour l’unique bien de la communauté. Il a pris le risque de nous faire confiance, il compte sur chacun de nous pour la moisson. Et si entretemps il est « parti en voyage« , c’est pour laisser à chacun un espace de liberté et de créativité. Et donc halte à la passivité d’une foi peureuse et à l’attente naïve du retour du Seigneur ! Que chacun se réapproprie sa vie et en soit responsable. Rien n’est écrit à l’avance.
Remarquons, toutefois, qu’il n’y a aucune convention qui régit la remise des talents au retour du maître, puisque celui qui en a remportés deux, a reçu les mêmes éloges que celui qui a gagné cinq autres talents. Je ne dois pas ainsi passer mon temps à me comparer aux autres, j’utilise les talents qui sont les miens et c’est tout. L’important n’est pas la quantité gagnée, mais la détermination à faire fructifier les dons spirituels, intellectuels, manuels, artistiques qu’on a reçus, à l’instar des fils de lumière de la 2ème lecture et de la précieuse femme de la 1ère lecture : elle est active, elle tend la main au malheureux et marche selon les voies du Seigneur.
Cependant, on peut se demander si le 3ème serviteur a vraiment agi par peur ou plutôt, plus précisément, par méfiance et même par défiance. Il est allé cacher son talent dans la terre. Plus un talent est enfoui, moins il fructifie et il finit par mourir. La sévère accusation de rapacité que ce serviteur fait à l’encontre de son maître montre bien qu’il a une fausse représentation de Dieu; qu’il ne lui fait aucune confiance et qu’il n’a d’ailleurs pas confiance en lui-même : » Je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain« .
Il n’a pas confiance en lui-même parce que sans doute, il ne se sent pas à la hauteur, il se laisse facilement déstabiliser et assaillir par ses peurs. Indécis devant la tâche à accomplir, il craint de déplaire, culpabilise et se laisse abîmer par des convictions toxiques du genre : « Je ne suis pas performant, je ne saurais jamais faire ça. Ce n’est pas pour moi. Je suis nul. Je ne vaux rien. Je ne saurais jamais répondre aux attentes qui me sont assignées… ». Loin de regarder les choses avec douceur, émerveillement et bienveillance, les gens qui n’ont pas confiance en eux-mêmes imaginent souvent le pire, se jugent en se rabaissant et en s’auto-dévalorisant.
La confiance en soi est un subtil cocktail d’estime de soi (reconnaissance de sa valeur), d’optimisme et de volontarisme, un must pour survivre. C’est comme un souffle sur la voile, elle aide à aller au large. Le psychiatre et psychanalyste Alain Braconnier le dit à juste titre : « La confiance en soi est l’assise de notre personnalité ». On ose apporter la touche de sa différence et on s’assume comme on est. A son école, on apprend tout aussi bien à s’aimer soi-même qu’à se forger un mental de gagnant, c’est-à-dire à être capable de prendre les choses en main au lieu de les subir. On apprend à répondre de ses actes en étant acteur de sa propre vie.
Alors, celui qui répondra par la confiance à la confiance du Maître entendra dire : « Entre dans la joie de ton Seigneur ». Tel est le dessein merveilleux de notre Dieu : nous faire participer à sa joie, à sa vie et à sa nature divine.
Vital Nlandu, votre curé-doyen