Homélie du 4ème dimanche de l’Avent B : L’annonciation
Lectures : 2 Sam 7, 1 s; Ps 88; Rm 16, 25-27; Lc 1, 26-38

Mes sœurs et mes frères, nous célébrons aujourd’hui le 4ème dimanche, le dernier de l’Avent. Désormais, tout est orienté vers la nativité de Jésus. Et une figure se détache parmi toutes les autres, celle de la Vierge de Nazareth appelée Marie, qui engage avec l’ange Gabriel un dialogue à cœur ouvert.
Dans la première lecture, le roi David a un vif sentiment de la grandeur de Dieu et de son œuvre. Il veut construire une maison pour Dieu. Dieu lui fera comprendre par le prophète Nathan de ne pas mêler les genres : ce n’est pas l’homme qui choisit Dieu, c’est Lui qui choisit l’homme (Jn 15, 16); il n’appartient pas à l’homme de faire des projets pour Dieu, c’est plutôt Lui qui offre l’alliance. C’est Lui qui appelle chacun à participer à son dessein bienveillant. Aussi promet-Il, au-delà de toute espérance, la pérennité de la dynastie davidique, c’est-à-dire la perpétuité de son alliance avec son peuple, grâce à la venue de son Messie, le Dieu-fait-Homme. Et le psalmiste de clamer sa gratitude et sa louange : »Ton amour, Seigneur, sans fin je le chante » (Ps 88)
Dans la même optique, comme le grain de blé semé en terre germe mystérieusement, saint Paul énonce dans la deuxième lecture, que le secret ou encore le mystère resté dans le silence depuis toujours, s’est enfin révélé à Noël : le mystère de l’amour infini de Dieu pour l’homme. Il consiste à sauver tout homme et tout l’homme par Jésus; le libérer de ce qu’il a d’étriqué.

« Tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut !« , dit l’ange à Marie. Il s’agit du puissant et performatif Nom de « Jésus » que l’on invoque dans la prière d’autorité et de délivrance (Ac 3, 1-10; Phi 2, 10; Apoc 14, 1…) ! Je renvoie ici aux Actes du langage de l’ouvrage de John Austin « Quand dire, c’est faire !« : tu invoques le Nom de Jésus dans l’Esprit et la foi, et la merveille s’accomplit! En hébreu « Jeshua » ou « Joshua » signifie « Dieu sauve« ; il exprime à la fois l’identité et la mission de l’Enfant de Bethléem.
Dans l’Evangile, dès le premier abord, l’ange salue Marie comme fait le prêtre à la messe: » Le Seigneur est avec toi« . Et il la rassure : « Sois sans crainte, Marie« . Ceci dit, si le Seigneur est avec toi et pour toi, s’il est de ton côté, si sa grâce déborde en toi, pourquoi tes peurs ?… L’ange Gabriel annonce alors à la jeune femme le projet de Dieu pour elle et pour toute l’humanité. Cette annonce de son destin sui generis la bouleverse. Elle n’y comprend rien sans doute ! C’est un programme rocambolesque qui dépasse l’entendement humain. D’où sa question : « Comment cela va-t-il se faire ? » Par l’action de l’Esprit Saint qui féconde le cœur de l’homme de l’amour de Dieu, l’Esprit de Dieu accomplit la nouvelle création : Jésus est le nouvel Adam, il est la tête d’une nouvelle Humanité fondée sur la civilisation de l’amour universel, gratuit et inconditionnel. A défaut de comprendre, Marie apprendra à garder tout dans son cœur (Lc 2, 51) en mettant l’annonciation de l’ange en musique, autrement dit en s’éduquant à la culture du silence. Sans le silence, sans le vide autour de soi, sans se débarrasser des bruits et des pensées parasites, il n’y a pas de musique, pas de prière venue des tripes. Sans délestage et détachement du superflu, du besoin de tout contrôler et de tout maîtriser, il n’y a pas de foi. Marie mit l’annonciation de l’ange en musique en créant une symphonie intérieure : harmoniser chaque battement de son cœur au souffle de l’Esprit Saint, qui aide à discerner la volonté de Dieu …
En effet, c’est elle que Dieu a choisie pour la venue de son Verbe dans la chair de l’Humanité. Par son consentement libre du tout au tout, elle est devenue le terreau fertile qui enfanta le Sauveur du monde. Il faut dire que sa confiance motivée par le « rien n’est impossible à Dieu » de l’ange, a été totale. « Que tout m’advienne selon ta parole« , répondit-elle. Par ces mots, elle a dit son Fiat!, son oui à tout ce qui lui arriverait : oui aux cancans de son village, oui au fils « bâtard »; oui au dépouillement de la crèche, oui à la passion, à la mort, à la résurrection de son fils, oui à l’Eglise naissante à la Pentecôte, oui au don de Dieu … Aussi saint Luc l’évangéliste finit l’épisode par ces mots : « Et l’ange la quitta ! » L’ange Gabriel s’éloigne de Marie par respect de son autonomie, pour le déploiement de sa liberté. Il la plonge pour ainsi dire dans une solitude spirituelle pour qu’en sourdine, son oui retentisse dans les profondeurs de son cœur. Il s’éloigne d’elle pour qu’elle se tourne vers l’avenir, qu’elle devienne adulte en se forgeant une colonne vertébrale pour assumer son choix et ses conséquences.
De là, chers amis, Marie est devenue « la première en chemin » : son oui est le modèle de nos « oui » si fragiles, nos « oui » quotidiens à la maternité de Jésus en nous et autour de nous.
Vital Nlandu, votre curé-doyen