Homélie du 5ème dimanche B de Pâques : Appelés à la fécondité
Lectures : Ac 9, 26-31; Ps 21; 1 Jn 3, 18-24; Jn 15, 1-8 (Vous êtes les sarments)
Mes frères et mes sœurs, l’Evangile d’aujourd’hui retrace les adieux de Jésus à ses disciples. Il leur ouvre les trésors de son cœur avant de les quitter. Et voici sa révélation : ce qui dilate le cœur de Dieu de joie, qui fait sa gloire, c’est quand nous portons beaucoup de fruit. C’est même là le critère majeur d’authenticité du vrai disciple de Jésus-Christ (V. 8). En effet, ce n’est pas pour elle-même que la vigne produit des raisins, mais pour ceux qui vendangent. Dieu t’a créé et truffé de talents et de bénédictions pour nourrir les mendiants du bonheur, de la paix, de la tendresse, de l’écoute, de la considération … Aussi, pour faire passer ce message, Jésus va s’inspirer, ici comme ailleurs, de la nature qui nous parle et nous instruit si admirablement. Dans l’image de la vigne qu’il choisit, Dieu le Père est le vigneron, lui-même Jésus est le cep (le pied de la vigne) et nous les sarments. Coupés du tronc de la vigne d’où coule la sève vitale, les branches dessèchent absolument. La nécessaire incorporation des sarments dans le cep est traduite par l’expression : « Demeurez en moi, comme moi en vous« .
Chers amis, ce récit évangélique est un haut lieu de la spiritualité chrétienne, c’est le sens même du mot « religion » (du latin religare = relier), le principe fondamental de la foi du cœur : être intimement relié à Dieu. Oui, s’il y a des croyants qui ne sont pas nécessairement heureux dans leur foi, c’est sans doute parce qu’il leur manque cette relation personnelle, mystique (amoureuse), profonde et forte avec le Christ. Il leur manque la dimension « demeure », « habitation » de la foi. La plus-value de ma foi, c’est que, dans la traversée de la vie avec ses passages de turbulences, moi je sais que je suis accompagné et même plus, « habité » par Jésus-Christ ! Il s’agit de la primauté de la communion et de l’attachement à Lui. A la messe, avant de communier, le prêtre dit cette prière silencieuse : « Seigneur Jésus, que jamais je ne sois séparé de toi« . Il faut rester en permanence greffé à Jésus pour laisser couler, circuler au plus intime de soi sa grâce, son Esprit. Sans cela, nous sommes arides et infertiles !

La vigne est un arbuste qui exige beaucoup de soin et un savoir-faire approprié : la protéger contre les parasites, la tailler … Comme sarments, nous avons besoin d’être nettoyés par les sacrements, en l’occurrence l’eucharistie et la confession; d’être purifiés grâce à la méditation de la Parole, à nos engagements humanistes, au jeûne … En clair, la vigne doit être tragiquement émondée, saccagée par l’entaille des sarments stériles et des pousses inutiles. Ce faisant, on concentre la sève au coeur des sarments porteurs et on optimalise la production. Au moment de l’élagage, selon le jargon des viticulteurs, la vigne saigne, pleure … Et si ses larmes faisaient écho à celles de nos souffrances, à l’accablement de nos combats intérieurs, de nos détresses et échardes (prières non exaucées : 2 Co 12, 7-10), de nos amertumes et frustrations, bref des épreuves de la vie ? Mais forts de notre foi, nous savons que mourir c’est vivre. Si nous sommes connectés au Christ mort et ressuscité, nos épreuves peuvent devenir une purification. « Mais vous, déjà vous voici purifiés !«
Cependant, quand bien même nous aurions trébuché ou nous nous serions égarés, restons paisibles en nous préservant par-dessus tout du poison de l’autocensure délétère et de la culpabilité paralysante. « Notre cœur aurait beau nous accuser, Dieu est plus grand que notre cœur » (2ème lecture). Voilà une des merveilleuses phrases du Nouveau Testament. Dieu connaît la raison de nos actes. Il est magnanime, plus indulgent que notre propre conscience. Pour ma part, à la place de la vieille religion qui surculpabilise, remue le couteau dans la plaie en brandissant le spectre traumatisant de la peur et qui, par ricochet, dénature le message de la Miséricorde de Dieu, moi je prêche la religion de la surabondance de grâces, celle de l’amour gratuit et inconditionnel de notre Dieu. « Ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent ! » (Ps 21).
Vital Nlandu, votre curé-doyen