Homélie du 1er dimanche C de carême : Le combat spirituel
Lectures : Dt 26, 4-10; Ps 90; Rm 10, 8-13; Lc 4, 1-13
Mes sœurs et mes frères, avant de commencer son ministère, poussé par l’Esprit Saint, Jésus éprouve le besoin d’aller en retraite solitaire. Et ce, au désert, le lieu de la privation, du dépouillement, de la mise à nu de l’individu : on y est face à son propre destin… Alors, pour l’hygiène de ta vie spirituelle, ne convient-il pas d’apprendre à ralentir, à faire une halte, à respirer; ne convient-il pas de prendre de temps en temps quelques minutes de « désert », de silence, de détachement, de lâcher-prise pour retourner à ta cachette intérieure où est bâti le sanctuaire divin (1 Co 3, 16) ? « Ce qui embellit le désert » dit le Petit Prince, « c’est qu’il cache un puits quelque part » (Antoine de Saint Exupéry). Le retour au plus intime de soi ressource et restaure : on y acquiert la capacité de résilience et une fécondité nouvelle.
Là, au désert, Jésus va livrer un farouche combat avec le diable, le « diabolos » qui divise, en nous opposant à nous-mêmes, aux autres, à la nature et à Dieu. Remarquons que, pour convaincre Jésus, le diable cite les Ecritures. En effet, on peut torpiller, manipuler avec perfidie la Parole de Dieu pour ses propres fins. Il y en a même qui tuent au nom de Dieu ! Toute interprétation de la Parole de Dieu qui n’est pas ajustée à la révélation de son Amour est dangereuse !… Comme homme, Jésus résistera grâce à l’Esprit Saint qui se diffuse en lui. Ses tentations sont en gros celles auxquelles nous cédons souvent. Aussi notre prière : »Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal » (le Pater).
1ère tentation : au-delà de notre besoin physiologique de manger, d’autres besoins légitimes comme la sécurité, l’argent, la santé, notre désir des biens de ce monde, notre peur de manquer, notre avarice, notre travers moderne de surconsommer et de gaspiller peuvent facilement nous éloigner de Dieu. Pour Jésus, il y a un besoin primordial qui fait tout autant vivre : le soin de ma vie intérieure, ma relation personnelle et intime avec « mon Seigneur et mon Dieu » : « Tu m’as fait pour toi, Seigneur, loin de toi, mon âme est en perpétuelle souffrance ! « (Saint Augustin). 2ème tentation : le culte du pouvoir et de la gloire. Bien des fois, nous nous laissons tenter par l’avidité du succès, l’envie d’être mis sur un piédestal, de dominer, d’imposer, d’avoir toujours raison, de monopoliser la parole … 3ème tentation : notre témérité à narguer Dieu, à le mettre à l’épreuve. « Si tu es le Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas, car Dieu viendra à ton secours » Et au pied de la croix : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de là » (Mt 27, 42). « Eh, votre Dieu, c’est de l’esbroufe : où est-il donc quand on est malade; et pourquoi n’intervient-il pas maintenant contre l’invasion unilatérale de l’Ukraine par les russes ? »
Chers amis, c’est ici que se dégage toute la problématique de la représentation de Dieu. En quel Dieu croyons-nous : un dieu prestidigitateur, distributeur automatique de boissons – je glisse mes 2 euros et boum !, voilà mon coca? Un dieu liberticide, qui pressure le sens de la responsabilité de l’homme ?… Et pourtant, nous avons absolument raison de lui confier nos intentions, de lui demander d’intervenir en notre faveur, sinon à qui d’autre irions-nous ? Vous savez, face au scandale du mal et de la souffrance, face à nos « pourquoi sans réponse » (le « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » de Jésus, le « Qu’ai-je fait au Bon Dieu pour mériter ça ? » des gens désespérés), la spiritualité de l’abandon est bien inspirante : à défaut de comprendre, on apprend à s’en remettre à la volonté de Dieu ! « Toutefois, non pas ma volonté, mais la tienne » (Jésus). « Mon Père, je m’abandonne à toi… Je suis prêt à tout, j’accepte tout …, car tu es mon Père » (Charles de Foucauld) …
« Ayant épuisé toutes les formes de tentations » écrit saint Luc, « le diable s’éloigna« . Certes, il a perdu une bataille, mais pas toute la guerre : ses assauts s’acharnent, la folie humaine continue ses ravages. Bien entendu, la victoire définitive que, par ailleurs, nous anticipons déjà aujourd’hui, poindra au bout du passage souterrain de la croix, à la Résurrection ! Aussi l’Eglise nous livre-t-elle 3 armes pour tenir le combat spirituel en ce carême, à savoir : le jeûne et la sobriété (élaguer les branches inutiles, fermer les routes sans issue, bref identifier l’essentiel en éliminant le reste, afin de nous réapproprier notre liberté intérieure), l’aumône (un carême sans partage est insipide) et la prière (c’est la sève de notre vie chrétienne).
A tous et à chacun, je souhaite une bonne montée vers pâques.
Vital Nlandu, votre curé-doyen