Homélie du 2ème dimanche de Pâques A : dimanche de la divine Miséricorde. Lectures : Ac 2, 42-47; 1 Pi 1, 3-9; Jn 20, 19-31
Mes sœurs et frères, après la fête de Pâques, nous poursuivons l’approfondissement du mystère pascal en ce « dimanche de la divine Miséricorde« . Dans l’Evangile, les portes du cœur des disciples sont verrouillées de peur. Il s’agit de nos situations désespérantes, sans issue, que la paix, premier don du Ressuscité, vient débloquer : « Paix … à vous !« . Alors s’en suit l’envoi en mission qui est inséparable du don de l’Esprit Saint : « Recevez l’Esprit Saint …, alors vous serez mes témoins » (Jn 20, 22 ; Ac 1,8). Ce souffle vital que le Ressuscité insuffle et transmet aux disciples, c’est l’Esprit Saint. Il leur donne la force de continuer la mission : être le reflet, le visage de la Miséricorde du Père dans le monde. En effet, la raison d’être du chrétien, n’est-ce pas de manifester la Miséricorde de Dieu ?
Et c’est quoi la Miséricorde ? Ce n’est pas une mièvrerie affective. C’est plutôt un cœur bouleversé de l’intérieur, saisi aux tripes; un cœur touché par la misère de l’autre, fût-elle morale, spirituelle, physique, psychologique, sociale ou encore matérielle. C’est comme me disait une maman, larmes aux yeux, dont l’enfant souffrait atrocement : « Comme je voudrais souffrir à sa place ! » … Nous sommes ici au cœur du message évangélique. La Miséricorde est l’autre nom de Dieu. Quand dans le Symbole des Apôtres, nous disons : « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant« , il ne s’agit de rien d’autre que la toute- puissance de son amour, plus fort que nos égarements, nos lâchetés, nos trahisons voire nos péchés.
Et quid du doute de Thomas, l’incrédule, le libre penseur ? Il n’a pas une foi de charbonnier. Il a besoin des preuves, il veut vérifier avant de croire. Chers amis, si son nom est » jumeau« , c’est sans doute parce que chacun de nous peut bien s’identifier à lui : il nous arrive aussi de nous emberlificoter dans les flots du doute. C’est ce qui fait dire à l’écrivain Georges Bernanos : « La foi, c’est 24 heures de doute, moins une minute d’espérance« . A bien des égards, notre foi ressemble aux marées hautes et basses de la mer, elle vient, elle va; toujours çà et là tant le mystère de Dieu est épais. Son silence, ses pensées, ses voies, le cours des événements du monde sont parfois déroutants. En clair, la foi n’est pas une certitude ou encore une évidence, mais la conviction intérieure que quoi qu’il arrive, quoi qu’il en soit, même et surtout si je ne comprends pas, même et surtout si je ne maîtrise pas, Dieu reste fidèle à son Amour. Et dites-vous bien que dès lors que Dieu n’est plus perçu comme un Père infiniment et inconditionnellement aimant (agapè), il devient un faux dieu… Ce qui me fait dire que la vraie démarche de foi aboutit inexorablement à l’abandon, au lâcher-prise, à la contemplation. C’est elle, cette foi-là, toute confiante, qui a fait dire à saint Paul : « Je sais en qui j’ai mis ma foi ! » (2 Ti 1, 12). C’est elle qui nous plonge dans les réalités spirituelles inexplicables. Voilà pourquoi Jésus béatifie celles et ceux qui, au-delà de ce qui est visible et compréhensible, lui font confiance.
La Parole de Dieu nous interpelle à plus d’un sens
* Le Ressuscité porte toujours la marque des clous et du coup de lance (V. 25 et 27), cicatrices qui rappellent les atrocités de son chemin de croix. C’est dire que sa Résurrection ne supprime pas nos croix quotidiennes que, dorénavant, nous devrons porter dans l’espérance : « J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont nullement à comparer à la gloire qui va se révéler! » (Rm 8, 18). Quand le Ressuscité porte, avec nous, nos fardeaux, il les allège grâce à la paix que l’Esprit Saint, le baume de notre vie chrétienne, diffuse dans nos cœurs (Rm 5, 5). Chaque matin, j’ai ainsi besoin d’accueillir la dose d’Esprit Saint dont j’ai besoin pour ma journée : « Veni Creator spiritus … Viens, Esprit Créateur ! »
* « Sois croyant, Thomas« . Et pourtant il était disciple depuis 3 ans, il a tout quitté pour suivre Jésus. Bien qu’il ait cheminé à ses côtés, il avait absolument besoin de grandir et de fleurir dans la foi. Un peu comme l’amour, notre foi n’est pas un acquis. C’est chaque jour qu’il faut aller à sa (re)conquête. « Avance ton doigt« , la croissance spirituelle est à ce prix-là : il faut avancer, devenir chaque jour plus humain et témoin du Christ.
*C’est en voyant les cicatrices de plaies du Christ que Thomas le reconnaîtra comme Ressuscité. Où irions-nous alors rencontrer le Ressuscité sinon dans les blessures du Monde et de l’Eglise, que le Christ a prises sur lui ?
*Et que dire de la profession de foi de Thomas : «Mon Seigneur et mon Dieu » ? C’est un murmure du cœur, une prière d’abandon tellement simple, humble, paisible et combien profonde, puissante ! Je la récite à la consécration. Comme Thomas, j’ose employer l’adjectif possessif « Mon« . C’est fort ! Le Christ devient à moi, il m’appartient, je lui appartiens. Voilà un pas à franchir !
Vital Nlandu, doyen de l’Ardenne