Homélie du 3ème dimanche de Pâques A : les disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13-35)
Mes sœurs et mes frères, ce n’est pas par des biens périssables comme l’argent ou l’or que nous avons été sauvés, mais par le sang précieux de Jésus-Christ, alléluia –amen !
J’ai la joie de vous partager ce week-end une des plus belles pages de l’Evangile de saint Luc: les disciples d’Emmaüs. On y retrouve tout le menu d’une messe articulé en 4 temps :

1. La liturgie de l’accueil : « De quoi discutez-vous sur le chemin ? » (V.17). On s’accueille en se donnant des nouvelles.
2. La liturgie de la Parole : temps de l’écoute de la Parole interprétée à la lumière de Pâques. « Et il leur interpréta dans toute l’Ecriture, ce qui le concernait«
3. La liturgie eucharistique : « Ayant pris le pain, il prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna«
4. La liturgie de l’envoi : « Ite missa est » (Allez, la messe est dite ou encore Allez, on vous renvoie) et l’assemblée répond : « Deo gratias ! ». Aussi « Ils retournèrent à Jérusalem« . C’est l’urgence de la responsabilité de témoigner du Ressuscité: les deux disciples missionnaires retournent immédiatement à Jérusalem, retrouver la communauté de sœurs et de frères pour le témoignage.
Soit dit en passant, la rencontre avec le Christ dans l’Eucharistie passe souvent inaperçue : pourquoi ? On y va peut-être par habitude; on est absent : emporté dans le tourbillon de ruminations mentales et de soucis de la vie, notre esprit vadrouille et vagabonde en pleine messe. Il arrive aussi qu’on ne soit pas en condition de prier : inconfort, homélie tarabiscotée, liturgie soporifique … La question est de savoir comment, en ce qui me concerne, malgré ces parasites en tout genre, puis-je y reconnaître le Ressuscité et vibrer en sa présence ?
A la mort de Jésus, le groupe des disciples est disloqué. Beaucoup dépriment, ils ne comprennent pas ce qui s’est passé. Les deux marcheurs sont émotionnellement sidérés, enfermés dans l’amertume d’un rêve brisé par le scandale de la croix de leur maître et ami. Ils sont déçus comme beaucoup de nos contemporains qui font défection de leur foi quand celle-ci ne fait plus sens dans leur vie quotidienne, quand la lassitude, la peur, le traumatisme de la souffrance et de la mort les déroutent… Le nom de l’autre disciple, le compagnon de Cléophas, n’est pas mentionné : ne serait-ce pas toi ? Le chemin d’Emmaüs peut être le tien. Il est tapissé ici et là d’angoisses, de questionnements, de désert intérieur … Comme les deux disciples, qui prient Jésus de rester avec eux parce que le jour baisse, n’es-tu pas toi aussi parfois gagné par le sentiment de relâchement, de morosité et de mélancolie spirituelle (acédie) ? A ce moment, le moteur-turbo de ta vie psycho-spirituelle n’a plus de pression (= dé-pression spirituelle)… Et c’est là que Jésus-Christ te rejoint. Il prend le temps de cheminer à tes côtés, pour venir au secours de ta foi, t’aider à trouver du sens aux événements de ta vie. Il progresse avec toi mais à ton rythme, sans forcer tes pas ni changer ton chemin. Il te propose seulement de décoder les signes de sa présence dans ta vie et autour de toi…
Et pourquoi disparaît-il aussitôt après le partage du pain ? C’est pour nous signifier que sa présence charnelle n’est plus nécessaire. Comme l’écrit Antoine de Saint Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux« . Jésus est présent dans un petit coin de notre cœur, dans la danse du cosmos, dans le silence des espaces infinis, dans divers gestes de partage … Bref, tout signe et atteste sa présence quand on s’émerveille avec les yeux de la foi. En s’éclipsant, il veut également raviver la fonction prophétique de notre baptême : être des témoins résolus de l’Evangile. Je suis témoin quand ma manière d’être interpelle, quand je donne envie de connaître le Ressuscité et de l’aimer; quand je rends « Dieu désirable » (titre du livre d’André Fossion).
Le but de cette cohérence entre ma foi et ma vie quotidienne n’est pas de convaincre, mais de rendre le visage du Christ tellement séduisant, captivant qu’il attire.
Vital Nlandu, votre curé- doyen