S’il est bien un texte évangélique qui s’offre admirablement à une approche de lectio divina, c’est bien celui de la guérison de Bartimée. On comprend aussi qu’il tienne une place de choix dans la catéchèse : portrait croqué sur le vif par l’évangéliste, ce récit se prête magnifiquement au mime que peuvent en faire les enfants.
Bartimée est une icône merveilleuse de la prière de supplication dans toutes ses composantes. Suivons les versets tels que nous les trouvons chez l’évangéliste Marc (10, 46-52)… Chaque mot de ces versets, au-delà de la lettre, ouvre à des profondeurs insoupçonnées… Assurément, c’est tout un parcours de retraite qui pourrait se vivre à partir de ce superbe passage des évangiles.
Tout en abordant ce qui touche plus directement aux composantes de la prière de supplication telles que nous les avons vues jusqu’à présent, et dont Bartimée apparaît vraiment comme l’illustration, nous ouvrirons cependant aussi d’autres pistes offertes par le texte. Notre lecture s’appuiera plus particulièrement sur les commentaires de Noël Quesson (Parole de Dieu pour chaque dimanche, éd. Droguet et Ardant) et de Jacques Hervieux (L’Evangile de Marc, Bayard/Centurion, Paris, 1991, pp. 155-16) en les reprenant parfois littéralement.
Ils arrivent à Jéricho. Et comme il sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule considérable, le fils de Timée (Bartimée), un mendiant aveugle, était assis au bord du chemin…
Ils arrivent à Jéricho… La mention de Jéricho ne nous renvoie-t-elle pas d’emblée à tout un symbole : le symbole de ces abîmes dans lesquels l’humanité peut se trouver à tant d’égards et qui sont le terrain à partir duquel peut se lever la prière de supplication? Jéricho est en effet la ville du monde au plus bas au-dessous du niveau de la mer (250 mètres)… Des profondeursje crie vers toi, Seigneur (Ps. 130,1)… J’ai invoqué ton Nom, Seigneur, de la fosse profonde (Lm 3,55)…
Jéricho est aussi la plus ancienne ville du monde, selon les archéologues: déjà habitée en 7800 avant Jésus-Christ, avec des restes de fortifications de 7000 avant Jésus-Christ! Abraham est plus proche de nous qu’il ne l’était de cette première ville déjà très ancienne de son temps… Ne sommes-nous pas ici renvoyés à la supplication immémoriale de l’humanité?… Tous ils espèrent de toi que tu leur donnes en son temps leur manger (Ps. 104,27)…Mais encore Jéricho, du point de vue biblique, est le symbole de « l’entrée en Terre promise », juste après avoir franchi le Jourdain…. C’était, pour les pèlerins montant à Jérusalem pour la Pâque, la dernière étape, à 35 km de la capitale, pour les caravanes de Galilée empruntant la route du Jourdain… N’oublions pas que, pour Jésus aussi, c’est « le chemin » qui mène à Jérusalem. Au lendemain de la guérison de Bartimée, Jésus entrera dans la ville où il vivra sa Passion qui le conduira à la résurrection… Jéricho est donc la ville du passage, la ville où l’on regarde plus loin… Bien plutôt que de se réduire à n’être que l’abîme refermé sur sa ténèbre, Jéricho est l’abîme s’ouvrant sur la lumière promise et attendue dans la foi… Jéricho : ville emblématique de la supplication confiante !… Passerais-je un ravin de ténèbres, je ne crains aucun mal(Ps. 23,4)… Comme s’il voyait l’Invisible, il tint ferme (He 11,27).