La Miséricorde du Père comme fondement chrétien, chemin du pardon des hommes et apprivoisement de notre propre mort
Nous sommes créés comme êtres imparfaits et en devenir . Où serait notre liberté, autrement ? Et ce devenir laisse le champ ouvert à la « Création se faisant », avec ses hésitations, ses trébuchements, ses échecs et relèvements, ses avancées (Teilhard de Chardin) .
Jean proclame dans son Prologue : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » et plus loin : « La lumière était dans les ténèbres et les ténèbres n’ont pas pu l’atteindre » .
Le verbe être est celui de la permanence, tandis que le passé composé est la conjugaison de l’évènementiel . Cela veut dire que la Lumière est de tout temps, et même au-delà du temps, et qu’à aucun moment, les ténèbres n’ont pu la détruire .
L’homme aurait-il réduit sa vie à un seul amas de cendres noires et refroidies des milles destructions produites, le « Plus Intime à lui-même que lui-même » l’habite donc toujours au plus profond, fût-ce à la manière d’une seule braise rougeoyant faiblement, d’où peut cependant renaître le feu de l’amour .
Ainsi, le pire des criminels, celui qui offense l’Amour de Dieu comme personne, reste dans sa nature de créature un fils bien aimé du Père, au même titre que la victime, chacun de nous et le plus grand des saints .
Survient alors un paradoxe apparent . Celui, face à notre liberté première, d’une Autorité spirituelle, ultime, dont personne ne vient à bout, contre laquelle nulle réserve n’a de sens : l’Autorité faite de l’Amour-même du Père pour sa Création et, en particulier, chacun de ses enfants bien-aimés . Un Amour infini, sans autre condition que d’y consentir, sans contrepartie ni contrainte . Et laissant, par nature, définition et nécessité, son sujet totalement libre . Un amour immanent, insondable et parfait . Fondement, essence et clef de voûte de toute chose . Ici réside la loi divine de l’Amour, face à quoi notre dignité d’homme et de croyant aura à se poser, avec droiture, humilité et justesse .
Corollaire de l’Amour parfait : la Miséricorde infinie, celle qui pardonne au delà du renoncement du jeune homme riche, de la trahison de Judas, du reniement de Pierre, du procès inique du Sanhédrin, de la lâcheté de Pilate et des tortures de l’occupant . En miroir, la restauration de sa dignité demande au pécheur trois attitudes : la contrition (la conscience de sa faute), le repentir (l’abandon de son arrogance et le rejet de la récidive) et s’il est possible, une tentative de réparation .
Dans une compréhension actuelle que nous pourrions avoir du passage de la vie à la Vie par-delà la mort, le purgatoire est le temps de la rencontre, face à face et dans la vérité, de l’homme avec son Créateur . Lequel lui offre une voie de Paix et d’Amour . Même, et surtout peut-être, à l’être le plus abîmé par le péché, le plus désespéré ou le plus perdu .
Nul ne sait ce que, dans la totale liberté où le laisse Dieu, il choisira d’en faire . Mais il faut une âme d’une noirceur extrême, ou d’un orgueil immense, pour rejeter au loin cette réconciliation avec soi et avec l’Autre . C’est probablement et malheureusement possible . Cette âme-là ira dans la Géhenne .
Celle qui acceptera, par contre, verra sa vie passée au van du Seigneur, qui laissera ce qui était péché comme son de blé au vent de sa Miséricorde, et gardera comme farine pour le pain de la Vie éternelle tout ce qui fut amour .
Ainsi relevé et restauré, l’homme est alors accueilli dans la Maison du Père, pour avant tout recevoir encore, et accepter enfin totalement, l’Amour Parfait . Y être ensuite, dans un dernier et éternel chemin de Vie, progressivement établi dans la plénitude accomplie et la beauté parfaite de son être, parmi la Communion des Saints .
Se peut-il seulement que celui qui nous a quitté puisse alors ne pas partager cet Amour parfait, déjà avec ceux qui l’ont précédé et qu’il retrouve dans la Maison du Père, mais aussi avec ceux qu’il aime et a laissés ici-bas, dans la poursuite de leur vie ?
Ainsi, celui qui s’en va trouve et partage la Paix et la Joie parfaites de son Seigneur . Et nous, qui restons, retournons à nos vie, dans la paix et la joie fragiles de l’homme . Notre tour viendra, plus tard . Nous ne sommes pas pressés . La vie est belle, toujours .
Comment pourrions-nous ne pas être inspirés, rassurés et apaisés par cette compréhension ?
Dr Philippe NOEL, 2016