Homélie du 5ème dimanche de Pâques A : Ac 6, 1-7; 1Pi 2, 4-9, Jn 14, 1-12
« Je suis le chemin, la vérité et la vie »
Mes sœurs et mes frères, le contexte de l’Evangile d’aujourd’hui est tragique : il y a un vent de panique qui souffle dans les cœurs et les pensées des disciples de Jésus. Judas s’est désolidarisé du groupe et Jésus annonce son départ (mort). Mais il ira vite les apaiser et les rassurer : »Que votre cœur ne se trouble pas ! » Voici le sens qu’il donne à son départ : ce n’est pas une rupture radicale, mais une entrée dans une « autre vie ». Après cette séparation transitoire, tous s’y retrouveront pour ne plus jamais se quitter. Jésus demande seulement à ses amis de lui faire confiance. Oui, tout peut s’écrouler, sauf mon credo, trésor inaltérable ! En effet, le temps pascal est un kairos, une opportunité d’approfondir notre connaissance du mystère du Ressuscité… Jésus, « nosce te ipsum » (connais-toi toi-même), que dis-tu de toi; quelle est, en vraie grandeur, ton identité ? Il nous répond dans l’Evangile de saint Jean : « Je suis le pain de la vie, la lumière, la résurrection, le bon pasteur, la porte, le serviteur, le Fils, le Maître, le cep …«
Et aujourd’hui il dira:
*Je suis le chemin : Où cours-tu donc ?… Aux yeux de Jésus, ta vie n’est pas absurde, son terminus n’est pas le trou noir de la tombe. Tu as un horizon à rejoindre ; une espérance, ton avenir étant en Dieu. Cependant, ce chemin qui mène à Dieu doit absolument passer par la passion « pour l’homme », la mort de soi pour arriver à la gloire. Dans l’Evangile, avant de dévoiler son identité de chemin, Thomas le pragmatique, fait cette réplique : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le chemin? » C’est depuis la nuit des temps que l’humanité se pose cette question : quid après la mort ? Pour Marx, Nietzsche et Freud, l’au-delà est une invention de l’homme. Mais moi, je fais confiance en la Parole de Jésus qui me promet de me préparer une place unique, ma place dans son pré carré.
*Je suis la vérité : malgré mes illusions, mes tâtonnements, mes recherches approximatives de sens voire mes erreurs, mes feintes et mes refus d’aimer en vérité, j’ai toujours la possibilité, en étant en adéquation avec l’Evangile, d’être vrai.
*Je suis la vie : celle qui jaillit de la communion avec l’amour trinitaire. Pressé par l’Esprit Saint, je suis constamment appelé à entrer dans le circuit d’où coule et roucoule la sève de l’Arbre de la vie, la vie en Dieu, au demeurant éternelle.
A son tour, Philippe demandera à Jésus de leur montrer physiquement ce Père dont il parlait tant. Cher Philippe, ose voir Dieu et tu seras complètement non-voyant ! Dieu, c’est comme le soleil que l’on ne saurait voir face à face sans être ébloui et tombé à la renverse (Ex 33, 18-23). Il ne se laisse manifester que par son Christ, mais aussi à travers mille et un signes : ses œuvres (sa création), celles de ses enfants, ces femmes et ces hommes qui sont des pierres vivantes constitutives du Corps mystique du Christ qui est son Eglise (2ème lecture). Par le baptême, ils sont le peuple sacerdotal greffé au seul Prêtre Jésus-Christ qui les missionne, chacun selon son ministère, au service de la prière, de la Parole et à la prise en charge des petits et des naufragés de la vie (1ère lecture).
La Parole de Dieu nous interpelle à plus d’un sens
*C’est autour du chemin cité par Jésus que Thomas voudrait en savoir plus, mais la réponse de Jésus est surprenante : au chemin, il associe la notion de la vérité et celle de la vie. C’est pour nous faire comprendre que ces 3 concepts s’imbriquent tout naturellement. La vérité chrétienne n’est pas un bloc stéréotypé et monolithique. Comme chemin à explorer, personne ne peut s’arroger le droit de l’enfermer dans ses poncifs. Elle est consensuelle. Et puis, une vérité qui n’enfante pas « la vie » est-elle encore évangélique? D’autre part, notre foi, est-ce un acquis ou un chemin encore et toujours à parcourir ? Malin qui dira : « Bingo, je suis déjà arrivé !«
*« Je suis dans le Père et le Père est en moi » : peux-tu, en plein état de conscience, en fermant les yeux, t’approprier cette parole, la reprendre à ton compte ? On n’en est capable que si on vit une expérience de relation profonde, intime (« la foi nue »), et même ontologique avec Dieu; à l’instar de la liaison de la source avec la rivière, c’est la même eau ! N’est-ce pas là ta vocation baptismale : te configurer au Dieu trinitaire jusqu’à devenir autant que faire se peut, le reflet de sa Miséricorde.
Bonne fête à toutes celles qui font vibrer leur cœur affectueux de maman.
Vital Nlandu, doyen de l’Ardenne