Homélie de la Pentecôte, Année A
Lectures : Ac 2, 1-11; 1 Co 12, 3-13; Jn 20, 19-23
Mes sœurs et mes frères, il y a 2000 ans, les apôtres étaient bousculés par l’avènement de l’Esprit Saint, qui signa pour ainsi dire le commencement de la mission de l’Eglise dans le monde. Alléluia – Amen ! Jésus est vivant, il est ressuscité ! L’Esprit Saint serait-ce un Dieu inconnu (Ac 19, 1-8) ? En tout cas, pour certains, c’est l’apanage d’une élite, le bien exclusif des illuminés ou encore un concept théologique accessoire … Dans sa lettre apostolique « Tertio millennio adveniente », le pape Jean-Paul II souligne qu’il convient, dans l’Eglise, de s’appliquer à « la redécouverte de la présence et de l’action de l’Esprit Saint » (n°45). La Pentecôte est, comme la tortue marine qui remonte à la surface des eaux pour respirer, l’occasion favorable d’inspirer profondément le Souffle divin qui oxygène et fait vivre spirituellement; l’occasion d’invoquer son effusion sur soi-même, sur sa famille, son Unité pastorale, sur l’Eglise et le monde entier.
En effet, il n’y a pas de vie chrétienne sans relation personnelle et intime avec l’Esprit Saint, « la boussole intérieure » (pape François) qui nous guide. Il nous entraîne dans l’aventure de la foi en Dieu et en l’homme; il nous engage dans l’amour et le service du prochain en nous éveillant à la bienveillance (2ème lecture). A l’intérieur de chacun de nous, il travaille invisible mais fort. Reclus et confinés derrière les portes verrouillées de nos suffisances et certitudes, de nos peurs et désespoirs, de nos routines et lassitudes, il nous donne la force de rebondir autrement, le punch de dé-confiner en créativité, la détermination de ne plus bosser le nez dans le guidon, mais de fixer notre regard vers l’horizon pour être présents au monde qui naît. L’Esprit Saint assure l’unité du Peuple de Dieu au demeurant différent par la diversité légitime de ses origines et cultures, de ses races et langues, de ses talents et dons (1ère et 2ème lectures). Là où il y a des tensions acerbes et des déchirements, il suscite la compréhension et la conciliation … Pour Saint Jean, la preuve patente que nous sommes en communion avec Dieu et qu’il est présent en nous, c’est qu’il nous donne en partage son propre Souffle (1 Jn 4, 13). Et saint Paul de renchérir : « Ne savez-vous pas que votre corps est un temple de l’Esprit Saint, qui est en vous ? » (1 Co 6, 19).
Le décor de la page d’Evangile de ce dimanche est bien agrémenté : un espace clos, les fidèles de Jésus assemblés, le don de l’Esprit Saint et l’envoi en mission. Par rapport à saint Luc qui relègue la Pentecôte 50 jours après la résurrection (1ère lecture), saint Jean ne les dissocie pas. Dans son Evangile, sitôt revenu à la vie, le Ressuscité procède au baptême de l’Esprit Saint en insufflant son Souffle sur les disciples. Ce geste rappelle le récit de la création (Gn 2, 7) et la vision de la vallée remplie d’ossements desséchés qui, grâce au Souffle divin, ont repris vie (Ez 37, 1-14). C’est pour signifier que le vent de la Pentecôte, printemps de l’Eglise, accomplit le mystère pascal : tout recommence et refleurit. Par ailleurs, la mission du pardon, autrement dit de la réconciliation avec soi-même, avec l’autre, avec le cosmos et avec Dieu assignée aux disciples, est inséparable du don de l’Esprit Saint qui les rend capables de la réaliser.
La Parole de Dieu nous interpelle à plus d’un sens
* »Recevez … » (Jn 20, 22) : recevoir est à bien des égards un geste difficile à effectuer dans notre civilisation post-moderne caractérisée entre autres par l’hyper-individualisation, l’autopromotion, l’autonomie et la toute-puissance du sujet, seul maître de son destin. L’on considère que recevoir aplatit et fait dépendre de l’autre. Et pourtant, qu’as-tu que tu n’aies reçu ? (1 Co 4, 7) : ta vie, ton patrimoine génétique, ton éducation, ta culture, … ? L’Esprit Saint est un don que Dieu ne peut refuser à un cœur-éponge, le cœur humble qui lâche prise et se dispose à s’en imprégner. A sujet, Jésus dira : « Si vous, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent » (Lc 11, 13).
*Comment se fait-il que chacun les entende parler dans sa langue maternelle ? » (Ac 2,8)
La langue maternelle, c’est celle que parle, que me parlait ma maman. La langue qui m’a appris à nommer les choses, à comprendre le monde; elle est pour moi un référent de sens. Elle m’a ouvert aux gens qui partagent avec moi le même code de langage. C’est la langue que je parle naturellement. Cela signifie que la Parole de Dieu me rejoint dans mon âme socio-culturelle. L’Esprit Saint promeut ainsi l’inculturation du Message dans le respect de l’unicité de chaque individu et de chaque peuple : « C’est la même eau fraîche et féconde qui tombe sur le champ, afin que fleurisse rouge le coquelicot, rose la rose, bleu le bleuet » (Basile de Césarée, père de l’Eglise).
Alors, chers amis, que L’Esprit Saint continue à faire irruption dans nos vies : qu’il nous consacre par l’Onction, pénètre au tréfonds de notre être ; que son feu consume tout mal et toute force mortifère en nous; qu’il nous rende fidèles à notre foi dans l’espérance du Jour du Seigneur !
Vital Nlandu, doyen de l’Ardenne