Homélie du 5ème dimanche du Carême B :
Lectures : Jr 31, 31-34; Ps 51; He 5, 7-7; Jn 12, 20-33
Mes frères et mes sœurs, nous célébrons aujourd’hui le dernier dimanche de Carême. La liturgie de la Parole nous fait déjà entrer dans le mystère de Pâques. C’est comme un oiseau qui voit poindre l’aurore et qui chante alors qu’il fait encore sombre.
La 1ère lecture évoque expressément la nouvelle alliance entre Dieu et son peuple, gravée cette fois-ci dans les cœurs : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes; je l’inscrirai sur leur cœur« . Nouvelle alliance, nouvelle manière d’être et de faire ! Dieu parle à l’homme par la voie de sa conscience, dans le discernement éclairé. Il est présent dans la cachette intérieure de chacun. Maurice Zundel le dit en ces termes : « Il y a en moi plus que moi « . Eternel assoiffé spirituel, c’est en Dieu que je (re) trouve la source… Et pour moi chrétien, mon alliance avec Lui n’est rendue possible que par le Christ ainsi que l’atteste saint Luc : « Il leur donna de même la coupe, après le repas, en disant : ‘Cette coupe est la nouvelle alliance garantie par mon sang, qui est versé pour vous‘ » (Lc 22, 20).
Dans la page de l’Evangile de ce dimanche, des chercheurs de Dieu, grecs sympathisants, éprouvent un besoin impérieux de voir Jésus, de le connaître. Il ne s’agit pas de la connaissance livresque, intellectualiste, mais de cœur : s’attacher intimement à lui, l’aimer. C’est pareil pour saint Paul, l’ancien pharisien zélé, qui a vécu un exceptionnel bouleversement spirituel. Il témoigne que son seul désir était désormais de connaître le Christ et la puissance de sa résurrection (Phil 3, 10). L’arrivée des grecs représente celle de tous les non-juifs qui ont rejoint Jésus grâce à l’œuvre de la Mission universelle. Jésus en profite alors pour donner le sens profond de la fameuse « heure« . A Cana, il avait dit à sa mère : « Mon heure n’est pas encore là » (Jn 2, 4). Elle est venue enfin … cette heure, celle où il est « glorifié » par sa mort et sa résurrection, qui lui donnent le bonheur du devoir accompli. Avant de remettre son esprit entre les mains du Père, Jésus dit : « Tout s’est accompli ! » (Jn 19, 30). C’est l’heure de sa manifestation, sur la croix, comme Envoyé de Dieu : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15, 39). L’heure qui permet aux hommes de découvrir le véritable amour et de l’offrir en retour aux autres; l’heure de la révélation de sa Pâque comme présage de la moisson, germe de la vie éternelle. Jésus devient « la cause du salut éternel » (2ème lecture)…
Oui, le chemin vers le salut passe absolument par l’abandon à la grâce, la kénose (dépouillement), la « mise en terre » : mourir à soi, à son égoïsme stérile en se dévouant corps et âme pour les autres … A la question de sens « Que dois-je faire de ma vie« , Jésus répondrait : « Il faut s’en détacher pour goûter à l’amour comme un avant-goût d’éternité; il faut comprendre que seule une vie donnée est féconde« . C’est ainsi qu’il convient d’entrevoir sa mort que nous allons célébrer le vendredi saint : une fabuleuse bénédiction, l’extraordinaire fécondité d’une vie toute offerte, qui porte beaucoup de fruit et attire tous les hommes.
Pour faire assimiler son message, Jésus s’inspire comme maintes fois de la nature. Une expérience bien connue : la semence enfouie doit se décomposer, autrement dit mourir avant de retrouver une vie nouvelle. De même que le grain de blé, Jésus sera mis en terre afin de produire du fruit de salut pour les hommes de tous les temps. Sa résurrection est le gage de la nôtre… Mais « le vrai problème » fait remarquer Maurice Zundel, « n’est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais si nous serons vivants avant la mort ».
C’est donc aujourd’hui que le Seigneur nous appelle à la vie, à devenir nous-mêmes du grain utile et rentable. Le conte « Nous ne vendons que les graines » est bien instructif et même inspirant : un jeune homme entre en rêve dans un magasin. Derrière le comptoir se tient un ange. Le jeune homme lui demande : « Que vendez-vous? » L’ange lui répond : « Tout ce que vous désirez ». Alors le jeune homme commence à énumérer : « Si vous vendez tout ce que je désire, alors j’aimerais bien : la fin des guerres dans le monde, la fin des bidonvilles en Amérique latine, l’intégration dans la société de tous les marginaux, du travail pour tous les chômeurs, plus d’amour et de vie communautaire dans l’Eglise…. ». L’ange lui coupe la parole : « Excusez-moi, Monsieur, vous m’avez mal compris. Ici nous ne vendons pas de fruits, nous ne vendons que les graines »…
Et toi ? Sais-tu que tu es promesse de fécondité, graine d’optimisme, de confiance, de bienveillance, de bonne humeur pour ton entourage ?
Quant aux fruits, ne t’en soucie pas trop : ils sont déjà dans le cœur de Dieu !
Vital Nlandu, votre curé-doyen