« Ma vie » dit Jésus, « personne ne me la prend, je la donne volontairement »

Homélie du dimanche B des Rameaux et de la Passion du Seigneur

Lectures : Is 50, 4-1; Ps 21; Ph 2, 6-11; Marc 15, 16-31

Mes sœurs et mes frères, les 5 semaines de Carême que nous venons de vivre ont été un exode intérieur, qui nous introduit, ce dimanche, dans la Semaine Sainte, jusqu’au matin de la Pâques. Nous allons accompagner le Christ qui va instituer le sacrement de sa présence parmi nous et assumer, en suant sang et eau,  sa  mort  par amour pour l’homme. En effet, la mort et la vie luttent en un duel terrible. « Ma vie » dit Jésus, « personne ne me la prend, je la donne volontairement » (Jn 10, 18). Si dans sa souveraine liberté, le Christ accepte la mort, c’est pour manifester, par sa résurrection,  la toute-puissance de l’amour et de la vie. C’est dans l’abaissement,  l’humilité,  dans la pâte d’oubli de soi – que la personne que j’aime grandisse et que moi je diminue – que fermente la puissance de l’amour (2ème lecture).  Quant à la vie, elle est plus têtue que la mort, voilà pourquoi il faut semer, semer et semer encore. Pâques signifie victoire de l’amour,  victoire si et seulement si tu assimiles et crois sans en démordre  que rien, ni l’échec, ni la violence, ni le mépris, ni ton péché, rien ne pourra te séparer de l’Amour de Dieu.

Les Rameaux et la Passion du Seigneur que nous célébrons,  nous ouvrent  un vaste champ de réflexions et d’interrogations sur l’ambivalence de notre vie entremêlée de mystères joyeux et douloureux. Si Jésus, ovationné par des hosanna à l’entrée de Jérusalem,  est vomi sitôt après, c’est dire que la vie est versatile : d’un gai torrent impétueux, elle peut se transformer en long fleuve tranquille, en coulée boueuse ou même en bras asséché !

Il faut se faire une raison : la souffrance n’est pas une tarte dont chacun prendrait volontiers sa part. Elle fait hélas partie intégrante de la vie de l’homme ! 
Etty Hillesum l’a compris quand elle écrit : «La vie et la mort, la souffrance et la joie, tout, tout en moi, je l’accepte comme une totalité indivisible ». Le bon pape Jean XXIII le dit en ces termes : » Notre vie dans le temps ne peut s’arrêter au Thabor : il faut qu’elle passe par le calvaire » Vouloir ainsi  écarter de sa route toute souffrance signifie se soustraire à une part essentielle de l’existence humaine.

On a chacun et chacune ses soucis, y compris les souffrances indicibles, indescriptibles,  celles qui ne pleurent qu’à l’intérieur : solitude, déprime, usure, remords de conscience, charges de culpabilité, frustrations, combats intérieurs,  sentiments d’être inutile …, notre  cœur parfois  trop lourd de secrets, trop lourd de peines. « Les problèmes, quand on ne les a pas, on les attend » dit l’adage populaire. Qui  que tu sois, quoi que tu fasses, c’est inévitable,  la souffrance, la mort te traque et, un jour, te rattrape. La pandémie de la covid-19 nous en a donné la leçon…

Finalement, la mort violente de Jésus est une brèche sur l’espérance, elle a  pour but de nous apprendre  que la vie est comme un arc-en-ciel : il faut de la pluie et du soleil pour en apercevoir  les couleurs. Par sa croix, Jésus est solidaire de notre humanité blessée et blessante.

En cette Semaine Sainte, nous le suivrons  pas à pas sur le chemin de notre salut… Cependant, n’oublions pas qu’aujourd’hui encore, il y en a qui sont confrontés à des situations humainement insoutenables, qui souffrent à l’image du Christ souffrant. La passion du Christ  nous incite à veiller sur les crucifiés d’aujourd’hui : être des Simon de Cyrène qui soulageons ceux qui éprouvent le sentiment de la faiblesse humaine, qui ploient sous les fardeaux;  des Véronique qui consolons et essuyons les larmes de ceux qui sont dans le besoin.  A Caïn, le Seigneur demanda : « Où est ton frère Abel ? »
Réponse : « Je ne sais pas, suis-je, moi, le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9).
Oui, ne te dérobe pas, tu es responsable de la vie de ton semblable !

Vital Nlandu, votre  doyen-curé

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