Homélie du 3ème dimanche B de Pâques :
Lectures : Ac 3, 13s; Ps 4; 1 Jn 2, 1-5a; Lc 24, 35-48
Mes sœurs et mes frères, si dimanche dernier était celui de la foi (incrédulité de Thomas), celui d’aujourd’hui est le dimanche du témoignage. Dans la 1ère lecture, Pierre parle en témoin. Pour lui, c’est à nos frères juifs qu’incombe l’entière responsabilité de la mort de cet homme nu, Jésus accroché à une croix, le visage ravagé par la souffrance. Nous savons que cette question fâcheuse et encombrante a fait couler beaucoup d’encre … et de sang durant des siècles. Il nous souviendra l’expression antijuive « le peuple déicide« , qui a incité à la violence contre les juifs (cf. les croisades, l’inquisition espagnole, la justification de la Shoah) … Et pourtant, Pierre ne culpabilise pas les juifs, puisqu’il dit qu’ils étaient ignorants. Jésus lui-même est allé dans ce sens. Sur la croix, on l’entend supplier : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 24). Il faut ainsi une ligne de crête : on peut condamner les forfaits sans toutefois désavouer et stigmatiser les hommes qui les ont commis. Les disciples qu’il rencontre dans l’Evangile d’aujourd’hui sont ceux-là même qui l’ont abandonné le vendredi saint. S’il leur a pardonnés, c’est pour leur permettre de se relever.
En effet, Pierre et Jean (2ème lecture) écrivent pour que leurs interlocuteurs se convertissent, c’est-à-dire se tournent désormais vers le Ressuscité, qu’ils le connaissent. « Connaître » ici signifie reconnaître l’être aimé. Il s’agit d’une relation intime, d’une véritable communion. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le verset de saint Jean : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17, 3)… Certes, le converti doit éviter le péché, mais saint Jean est bien réaliste lorsqu’il déclare que si, malgré tout, le converti vient à pécher, qu’il n’hésite pas de disposer son cœur à accueillir la tendresse du Père, son pardon par Jésus-Christ, notre ami et notre défenseur.
La page d’Evangile fait suite à l’épisode des disciples d’Emmaüs qui sont retournés à Jérusalem auprès de leurs amis pour témoigner de ce qu’ils ont vécu sur le chemin : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ! » (Lc 24, 34). Evidemment, quand on parle du loup, on voit sa queue ! Parler de Jésus Ressuscité en guise du témoignage, c’est tout un sacrement, il nous rejoint, il devient présent !
« Shalôm« , dit le Ressuscité : la paix soit avec vous ! La paix du cœur est le premier effet de notre foi au Christ Ressuscité. J’en ai tellement besoin dans ma vie, mais aussi ma mission, n’est-elle pas de porter cette paix à ceux dont le cœur est bouleversé, à ceux qui ont perdu le sens de la vie ?… Alors, d’une simple rumeur, les disciples de Jésus restés cloîtrés à Jérusalem vivront l’expérience d’une rencontre en live, tangible (« regardez, touchez, constatez … ») avec le Ressuscité. Et pour les aider à intégrer cette réalité, Jésus va leur expliquer par une méthodologie catéchétique, les Ecritures qui le concernent. Et ce, en ouvrant leur intelligence à la compréhension de la Parole de Dieu. Toute lecture biblique exige de l’intelligence. Il convient ainsi, en ouvrant la Bible, de demander à l’Esprit Saint de nous aider à discerner, dans l’interprétation que nous en faisons, la révélation de la mission à laquelle Dieu nous destine…

Une fois ressuscité, son corps matériel devint glorieux, spirituel, mais ce qui est curieux, c’est que les marques de crucifixion n’ont pas changé. Pourquoi ? Parce qu’elles sont devenues sa carte d’identité, le moyen pour le reconnaître. C’est la preuve qu’il nous aime jusqu’au bout, qu’il nous sauve et nous rejoint dans la vie ordinaire de chaque jour, y compris dans nos lieux de malheurs comme la souffrance et la mort. Le psalmiste écrira : « Beaucoup demandent : qui nous fera voir le bonheur ? Sur nous, Seigneur, que ton visage s’illumine !« …
Et pour nous faire comprendre qu’il est avec nous dans la vie ordinaire, il mange un morceau de poisson grillé devant ses disciples. S’il le fait, c’est pour que nous sachions ainsi qu’il bénit le fruit de notre travail, mais également, comme le souligne le pasteur américain Martin Luther King, que la religion ne doit pas seulement s’occuper du ciel, mais de la terre en plus.
Chers amis, que le Seigneur nous garde d’être indifférents envers ceux qui ont faim et sont mutilés par des situations humainement insoutenables. » A vous d’en être les témoins !« . Telle est la mission qui nous est assignée, celle de rendre Dieu « désirable » entre autres par notre attention aux faibles de nos communautés. Sans cela, notre foi au Christ Ressuscité risque d’être stérile !
Vital Nlandu, votre curé-doyen