Supplier « dans la durée »

Quelle aide assurément lorsque le cœur, les lèvres, les mains, les pieds, le corps tout entier, se mettent en¬semble pour la supplication !… Ne peut-on pas dire que par son corps l’homme inscrit sa prière de supplication dans l’espace pour y faire en quelque sorte descendre Dieu: Ah! si tu déchirais les deux et descendais… (Is. 63,19) ?

Mais tout autant que dans l’espace la prière de supplication s’inscrit dans le temps. La dimension du temps est aussi fondamentale que celle de l’espace. Toutes deux constituent la trame sur laquelle se tisse toute vie humaine dans ce qu’elle comporte à la fois de plus matériel et de plus spirituel…

La prière de supplication est tout naturellement liée au temps, « au temps qui dure », d’une manière qui lui est propre de par le fait qu’elle trouve son origine dans une souffrance qu’on « endure ». L’épreuve est souvent à ce point douloureuse qu’on ne cesse plus de crier vers le ciel: plus un seul instant qui ne soit prière !… On en vient à « durer » dans la prière. Et « durer » dans la prière, qu’est-ce d’autre que la persévérance? Me revient la plainte de ce vieil homme dont le petit fils avait rompu avec la famille : on était sans nouvelles depuis des mois. Et ce pauvre grand-père de me dire, en wallon: « Djé priyé toi’ timps, suis arrêté… A fwèce du priver, djé d’hiré tôt m’lîve de priyîre… » (« J’ai prié tout le temps, sans arrêter… A force de prier, j’ai déchiré tout mon livre de prières… »). Qui n’a un jour rencontré une telle expérience, dans sa propre vie ou chez d’autres?… On n’arrête plus de prier… Parfois cette prière peut s’étendre sur des années, voire des dizaines d’années : ainsi les vingt années que sainte Monique passa à supplier le Seigneur pour la conversion de son fils Augustin. Touché par cette persévérance tellement douloureuse, un évêque d’Afrique eût ce mot sublime -. Il est impossible que le fils de tant de larmes périsse !

Sans surprise nous sommes une fois de plus renvoyés aux psaumes… : Mon Dieu, le jour j’appelle et tu ne réponds pas, la nuit, point de silence pour moi (malgré les mots que je rugis) (22, 2-3)… Pitié pour moi, Seigneur, je suis dans la détresse!… Ma vie se consume en affliction et mes années en soupirs (31, 10-11)… Pour moi, vers Dieu j’appelle… le soir et le matin et à midi je me plains et je frémis (55, 17-18)… Jusques à quand, Seigneur Dieu Sabaot, prendras-tu feu contre la prière de ton peuple? (80, 5J… Tu es mon Dieu, pitié pour moi, Seigneur, c’est toi que j’appelle tout le jour (86, 2)… Les psaumes nous donnent de nombreux témoignages de prière persévérante… C’est dès lors tout naturellement qu’ils nous renvoient à de grandes icônes de la supplication persévérante dans l’Ancien Testament…

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