Et lui, rejetant son manteau, bondit et vint à Jésus (Mc 10, 50)… Bartimée (9)

Remarquons à quel point le corps est ici impliqué : geste  du rejet du manteau, du bondissement et de l’aller vers Jésus !…

Et lui, rejetant son manteau… Dans le langage biblique, le manteau est le symbole de la puissance de l’homme. Le manteau symbolise la personnalité de celui qui le porte… Jonathan conclut un pacte avec David, car il l’aimait comme lui-même : Jonathan se dépouilla du manteau qu’il avait sur lui et il le donna à David, ainsi que sa tenue, jusqu’à son épée, son arc et son ceinturon (1 Sm 18, 3-4)… Le cœur lui battit (à David), d’avoir coupé le pan du manteau de Saül (1 Sm 24, 6)… Venant par derrière dans la foule, elle toucha son manteau (Mc 5, 27)…

Si le manteau renvoie à l’identité profonde de celui qui le porte, on comprend la gravité de l’acte qui amènerait à priver le pauvre  de son manteau : Si tu prends en gage le manteau de quelqu’un, tu le lui rendras au coucher du soleil. C’est sa seule couverture, c’est le manteau dont il enveloppe son corps, dans quoi se couchera-t-il ? S’il crie vers moi je l’écouterai, car je suis compatissant, moi ! (Ex.22,  25-26).

Il est bon de connaître tout cet arrière-fond biblique, pour percevoir tout la profondeur du geste de Bartimée… Rappelons-nous aussi le contexte baptismal du récit : au baptême, on se défait du vêtement ancien pour revêtir le nouveau.

Et lui, rejetant son manteau…  En rejetant  son manteau vers l’arrière, Bartimée rompt avec tout son passé d’exclu, de marginal, de mort-vivant…  Ce changement n’est pas moindre qu’un changement de nom (cf. Mt 16, 18)…

On y voit l’acte de confiance radical de l’aveugle, qui « ne retient rien » pour lui – aucune réserve, aucune garantie – contrairement à l’homme riche dont Jésus n’avait pu obtenir un tel geste (cf. Mc 10 , 17-22)… Nos prières de supplication débouchent-elles sur un tel oubli de soi qu’on en vient à ne plus voir son mal, mais bien à ne plus que « voir » Jésus, à le « voir » sans voir, par le saut dans la foi ?… Et nous voici tout naturellement amenés  aux mots suivants…

Il bondit et vint à Jésus… Pour Bartimée, qui est encore aveugle, ce bond dans la nuit est bien celui de la foi… Il bondit et vient… Venir, venir à Jésus : n’est-ce pas le verbe même pour dire la foi ?… Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle (Jn 6, 68)…

 Henri Bastin

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