Homélie du 6ème dimanche C :
Lectures : Jr 17, 5-8; Ps 1; 1 Co 15, 12. 16-20; Lc 6, 17. 20-26
C’est qui est merveilleux dans l’Evangile de saint Luc : Jésus y esquisse, comme avec de petits cailloux blancs, le profil du disciple en indiquant ce qui fait sa richesse extra-ordinaire, son bonheur intérieur. Partant, il le félicite et l’encourage d’aller de l’avant. C’est pourquoi d’ailleurs la Bible d’André Chouraqui traduit « heureux » par « en marche » ! « Heureuse celle qui a cru … » (Lc 1, 45) : l’aventure de la foi nous donne de tenir la route dans l’amour et l’espérance ! « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez » (Lc 10, 23) : le disciple a la tête dans son cœur, il repère par l’émerveillement et la gratitude, les signes de l’amour infaillible de Dieu pour lui. « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent » (Lc11, 28) : le disciple recherche Dieu en permanence en s’attachant à Lui ! « Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller ! » (Lc 12, 37) : le disciple est fidèle à l’alliance de son baptême ! Dans la page d’Evangile d’aujourd’hui, après une nuit de prière sur la montagne comme Moïse au Sinaï, Jésus descend du sommet et dira – je le paraphrase: « Heureux les pauvres; heureux vous qui avez faim de valeurs du Royaume, qui y aspirez de tout votre cœur ; heureux vous qui risquez d’être méprisés, parce que grâce à l’Esprit Saint, vous regardez, percevez autrement les choses … Vous êtes dans le monde sans être du monde ! «
Mes sœurs et mes frères, n’est-ce pas cynique de la part de Jésus de déclarer heureux les gens frappés par la maladie physique ou psychologique, le deuil, l’échec, le chômage, la solitude, la trahison, le froid, l’angoisse du lendemain ? Tout naturellement, Jésus n’exalte pas la souffrance, il ne sacralise pas la misère humaine. Mais il voit le tragique de l’existence humaine d’un coup d’œil réaliste. Notre vie a inéluctablement son côté revêche : épreuves, moments incertains, incompris, illusions perdues … C’est la raison pour laquelle saint Paul écrit dans la 2ème lecture : « Nous sommes à plaindre si l’horizon de notre espoir dans le Christ ne se limite qu’à cette vie au demeurant passagère ».
Pour Jésus, en effet, le pauvre est incontestablement florissant, riche de sa fécondité spirituelle : il a une prédisposition naturelle à tourner les yeux vers le Ciel d’où vient son secours (1 Ma 16, 3 ; Ps 26, 9) ; il espère contre toute espérance.
Chers amis, j’ai été récemment en Afrique : j’adhère entièrement à ce que dit Jésus. Comme aux temps de la guerre ici ou de l’extrême pauvreté, là-bas, les gens n’ont rien. Et comment vivent-ils ? De la débrouillardise et, à la clé, ils croient sans en démordre à la providence divine… Revenant à l’Evangile, Jésus sous-entend que la tentation qui guette le riche, c’est de se suffire à lui-même, ne compter que sur ses propres ressources, construire sa vie autour de sa richesse matérielle, être saturé de biens de ce monde en se passant de Dieu.
Justement, dans la 1ère lecture, le prophète Jérémie dénonce l’illusion de penser que l’homme peut se suffire à lui-même. Bien-sûr qu’il faut croire en l’homme, en l’occurrence, en soi-même. Je le dis souvent aux jeunes : la confiance en soi est un levier de survie avéré. Oui, chacun est appelé à créer sa propre légende, à dessiner les contours de sa destinée, mais pour celui qui croit, parce qu’il est guidé par l’Esprit-Saint, il misera sur Dieu en s’abandonnant à sa grâce sanctifiante. Jérémie qui a vu cinq rois se succéder et s’agiter devant l’imminente chute de Jérusalem, rappelle que ne faire confiance qu’aux seuls alliés et aux seules sécurités matérielles, est tellement fragile ! Mieux vaut compter sur le Seigneur ! Qui le fait, renchérit le psalmiste, est comme un arbre planté près d’un ruisseau. Vienne l’épreuve, telle la chaleur, la sécheresse, cet arbre porte du fruit, car ses racines sont sustentées en permanence par le courant !
Je le sais : la foi est un appui bien plus stable que toute autre ressource humaine. Le prophète Isaïe nous le dit sans détour : « Si vous n’avez pas de foi, vous ne maintiendrez pas » (chap. 7, 9b)… Dieu est fidèle en sa Parole, moi je lui fais confiance !
Vital Nlandu, votre curé-doyen