Entrée en alliance ! 

Homélie du 1er dimanche de carême B : Entrée en alliance !                    

 Lectures : Gn 9, 8-15 ; Ps 24 ; 1 P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15

Mes frères et mes sœurs, je vous parlerai aujourd’hui de notre alliance avec Dieu et du désert où nous convie  l’Eglise en ce temps de Carême.

En effet, l’histoire de la relation entre Dieu et l’Humanité est émaillée d’alliances interrompues à plusieurs reprises par l’homme. Mais Dieu, le 1er Amour, ne s’est jamais lassé, il revient toujours à la charge. La première lecture de ce week-end évoque l’alliance initiale de l’histoire du salut. C’est une l’alliance cosmique, celle de Dieu avec toute la Toile du vivant, toute la création, et pas seulement les hommes ! En voici le contexte : selon le récit mythique de la Genèse, les hommes sont de plus en plus dévoyés, leur méchanceté empire (Gn 6, 5. 11-13). Dieu se décide alors de les supprimer de la terre par la tragédie du déluge, à l’exception de Noé, le juste – celui qui s’ajuste à la volonté de Dieu -, et tous les rescapés du déluge…

Une alliance est une relation, un accord, un pacte, un contrat, une communion. Et pour l’établir, il faut qu’il y ait entre autres :

*Les contractants (alliés) : dans un contrat matrimonial par exemple,  c’est l’homme et la femme. Ici c’est Dieu et les hommes à qui est confiée la responsabilité de toute la création, non pas pour en être les prédateurs ou les exterminateurs, mais les gardiens !  Hélas, aujourd’hui le désastre écologique déforce à bien des égards ladite alliance. Il y a lieu de s’indigner de l’actuelle destruction sauvage de la nature. Et pourtant, les scientifiques ont depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme : la planète est en péril ! Il est urgent de sauver ce que le pape François appelle « notre maison commune« . Il propose pour ce faire, une approche inclusive de la question : tenir compte non seulement de la perturbation du climat causée par la pollution au CO2, du tarissement des ressources naturelles, du débordement des déchets, mais aussi du scandale patent du fossé qui est en train de se creuser entre les riches et les pauvres. « La Terre est un héritage commun, dont les fruits doivent bénéficier à tous  » (Laudato si’, n° 93). Il est en effet indécent et même choquant de voir par exemple comment les riches gaspillent et parfois même de manière organisée (cf. les invendus de nos grandes surfaces …), alors que sur la même planète, il y a des êtres humains exploités d’ailleurs par ces mêmes riches, qui meurent par manque d’eau et de nourriture…

* Un médiateur : dans le mariage sacramentel, c’est le prêtre ou le diacre.  Ici c’est Noé.

*Une clause de l’alliance : en l’espèce, c’est le salut – si l’homme se détourne du mal, il n’y aura pas de destruction de la création.

*Un symbole de l’alliance : pour un mariage, c’est une bague au doigt amoureux, l’annulaire. Le symbole de l’alliance entre Dieu et la création, c’est l’arc-en-ciel qui relie ciel et terre… Les amis, notre vie n’est-elle pas, elle aussi, comme un arc-en-ciel dont la perception des couleurs ne dépend que de la cohabitation paradoxale de la pluie, d’un ciel d’orage et du soleil ?… Veux-tu admirer l’arc-en-ciel ? Supporte alors l’orage et attends le soleil…   

Quant au récit de l’Evangile de Marc, à l’aube de sa vie publique, Jésus s’ouvre à l’Esprit qui le pousse au désert. Le désert oblige à s’alléger et il conduit au silence intérieur, à la solitude spirituelle, à la rencontre intérieure, au tri entre l’accessoire et l’essentiel. Ainsi que l’insinue le prophète Osée, le désert c’est la chambre nuptiale de Dieu avec son peuple, qui fait office d’épouse (Os 2, 16), le lieu d’écoute de voix intérieures !… Et là, au désert, Jésus vit avec les bêtes sauvages, il est servi par les anges. Il restaure pour ainsi dire l’ancienne alliance de Noé, le rêve ou plutôt l’espérance de la nouvelle création, apaisée et réconciliée dans l’intimité de Dieu (cf. Is 11, 1-9).

Au désert, Jésus résiste à la séduction du mal, déjoue les pièges de Satan. Il y livre un combat spirituel, tout naturellement qui le rend spirituellement aguerri : « Un arbre n’est solide et robuste » écrit judicieusement Sénèque, « que s’il doit résister fréquemment aux bourrasques : les secousses resserrent ses fibres et fixent plus profondément ses racines« … Nous aussi nous livrons le nôtre et en sommes vainqueurs chaque fois que l’amour triomphe de la haine, la bienveillance de l’indifférence, le pardon de la rancune, l’honnêteté de la fourberie, la foi du doute.

En ce qui me concerne, la tentation que je redoute le plus est liée à mon baptême. Quand dans la prière du Notre Père j’ose dire : « Et ne nous laisse pas entrer en tentation« , je pense en premier lieu au délicat risque de perdre ma foi, parce que je serais déçu d’un Dieu fantasmé, qui ne correspond pas à la représentation que je m’en fais ! …

Alors requinqué par le Souffle du désert, Jésus nous transmet cette  Heureuse Nouvelle : c’est maintenant le temps de Dieu, le temps d’accueillir dans la foi et l’espérance, sa présence dans notre vie. C’est maintenant l’occasion favorable de redorer le blason de notre alliance baptismale (2ème lecture) en changeant de regard vis-à-vis de nous-mêmes, de l’autre, de la nature et de Dieu … Et je souligne  que pour le pape François, une des clés de consolidation et de réussite de toute alliance, fût-elle avec Dieu, entre conjoints, entre amis, entre parents et enfants, c’est savoir dire Merci, Pardon, S’il te plaît !

                                                                               Vital Nlandu, votre curé doyen

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