Tu es promesse de fécondité !

Homélie du 5ème dimanche du Carême B : Tu es promesse de fécondité ! Lectures : Jr 31, 31-34 ; Ps 51 ; He 5, 7-7 ; Jn 12, 20-33

Mes frères et mes sœurs, nous célébrons aujourd’hui le dernier dimanche de Carême.

La liturgie de la Parole nous fait déjà entrer dans le mystère de Pâques. C’est comme un oiseau qui se met à chanter en voyant poindre l’aurore alors qu’il fait encore sombre. 

Dans la page de l’Evangile de ce dimanche, c’est la fête de la Pâque juive : on « monte » à Jérusalem pour remercier Dieu d’avoir libéré son peuple et de l’avoir conduit en Terre promise. De nombreux touristes y sont présents, entre autres des grecs chercheurs de Dieu qui éprouvent le besoin impérieux de voir Jésus. Quelle est la vraie motivation de leur démarche : serait-ce par simple curiosité, par plaisir de rencontrer une personnalité célèbre, par goût du sensationnel, par désir de devenir disciples ? Serait-ce pour le connaître afin de l’aimer, de s’attacher à lui ? Toujours est-il que leur présence auprès de Jésus préfigure celle des non-juifs de tous les temps, qui pourront choisir de le rejoindre grâce à l’œuvre de la Mission universelle. Jésus-Christ n’est pas seulement Sauveur des juifs, mais du monde entier.

Aussi va-t-il profiter de cette occasion pour donner le sens profond de l’expression évangélique  » Mon heure« . A Cana, il avait dit à sa mère : « Mon heure n’est pas encore venue  » (Jn 2, 4). Elle est venue enfin … l’heure de sa glorification dans sa mort et sa résurrection qui lui donnent le bonheur du devoir accompli. En effet, avant de remettre son esprit entre les mains du Père, Jésus dit : « Tout est accompli !  » (Jn 19, 30). Son élévation en croix est donc le pivot de sa manifestation comme Envoyé de Dieu : « Vraiment  » s’exclama le capitaine romain, un étranger, « cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15, 39). C’est donc l’heure qui permet aux hommes de connaître et de reconnaître le grand amour dont ils sont aimés (Jn 15, 13) ; l’heure de la révélation de la Pâque de Jésus-Christ comme germe et ferment de la vie éternelle. Jésus devient ainsi « la cause du salut éternel » (2ème lecture) …

Et pour nous faire comprendre que sa mort est nécessaire, que c’est une fabuleuse bénédiction, il se sert d’une illustration toute simple tirée de la vie agricole, de la nature. « La nature est un professeur universel et sûr pour celui qui l’observe » (Carlo Goldoni). C’est cette expérience bien connue : toute semence jetée en terre doit se décomposer, mourir avant de retrouver une vie nouvelle (1 Co 15, 36). De même que le grain de blé, Jésus sera mis en terre afin de produire du fruit de salut pour tous les humains. Sa résurrection est le gage de la nôtre… Cependant,  « le vrai problème » fait remarquer Maurice Zundel, « n’est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais si nous sommes vivants avant la mort ».                                                                                                                                                                                                                    

Aussi Jésus nous recommande, nous qui sommes ses disciples, de mourir à nous-mêmes, à notre mode de vie centrée sur notre petite personne et notre confort, bref à notre égoïsme stérile. Notre « mise en terre » consentie, c’est-à-dire notre kénose (dépouillement), notre humilité – et même parfois l’humiliation que nous subissons -, notre vie toute offerte, notre dévouement pour Dieu, pour les humains, pour la sauvegarde de la nature, est une promesse de belles moissons. A la question de sens « Que dois-je faire de ma vie« , Jésus répondrait : « Il faut s’en détacher pour goûter à l’amour comme un avant-goût d’éternité ; il faut comprendre que seule une vie donnée est féconde« .

C’est donc aujourd’hui que le Seigneur t’appelle à devenir un grain utile et rentable. Le conte « Nous ne vendons que les graines«  est bien instructif et même inspirant : un jeune homme est en train de dormir, et dans son rêve, le voilà qui entre dans un magasin. Derrière le comptoir se tient un ange. Le jeune homme lui demande : « Que vendez-vous ? » L’ange lui répond : « Tout ce que vous désirez ». Alors le jeune homme commence à énumérer : « Si vous vendez tout ce que je désire, alors j’aimerais bien : la fin des guerres dans le monde, la fin des bidonvilles en Amérique latine, l’intégration dans la société de tous les marginaux, du travail pour tous les chômeurs, plus d’amour et de vie communautaire dans l’Eglise … ».

L’ange lui coupe la parole : « Excusez-moi, Monsieur, vous m’avez mal compris. Ici nous ne vendons pas des fruits, nous ne vendons que les graines » …

Et toi, sais-tu que ta vocation originelle est d’assurer le renouvellement de la vie des autres ? Tu es graine d’espérance, de service, de bienveillance, de bonne humeur pour ton entourage.  Alors, pour déployer avec largesse tes potentialités, aménage dans ta vie, les conditions propices à de belles germinations ! … Quant aux fruits, ne t’en soucie pas trop : ils sont déjà dans le cœur de Dieu !

                                                                                 Vital Nlandu, votre curé-doyen

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Fixons Jésus du regard, croyons-en lui !

Homélie du 4ème dimanche de carême B : Lectures : 2 Ch 36, 14.19-23 ; Ps 136 ; Ep 2, 4-10 ; Jn3, 14-21

Chers amis, alors que le printemps s’installe avec audace, que la nature va de nouveau scintiller et s’habiller de fleurs, nous chrétiens, nous poursuivons notre route vers Pâques.

Le vrai voyage n’est pas de chercher nécessairement de nouveaux paysages, mais d’acquérir un nouveau regard même sur des sites familiers. Aussi, nous n’avons jamais fini d’explorer et d’approfondir la richesse inépuisable de la Parole de Dieu… Je vous parlerai ce dimanche  du retour vers le Seigneur, thème central du carême; de la croix et de la lumière de Jésus-Christ.

En effet, la 1ère lecture raconte la terrible épreuve de l’exil à Babylone qui a marqué à jamais le peuple d’Israël. Ce fut tout un chemin spirituel : bien que le peuple se soit détourné de Dieu, qu’il y ait eu rupture de l’alliance avec ses conséquences humiliantes (privation de terre, destruction du Temple emblématique, déportation des élites, esclavage …), Dieu n’a pas abandonné son peuple. En terre étrangère, les hébreux ont déprimé : ils avaient le mal du pays. En témoigne le psaume 136 : « Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis, n’ayant plus que nos yeux pour pleurer… Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite se dessèche ; que ma langue s’attache à mon palais ! » Toutefois,  la fidélité de Dieu pour son peuple est restée intacte ; comme toujours, sa miséricorde l’a emporté.  Loin du Seigneur, nous sommes en exil, privés de la vraie liberté. Le retour de l’exil des hébreux symbolise ainsi nos incessants retours vers Dieu, nos élans de conversion. C’était l’oracle du Seigneur dès l’aube de ce carême : « Maintenant, rebroussez chemin, revenez à moi de tout votre cœur » (Jl2, 12). 

Mes sœurs et mes frères, la page d’Evangile de ce dimanche achève l’entretien de Jésus avec Nicodème. C’est une invitation à oser « lever les yeux » pour contempler la croix, le symbole de l’incommensurable amour de Dieu pour l’homme.  L’évangéliste saint Jean écrit : « Dieu a tant aimé le monde« . Ce verset est la clé herméneutique, le fondement d’interprétation de toute l’Ecriture. Il t’aime tellement qu’il porte sur toi un regard inconditionnellement bienveillant. Et s’il t’aime – dois-je encore te le dire ? -, ce n’est pas pour tes mérites, mais c’est par amour gratuit et infini pour toi, par sa grâce (2ème lecture). L’agapé, l’amour de Dieu pour toi est hors de prix, il ne se monnaie pas au travers de bonnes œuvres.  Il est désintéressé, pur, absolu, gratuit…  Se marquer du signe de la croix au réveil, au coucher, en voiture, à la prière, c’est déclarer, professer sa confiance en cet amour ! Signer ses enfants, ses petits-enfants, c’est les bénir, leur souhaiter du bien, les confier aux soins de l’amour divin. 

Voici donc le merveilleux dessein de Dieu, son projet d’amour pour l’homme : de même que dans le désert (Nb 21, 4-9), Moïse a fixé sur un poteau le serpent de bronze,  pour qu’en le regardant  toute personne victime de morsures de scorpions et de serpents venimeux trouve la vie sauve – l’image mythologique du serpent guérisseur est encore aujourd’hui l’emblème des médecins -,  de  la même manière,  quiconque regardera avec foi le Christ élevé sur l’arbre de la croix sera sauvé, guéri du péché qui défigure l’humanité. Et à la clé, il aura comme gratification une vie ouverte sur l’éternité. 

Dieu a voulu pour ainsi dire, que le Christ crucifié soit un bourreau des cœurs, qui  courtise le monde entier (Jn 12, 23. 32). Qu’il soit le point de mire, afin que quiconque croise et pénètre son regard d’amour parvienne à cette la révélation intérieure : Jésus-Christ est ma lumière!  Connaissant alors Celui qui est la lumière venue dans le monde pour nous éclairer, nous montrer le chemin, nous donner vie, chaleur, moral, nous avons le choix entre les ténèbres (égoïsme, haine, mensonge, pessimisme) et la lumière … Le jugement n’est pas, selon saint Jean, un acte de Dieu, car sa grâce bienveillante nous a déjà libérés ; c’est l’homme lui-même qui se condamne en s’obstinant à préférer l’obscurité à la lumière. 

Chers amis, nous bénissons Dieu et nous le remercions pour Jésus-Christ, notre lumière. Cependant, à quoi sert-elle si nous laissons les volets de notre cœur hermétiquement fermés ? Vous comprenez qu’à bien des égards, tout dépend de nous. Puisque par la grâce du baptême, nous avons accueilli le Christ comme lumière dans nos vies, il est grand temps de la diffuser autour de nous par notre sourire par exemple. Un visage souriant est radieux, son éclat remet de la couleur dans la grisaille et  motive l’espérance.

                                                                         Vital Nlandu, votre curé-doyen

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La folie de la Croix

Homélie du 3ème dimanche de Carême : La folie de la Croix !                                                                                                                                                                 

                       Lectures : Ex 20, 1-17; Ps 18 B , 1 Co 1, 22-25; Jn 2, 13-25

Mes sœurs et mes frères,  dans ce récit de la purification du temple (Evangile), Jésus dénonce la confusion entre religion et commerce. Il ne veut pas que l’on fasse de la maison de son Père une galerie marchande. En effet, le Temple de Jérusalem est le sanctuaire emblématique de la religion juive. C’est la demeure de Dieu parmi son peuple, le Très Haut réside dans la pièce sacrée du Temple, le débir (en hébreu), le saint des saints où est le coffre de l’Arche d’alliance (les Tables de la Loi-les 10 commandements). Seul le grand prêtre d’Israël y avait accès une seule fois  par an, à l’occasion de la fête de Yom Kippour (Jour du grand pardon). Les gens vont donc au Temple pour rencontrer Dieu, l’adorer. Mais c’est aussi le lieu où l’on fait des sacrifices de bêtes pour implorer les faveurs de Dieu. C’est quelque part une boucherie des bêtes.  Et donc, on y trouve des vendeurs d’animaux (bœufs, brebis, colombes), des changeurs de monnaie, des flâneurs. C’est tellement achalandé que l’on comprend pourquoi Jésus fait le ménage de ce lieu sacré devenu un instrument de profit mercantile !

Le geste provocant qu’il pose est hautement symbolique et prophétique : il purifie un lieu dévoyé à ses yeux, dont l’utilité originelle  a carrément été détournée. Ce faisant, il ouvre une nouvelle compréhension de la religion,  qui ne repose plus sur l’accomplissement des rites, qui pis est tarifiés, mais sur une démarche intérieure, libre et authentique : la conversion du cœur. A quoi sert-il de manipuler la Parole de Dieu par un ritualisme hypocrite ou de se mentir à  soi-même ? Je renvoie à certaines pratiques traditionnelles de l’Eglise inconcevables aujourd’hui, comme par exemple la doctrine des indulgences !  L’important ne serait-ce pas  d’être vrai devant Dieu et sa conscience ? Et quand Jésus dit : »Détruisez ce Temple« – ironie de l’histoire : il a été détruit en 70 par les romains -, il met fin au culte de l’ancienne alliance (appartenance ethnique au peuple juif, circoncision, pratiques rituelles). Désormais, ce n’est plus vers Jérusalem qu’il faut voyager pour aller adorer Dieu (Jn 4, 23).  Le nouveau Temple  purifié, restauré spirituellement qu’évoque Jésus, c’est  le vrai, l’universel et  c’est lui-même ! Son Corps ressuscité est tout transparent à la présence de Dieu, qui y habite en plénitude.  Dorénavant, le seul sacrifice qui plaît à Dieu, l’unique qu’il agrée, c’est le Sang de l’Agneau de la  Pâque Nouvelle (Héb 10, 1-17) …  Et justement, c’est dans ce Corps ressuscité du Christ que nous sommes incorporés par le baptême. D’où le rappel de saint Paul : « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu ? » (1 Co 3, 16). Tu le sais maintenant, tu es une valeur infinie, ton histoire est sacrée : le Temple de Dieu, c’est ta maison intérieure. Maurice Zundel le souligne en ces termes : « Les temples de pierre peuvent s’écrouler. Les hommes, désormais, sont appelés à découvrir en eux-mêmes le sanctuaire du Dieu vivant » Telle est la folie de l’amour de Dieu pour l’homme, le plus  fou des mystères : sa présence en toi !

Sans craindre la police du Temple, Jésus manifeste et son geste est spectaculaire. Son culot ne peut que nous interpeller avec nos convictions parfois trop timides,  tièdes, faites « de correctement politique », de tolérance mielleuse quand nous devons  témoigner de notre foi dans certaines circonstances épineuses. A se demander parfois où est la mission prophétique de notre baptême ! Peut-on rester timoré quand on se dit être « un zélé et un indigné » comme Jésus ?

Bénissons Dieu pour ce que Jésus a fait et a dit en ce  jour où il chassa  les marchands du Temple de Jérusalem !Il nous invite pour ainsi dire  à nous mettre en mouvement, à entrer dans la dynamique du renouveau spirituel qu’il nous a apporté. En effet, c’est de son Corps remis debout le 3ème jour,  dont il parlait. C’est  sa résurrection qu’il annonçait. Nous nous y préparons non pas  pour célébrer un événement du  passé, parce qu’elle  est le gage de notre propre résurrection et la force de nos élans de vie et de rebondissement.

Bonne route vers Pâques.

                                                                              Vital Nlandu, votre curé-doyen

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La Transfiguration !

Homélie du 2ème dimanche de Carême B                                                                                                            Lectures : Gn 22, 1-2.9-13.15-18 ; Ps115 ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9, 2-10

Mes sœurs et mes frères, je vous parlerai aujourd’hui de la gloire à venir et de la spiritualité de la transfiguration…

En effet, la mort est de ces mystères épais qui nous taraudent. Jésus savait pertinemment que le mystère de sa passion et de sa mort allait dérouter, déstabiliser ses proches  à l’instar des disciples d’Emmaüs tout à fait désarçonnés : « Nous, on croyait que c’était lui le messie, hélas ! » (Lc 24, 21). Alors, pour les apaiser, il choisit Pierre, Jacques et Jean, le trio qui l’avait accompagné pour relever la fille de Jaïre (Lc 8, 51) et qui, après, sera témoin de son combat spirituel au jardin de Gethsémani (Mc 14, 33). Jésus emmène donc les trois pour partager avec eux un moment sans précédent sur le mont Thabor. La montagne est un lieu privilégié pour la contemplation;  et là, sur cette haute montagne, il leur fait voir un flash de la gloire qui l’attend, qui nous attend, la gloire qui vient…, question de nous faire saliver, de cultiver en nous le creux, le manque, l’envie de la savourer. La Transfiguration est une préfiguration, un avant-goût de sa résurrection et de la nôtre !

Je voudrais ce matin livrer un petit témoignage : personnellement, je crois fort à la communion des saints, cette chaîne de solidarité qui relie les amis de Jésus d’hier, d’aujourd’hui et de demain.  Mes trois frères sont décédés en l’espace de six ans ; nous étions tellement attachés, tellement amis et complices que je pense pratiquement tous les jours à eux. Un proverbe africain dit : « Là où une dent a été arrachée, la langue revient sans cesse ! » Ils me manquent… Cependant, je ne crois vraiment pas – c’est une certitude ! – qu’ils soient anéantis, disparus pour toujours. Ce qui me rassure, c’est justement ma folle espérance de la gloire à venir. Par le flash de la gloire éblouissante de la transfiguration, je sais dorénavant que la mort est un passage : au bout du corridor, du tunnel, il y a une plénitude de lumière, de vie et d’amour. En fait, la gloire dont il s’agit, c’est celle dont témoigne saint Jean : « Nous avons vu sa gloire » (Jn 1, 14b) ; celle que Jésus lui-même évoque : « Père, donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi… Je veux que mes amis contemplent ma gloire » (Jn17, 5. 24). Saint Paul y fait allusion en ces termes : « J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont nullement à comparer à la gloire qui va se révéler !» (Rm 8, 18). Cette gloire, elle  fonde mon espérance ; la vivre, m’en imprégner un jour …, c’est mon aspiration profonde, mon projet de rêve !

Oui, les évangélistes Mathieu, Marc et Luc s’accordent pour dire que sur le mont Thabor, Jésus s’est couvert d’une lumière resplendissante, l’habit de Dieu. Son apparence corporelle devint éblouissante, radieuse, totalement transparente à la présence de Dieu.

Savez-vous que la grandeur de l’homme, c’est de se poser des questions de sens auxquelles d’ailleurs, il n’a pas toujours de réponse ?  Il y a deux semaines, un ami me demandait quel était mon avis sur cette assertion de Jean-Jacques Rousseau : « L’homme est naturellement bon, c’est la société qui le déprave« . Ma réponse : l’homme est une composante qui résulte de plusieurs paramètres : son patrimoine génétique, son héritage culturel, son éducation, ses blessures, ses frustrations, ses rencontres, son parcours. Comme un kaléidoscope d’étincelles, de particules de toutes couleurs dont les combinaisons varient à l’infini, l’être humain est une énigme, qui ne sait pas lui-même en quoi il est notamment capable de bien ! Tel l’oignon formé de plusieurs écailles, il présente différentes facettes que sans doute on ne finira jamais de découvrir. Cependant, ainsi que le soutient A. Camus, « Il y a, en chaque homme, plus de choses à admirer qu’à mépriser« . Autrement dit : il brille dans le cœur de chaque être humain une étincelle, une petite flamme du Christ, l’étoile brillante du matin qui ne connaît point de couchant (Apoc 22, 16 ; 2 Pi 1, 19)… Telle est la vraie spiritualité de la transfiguration : acquérir un a priori positif qui te permet d’avoir, pour chaque personne, un regard bienveillant,  qui perce sa  beauté  intérieure,   qui reconnaît la lumière divine  qui  brille en lui.

Ceci dit, à la séquence de la transfiguration, épris d’un sentiment océanique (fusion à quelque chose qui te dépasse), le cœur bondissant de joie spirituelle, Pierre s’extasie !  Il propose de construire trois tentes dans ce jardin de délices, pour qu’ils y demeurent à jamais. Sauf que sa demande ne sera pas exaucée pour cette fois-ci ! Pourquoi ? Parce que, comme pour Pierre, ta vie continue et à ras de terre, il faut boire la coupe jusqu’à la lie. Il faut redescendre dans la vallée où bat le pouls de l’histoire. C’est là, dans ton biotope, par le bonheur que tu donnes, l’énergie que tu diffuses et transmets ; c’est là que tu seras le petit grain de lumière qui balise l’océan du monde. C’est là que ton visage sombre se laissera transfigurer par la lumière pascale, celle qui métamorphose le cœur résolu à se convertir.

                                                                            Vital Nlandu, votre curé-doyen

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Entrée en alliance ! 

Homélie du 1er dimanche de carême B : Entrée en alliance !                    

 Lectures : Gn 9, 8-15 ; Ps 24 ; 1 P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15

Mes frères et mes sœurs, je vous parlerai aujourd’hui de notre alliance avec Dieu et du désert où nous convie  l’Eglise en ce temps de Carême.

En effet, l’histoire de la relation entre Dieu et l’Humanité est émaillée d’alliances interrompues à plusieurs reprises par l’homme. Mais Dieu, le 1er Amour, ne s’est jamais lassé, il revient toujours à la charge. La première lecture de ce week-end évoque l’alliance initiale de l’histoire du salut. C’est une l’alliance cosmique, celle de Dieu avec toute la Toile du vivant, toute la création, et pas seulement les hommes ! En voici le contexte : selon le récit mythique de la Genèse, les hommes sont de plus en plus dévoyés, leur méchanceté empire (Gn 6, 5. 11-13). Dieu se décide alors de les supprimer de la terre par la tragédie du déluge, à l’exception de Noé, le juste – celui qui s’ajuste à la volonté de Dieu -, et tous les rescapés du déluge…

Une alliance est une relation, un accord, un pacte, un contrat, une communion. Et pour l’établir, il faut qu’il y ait entre autres :

*Les contractants (alliés) : dans un contrat matrimonial par exemple,  c’est l’homme et la femme. Ici c’est Dieu et les hommes à qui est confiée la responsabilité de toute la création, non pas pour en être les prédateurs ou les exterminateurs, mais les gardiens !  Hélas, aujourd’hui le désastre écologique déforce à bien des égards ladite alliance. Il y a lieu de s’indigner de l’actuelle destruction sauvage de la nature. Et pourtant, les scientifiques ont depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme : la planète est en péril ! Il est urgent de sauver ce que le pape François appelle « notre maison commune« . Il propose pour ce faire, une approche inclusive de la question : tenir compte non seulement de la perturbation du climat causée par la pollution au CO2, du tarissement des ressources naturelles, du débordement des déchets, mais aussi du scandale patent du fossé qui est en train de se creuser entre les riches et les pauvres. « La Terre est un héritage commun, dont les fruits doivent bénéficier à tous  » (Laudato si’, n° 93). Il est en effet indécent et même choquant de voir par exemple comment les riches gaspillent et parfois même de manière organisée (cf. les invendus de nos grandes surfaces …), alors que sur la même planète, il y a des êtres humains exploités d’ailleurs par ces mêmes riches, qui meurent par manque d’eau et de nourriture…

* Un médiateur : dans le mariage sacramentel, c’est le prêtre ou le diacre.  Ici c’est Noé.

*Une clause de l’alliance : en l’espèce, c’est le salut – si l’homme se détourne du mal, il n’y aura pas de destruction de la création.

*Un symbole de l’alliance : pour un mariage, c’est une bague au doigt amoureux, l’annulaire. Le symbole de l’alliance entre Dieu et la création, c’est l’arc-en-ciel qui relie ciel et terre… Les amis, notre vie n’est-elle pas, elle aussi, comme un arc-en-ciel dont la perception des couleurs ne dépend que de la cohabitation paradoxale de la pluie, d’un ciel d’orage et du soleil ?… Veux-tu admirer l’arc-en-ciel ? Supporte alors l’orage et attends le soleil…   

Quant au récit de l’Evangile de Marc, à l’aube de sa vie publique, Jésus s’ouvre à l’Esprit qui le pousse au désert. Le désert oblige à s’alléger et il conduit au silence intérieur, à la solitude spirituelle, à la rencontre intérieure, au tri entre l’accessoire et l’essentiel. Ainsi que l’insinue le prophète Osée, le désert c’est la chambre nuptiale de Dieu avec son peuple, qui fait office d’épouse (Os 2, 16), le lieu d’écoute de voix intérieures !… Et là, au désert, Jésus vit avec les bêtes sauvages, il est servi par les anges. Il restaure pour ainsi dire l’ancienne alliance de Noé, le rêve ou plutôt l’espérance de la nouvelle création, apaisée et réconciliée dans l’intimité de Dieu (cf. Is 11, 1-9).

Au désert, Jésus résiste à la séduction du mal, déjoue les pièges de Satan. Il y livre un combat spirituel, tout naturellement qui le rend spirituellement aguerri : « Un arbre n’est solide et robuste » écrit judicieusement Sénèque, « que s’il doit résister fréquemment aux bourrasques : les secousses resserrent ses fibres et fixent plus profondément ses racines« … Nous aussi nous livrons le nôtre et en sommes vainqueurs chaque fois que l’amour triomphe de la haine, la bienveillance de l’indifférence, le pardon de la rancune, l’honnêteté de la fourberie, la foi du doute.

En ce qui me concerne, la tentation que je redoute le plus est liée à mon baptême. Quand dans la prière du Notre Père j’ose dire : « Et ne nous laisse pas entrer en tentation« , je pense en premier lieu au délicat risque de perdre ma foi, parce que je serais déçu d’un Dieu fantasmé, qui ne correspond pas à la représentation que je m’en fais ! …

Alors requinqué par le Souffle du désert, Jésus nous transmet cette  Heureuse Nouvelle : c’est maintenant le temps de Dieu, le temps d’accueillir dans la foi et l’espérance, sa présence dans notre vie. C’est maintenant l’occasion favorable de redorer le blason de notre alliance baptismale (2ème lecture) en changeant de regard vis-à-vis de nous-mêmes, de l’autre, de la nature et de Dieu … Et je souligne  que pour le pape François, une des clés de consolidation et de réussite de toute alliance, fût-elle avec Dieu, entre conjoints, entre amis, entre parents et enfants, c’est savoir dire Merci, Pardon, S’il te plaît !

                                                                               Vital Nlandu, votre curé doyen

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La question de l’ouverture à l’autre : quand les exclusions rongent notre société ! 

Homélie du 6ème dimanche ordinaire B :

           Lectures : Lv 13, 1-2. 45-46; Ps 31; 1 Co 10, 31-11, 1; Mc 1, 40-45

Mes sœurs et mes frères, la liturgie de la Parole que l’Eglise propose à notre méditation en ce dimanche, évoque la  lèpre.  C’est une affreuse maladie infectieuse chronique, caractérisée notamment  par une atteinte  de la peau,  des muqueuses et des nerfs périphériques. Elle aboutit à  la tuméfaction du faciès, à des mutilations (on perd ses doigts, ses pieds …) et à tant d’autres déformations comme les mains en griffe. Ce fléau millénaire sévit dans des zones tropicales et subtropicales en Afrique-Madagascar, dans les Iles du pacifique, aux Antilles, en Asie et en Amérique latine. Selon l’OMS, il y a actuellement 2,8 millions de personnes atteintes dans le monde…  Cette hideuse  maladie est un des souvenirs de ma jeunesse : à la suite de notre compatriote devenu lépreux, le père Damien de Veuste (1840-1889), « martyr » de la charité auprès d’un millier de lépreux dans  l’île de Molokaï à Hawai, j’étais, comme petit séminariste, parmi les jeunes volontaires qui allaient faire de l’apostolat à la léproserie Loangu-lu-Vungu dans le Mayombe (RDC) d’où je suis originaire…

Au Proche-Orient et plus précisément dans la conception hébraïque, la lèpre était ce qu’était l’épidémie de la peste en Occident et l’endémie du VIH à la fin du 20ème siècle : une maladie qui suscite répulsion, phobie et est  considérée en bloc et a priori comme un châtiment de Dieu. Le lépreux était un paria maudit, humilié, stigmatisé, culpabilisé, mis au ban de la société. Comme pour la  pandémie de  covid-19, il fallait absolument des mesures barrières : une quarantaine obligatoire pour le lépreux et si jamais il se retrouvait en pleine rue, les gens  devaient , en guise de prévention primaire légale, se tenir à distance et lui, avait l’obligation de se faire remarquer par des vêtements déchirés, des cheveux en désordre, en mettant un masque et surtout  en enclenchant  la sirène d’alarme en gueulant : « Impur! Impur !  » (1ère lecture). C’était une terrible épreuve,  tellement dévalorisante.

Et qui se présente à Jésus ? Un lépreux  traqué par des regards agressifs,  qui le supplie avec insistance et à genoux : « Si tu le veux, tu peux me purifier!  » Cette imploration me rappelle la réponse de Marie à l’ange Gabriel : « Que tout me soit fait selon ta parole »  Elle fait aussi écho de la prière du Pater : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel« . « Impur » signifie « Indigne« . A la messe, avant de vivre la communion mystique avec Jésus-eucharistie, l’Ecclesia, l’assemblée convoquée par Jésus-Christ et rassemblée autour de lui s’exclame en disant : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ! » … Dans un élan de miséricorde, la requête émouvante du lépreux retourne les tripes de Jésus. Du latin  miséricordia, miseri (pauvre) , cor (cœur), la miséricorde n’est pas une mièverie affective, c’est un cœur bouleversé de l’intérieur, saisi  aux entrailles. Un cœur touché par la misère de l’autre, sensible à sa dégradation morale,  sa détresse spirituelle, sa souffrance psychologique, sa douleur physique,  sa précarité matérielle…

Alors, sans autre forme de procès, Jésus va  scandaliser tout le monde par un geste révolutionnaire : toucher l’intouchable ! Et pourtant, il aurait pu  guérir ce pauvre homme par sa seule parole comme il l’a fait en d’autres occasions. Pourquoi le touche-t-il coûte que coûte ? Son geste a une portée socio-affective et théologique. En bravant l’interdit sanitaire, la distanciation préventive, Jésus brise le tabou, les barrières entre les hommes et répare pour ainsi dire  les fractures sociales. En outre, le toucher n’est pas seulement un geste tactile de tendresse, mais aussi de transmission de chaleur, d’énergie, d’esprit, d’ondes bref une entrée en relation. Et puis, Jésus déploie le mystère de son incarnation : en soignant (purifiant) un corps ravagé par la maladie et méprisé par l’homme,  il valorise la chair humaine  dont il est lui-même formé en tant qu’Homme-Dieu. Ce faisant, il assume sa nature humaine sans cesser d’être Dieu …

« Oui je le veux, sois purifié « , autrement dit   je te remets debout et en état de marche; désormais tu es restauré dans ta dignité;  rentre dans ta famille, dans ton village et reprends normalement tes activités. Mais je te demande  2 choses : va te présenter au prêtre qui enregistre et authentifie, selon la loi de Moïse, pareille guérison. Il te donnera le certificat de réintégration dans la société. Et puis, tu as l’injonction du top secret : ne fais pas de publicité de ta guérison, pour m’épargner la ruée de gens qui voudraient  bien être  guéris à bon marché. Il ne faut pas qu’ils se méprennent : je ne suis pas d’abord un thaumaturge, mais le prophète de la Bonne Nouvelle de l’Amour inconditionnel de Dieu pour l’homme. Ce que je guéris en premier lieu, c’est la lèpre de l’âme, la lèpre spirituelle, c’est-à-dire le péché qui rend l’homme si vulnérable, impuissant  d’aimer en vérité, d’accueillir l’autre dans son altérité, sa différence…

Voilà pourquoi dans la deuxième lecture, saint Paul nous exhorte à nous adapter à tout le monde et à rechercher avant tout la gloire de Dieu. Pour saint Iréné, l’Evêque de Lyon,  Cette gloire,  c’est  « l’homme vivant » qui est au service de l’homme.

                                                                    Vital Nlandu, votre curé-doyen

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Une journée de Jésus !

           Homélie du 5ème dimanche ord B : Une journée de Jésus !

Lectures Jb 7, 1-46-7; Ps 146 (147 a); 1 Co 9, 16-19. 22-23 ; Mc 1, 29-39

Mes sœurs et mes frères, dans le texte d’Evangile de ce dimanche, saint Marc nous présente la journée-type de Jésus, son agenda surchargé : dès l’aube, prière intime, personnelle ; prière communautaire et enseignement à la synagogue ; pastorale de la santé et exorcisme (délivrance) pour guérir les cœurs brisés et soulager la détresse humaine (1ère lecture) ; rencontres et écoute des préoccupations des gens.

Les amis, dans notre monde moderne, néo-libéral, nous vivons à bien des égards dans un rythme de vie effréné : agendas débordants, pression sociale, boulimie de travail y compris pastoral. Il y a des prêtres, des laïcs engagés qui se demandent à juste titre si la vie consacrée à Dieu et à l’Eglise ne consiste qu’à manager, à organiser, à faire encore et toujours, à courir sans cesse. Savez-vous, il n’y a jamais eu autant qu’aujourd’hui de diagnostic de burn-out, de consommation de psychotropes. Il faut par exemple s’armer de patience pour avoir un rendez-vous médical chez un psychiatre.

C’est ici que l’exemple de Jésus est inspirant : avant de commencer sa journée, il éprouve un besoin impérieux de se retrouver seul, dans un bain de silence, pour sa paix intérieure, la respiration de son âme. Pourquoi ce besoin de quiétude et de solitude ?

En effet, le silence pousse au désert intérieur, il ouvre à l’invisible, à la lecture de sens, à l’émerveillement, à la prière … Jésus va ainsi au désert, lieu de privation, de dépouillement, de mise à nu de l’individu : on y est face à son propre destin… « Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part » (Antoine de Saint Exupéry). Ce puits, n’est-ce pas un puits de grâces ? Jésus y va pour prier, se ressourcer, s’imprégner à la source de l’amour et consacrer le monde à Dieu.

Alors, pour ton hygiène de vie humaine et spirituelle, ne convient-il pas d’apprendre à ralentir, à faire une halte, à respirer ?  Et si chaque jour, tu prenais au moins 15 minutes de silence, de détachement, de lâcher-prise pour te perdre en toi, retourner dans ta crypte intérieure, secrète, spirituelle. Tu te réapproprieras le sanctuaire divin bâti au plus intime de toi. Ce sanctuaire, c’est le temple dont parle saint Paul : « Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, que l’Esprit Saint habite en vous ? » (1 Co 3, 16).  S’y poser et reposer est le secret d’apaisement, d’ataraxie … « A l’intérieur de nous-mêmes » écritMaurice Zundel, « Dieu ne cesse de nous attendre »  On gagne ainsi à (re)découvrir son monde intérieur ! 

Dans la page d’Evangile, Jésus guérit la belle-mère de Simon qui, sitôt que Jésus a saisi sa main, s’est levée et s’est mise à les servir. Le verbe « se lever » (se remettre debout physiquement et moralement) a une consonance résurrectionnelle, et le verbe « servir » une nuance diaconique. Chers amis, si Dieu nous remet debout, s’il nous donne le souffle de vie, la santé encore aujourd’hui, c’est sans doute pour que nous continuions d’être utiles aux autres.

Et puis, cette autre considération d’Evangile m’interpelle : Jésus s’étant retiré au désert, les gens le cherchent. Par sa réponse : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Evangile« , il leur fait comprendre que loin de se confiner dans le confort des clubs ou des cercles privés, il faut élargir l’horizon de la mission « universelle ». Autrement dit il convient de prêcher « l’Heureuse Nouvelle » jusqu’aux périphéries, chez les inconnus et même les sceptiques, les  indifférents. Saint Paul le dit sans détours : « Evangéliser est une nécessité qui s’impose » (2ème lecture)… Que dire alors de notre société sécularisée ; de nos paroisses devenues paroisses des « cheveux blancs »; que dire de l’éloignement de nos enfants et petits-enfants des églises ?

Toujours est-il que nous sommes, en ce qui nous concerne, responsables de ce que nous semons et non de ce qui pousse, tout en sachant que de tout témoignage évangélique, il en reste toujours quelque chose !

                                                                    Vital Nlandu, votre curé-doyen

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